Jetons de présence, actions gratuites, dividendes : ce que contient la déclaration d’intérêts d’Amélie Oudéa-Castéra

Jetons de présence, actions gratuites, dividendes, assurance-vie… selon la déclaration d’intérêts et de patrimoine d’Amélie Oudéa-Castéra, en date de juillet 2022, on peut évaluer celui de la ministre de l’Éducation et des Sports autour de 7 millions d’euros. Une fortune tirée pour une bonne part de ses années chez Axa.

Amélie Oudéa-Castéra possède un stock d’action Axa estimé à 2,8 millions d’euros.
© JALAIN JOCARD / AFP

Depuis sa promotion au poste de ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, les ennuis planent en escadrille au-dessus de la tête d’Amélie Oudéa-Castéra. Après ses propos polémiques sur l’école publique et sa malencontreuse publicité pour l’enseignement privé, pas un jour ne passe sans qu’elle ne soit épinglée pour ses revenus extravagants dans ses fonctions précédentes.

Alors que les ministres disposent encore d’un mois et demi pour déposer leur déclaration d’intérêts et de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), un décret énumérant toutes les affaires dans lesquelles Amélie Oudéa-Castéra devra se déporter a été publié, mardi 22 janvier, au Journal officiel, et la liste, encore incomplète peut-être, est déjà fort longue : Axa, Carrefour, Société générale, Capgemini, Sanofi, la start-up Sportbudiz, la Fédération française de tennis, l’association Rénovons le sport français et l’établissement privé Stanislas où elle a scolarisé ses enfants…

Un rouage du capitalisme hexagonal

Jusqu’à ce funeste mois de janvier, dans les journaux économiques, le parcours d’Amélie Oudéa-Castéra se narrait plutôt à la flûte et avec des brassées de fleurs. C’était l’histoire d’une championne de tennis junior qui bifurque vers les grandes écoles, l’Essec puis l’ENA, avant de débuter, dans sa très brève carrière dans la haute fonction publique, comme auditrice à la Cour des comptes, puis d’embrasser par la suite le CAC 40…

Selon sa propre légende, après l’avoir repérée dans une gazette interne de l’ENA qui évoquait son parcours atypique, Daniel Bouton, le patron de la Société générale, avait dépêché son directeur financier, Frédéric Oudéa, pour la recruter. Cela s’était soldé par une partie de tennis, puis une autre, ensuite des affinités, enfin un mariage et trois enfants…

Mais une autre lecture, basée sur la reproduction des élites économiques en France, s’impose, en vérité. Frédéric Oudéa, ancien élève de l’ENA et de Polytechnique, conseiller de Nicolas Sarkozy dans les années 1990 au sein du gouvernement Balladur (tandis que le père d’Amélie, Richard Castéra, haut fonctionnaire et dirigeant chez Publicis, œuvrait au cabinet de Claude Goasguen), fait entrer son épouse chez le géant français des assurances Axa, au cœur des rouages du capitalisme hexagonal. La jeune femme occupe vite un poste de haut niveau non loin d’Henri de Castries, le successeur de Claude Bébéar, et un premier strapontin comme administratrice de Lagardère qui cherche à « féminiser » ses instances.

Sa déclaration d’intérêts retirée du site de la HATVP

Et ainsi de suite : Amélie Oudéa-Castéra aura toujours plus de jetons de présence pour avoir assisté à quelques réunions au conseil d’administration du fonds d’investissement Eurazeo, d’autres chez Plastic Omnium, dont le PDG a été un temps président de l’Association française des entreprises privées (Afep), le puissant lobby des très grandes multinationales françaises…

Sous le mandat de Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du Medef, Amélie Oudéa-Castéra copréside également une commission dédiée aux « mutations technologiques et impacts sociétaux ». Après une première tentative, infructueuse, de rentrer au gouvernement, à la suite de la première victoire d’Emmanuel Macron, elle finit par débarquer à Carrefour, autre entreprise majeure où se côtoie la fine fleur des hauts fonctionnaires passés aux affaires.

Ce parcours oligarchique à la française, dans l’entre-soi et hors-sol à la fois, on en trouve des traces dans la première déclaration d’intérêts et de patrimoine d’Amélie Oudéa-Castéra, en date de sa première entrée au gouvernement, déposée en juillet 2022.

Dans l’attente de son actualisation, le document a été retiré du site de la HATVP, mais à partir de son contenu, qu’exhume l’Humanité aujourd’hui, il permet de mesurer plus globalement les gigantesques profits engrangés et de révéler, dans la foulée, sans doute, un monde séparé du reste de la société…

Dans les faits, Amélie Oudéa-Castéra a perçu une rémunération nette de 647 000 euros d’Axa (pour un an, entre juin 2017 et mai 2018), de 1,53 million d’euros chez Carrefour (entre novembre 2018 et mai 2021) et 521 000 euros à la Fédération française de tennis (entre mars 2021 et mai 2022). Elle a également touché 164 000 euros net pour sa participation au conseil d’administration de Plastic Omnium entre 2017 et 2022, et 135 000 euros pour le même – léger – exercice chez Eurazeo.

Un patrimoine total estimé à 7 millions d’euros

Mais, au-delà de ces revenus, elle peut compter sur les actions gratuites qu’elle a reçues chez Axa comme chez Carrefour : au cours actuel, la valeur de son stock d’actions Axa peut être estimée autour de 2,8 millions d’euros ; pour le géant de la grande distribution, ses titres avoisinent les 700 000 euros. De quoi lui apporter, rien que sur ces deux titres de son portefeuille, des dividendes autour des 180 000 euros l’année dernière.

Dans sa déclaration de patrimoine, en juillet 2022, la ministre de l’Éducation évoquait, encore, la détention d’une quote-part de 10 % sur une maison parisienne de 469 mètres carrés pour une valeur vénale de 960 000 euros. En plus d’un PEA déclaré à 143 000 euros, elle était également détentrice de plusieurs contrats d’assurance-vie et plan épargne-retraite chez Axa et à la Société générale pour un montant global de 2,36 millions d’euros.

Au total, Amélie Oudéa-Castéra, seule, et sans prendre en compte les revenus plus astronomiques de son mari, devenu patron de Sanofi, peut revendiquer un patrimoine autour des 7 millions d’euros. De quoi, loin des envolées rhétoriques sur la « méritocratie », donner des envies furieuses de sécession, à Stanislas ou ailleurs…


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