Crise du logement : depuis l’élection de Macron, sept ans d’abandon

Alors que l’accès à un appartement ou une maison devient de plus en plus difficile pour les classes populaires et moyennes, le gouvernement persiste dans une politique de désengagement et de dérégulation. S’ensuit une crise sociale aux conséquences dramatiques.

Le nombre de demandeurs HLM a atteint 2,6 millions de ménages et les mises en chantier ont chuté de 22 %.
© Laurent GRANDGUILLOT/REA

Les acteurs du secteur du logement n’ont pas de mots assez sévères. Des associations d’aide aux mal-logés aux promoteurs immobiliers, en passant par le bâtiment et les bailleurs sociaux, l’absence de réponse à la crise sans précédent qui les frappe fait l’objet d’une critique unanime. Et ce ne sont pas les quelques paroles prononcées par le premier ministre, Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale, mardi 30 janvier, qui va les rassurer.

Au contraire. « Déception et colère que l’ampleur de la crise ne soit pas prise au sérieux ! Il est temps que l’État redevienne un arbitre, un pilote et un régulateur d’un secteur en crise », a réagi Emmanuelle Cosse, présidente de la fédération des bailleurs sociaux (USH). Mais le gouvernement s’en tient à ses recettes libérales. « La politique d’Emmanuel Macron depuis 2017, c’est un grand vide, résume le sénateur PCF Ian Brossat. Le logement sert de variable d’ajustement budgétaire, sans être jamais considéré comme un secteur stratégique. »

Une crise sans précédent

Pour la Fondation Abbé-Pierre (FAP), qui publie ce jeudi 1er février son 29e rapport sur l’état du mal-logement en France, pas de doute : « La bombe sociale du logement a explosé. » Le manque de logements abordables n’est pas une nouveauté. Mais, en 2023, la crise a atteint une dimension inédite et concerne l’offre comme la demande. Deux chiffres illustrent ce blocage : d’un côté, le nombre de demandeurs HLM a atteint 2,6 millions de ménages ; de l’autre, les mises en chantier ont chuté de 22 %.

Inflation et hausse des taux d’intérêt expliquent ce déséquilibre. Les deux facteurs ont rendu impossible l’accession à la propriété à de nombreuses personnes. « Les prix ont atteint un niveau stratosphérique », rappelle Jean-Baptiste Eyraud, de Droit au logement (DAL). Résultat, les aspirants accédants restent locataires. Et, faute d’acheteurs, les promoteurs n’ont plus les moyens de construire.

Ajoutés à la concurrence des airbnb, les prix élevés ont aussi une incidence sur l’offre locative (-18 %), poussant un nombre croissant de ménages à se tourner vers les HLM. La mobilité résidentielle est empêchée comme jamais et toute la chaîne est grippée. Avec, en bas de l’échelle, les plus précaires, qui sont poussés vers l’habitat indigne et informel. Devant le Parlement, Gabriel Attal s’est pourtant contenté de ressortir les vieilles recettes : « Simplifier massivement les normes » pour produire un « choc d’offres ». « Exactement les mêmes termes que ceux de Macron en 2017, ironise Ian Brossat. Depuis, on n’a jamais aussi peu construit. »

Le retrait budgétaire

« La politique du gouvernement est guidée par deux idées : le marché fera mieux que l’État, et on ne manque pas vraiment de logements », explique Ian Brossat. Rien n’illustre plus ce désengagement que la baisse des dépenses publiques, passées de 2,2 % du PIB en 2010 à 1,6 % en 2023, avec 15 milliards d’euros de baisse par an. « Un point historiquement bas », souligne le rapport de la FAP, qui rappelle que le logement rapporte plus qu’il ne coûte à l’État.

Rien que sur les APL, on parle de 4 milliards d’euros par an d’économies, en majorité réalisées sur le dos des plus pauvres. Le montant des aides au logement a baissé, tout comme le nombre d’allocataires, passé de 6,2 millions en 2020 à 700 000 en 2023. Ces coupes, quand les loyers en partie alignés sur l’inflation ont augmenté jusqu’à 7 % en deux ans, ont paupérisé les plus pauvres. Et conduit à une hausse sans précédent des impayés et des expulsions.

Jouer le logement intermédiaire contre les HLM

Nul n’a plus pâti de ce désengagement financier que le secteur HLM. Depuis 2018, il a été ponctionné de 1,3 milliard d’euros par an. Si on y ajoute la hausse des intérêts de ses dettes et de la TVA applicable aux travaux, c’est la capacité de la seule partie du parc immobilier capable de répondre aux besoins des classes populaires qui a été mise à mal. « On est passé de 124 000 logements en 2016 à 82 000 en 2023 ! martèle Christophe Robert, délégué général de la FAP. À ce rythme, selon la Caisse des dépôts, on ne sera capable d’en produire que 66 000 par an, quand il en faudrait 150 000. »

Pendant qu’il détricote les HLM, le gouvernement fait la promotion du logement intermédiaire (LI), présenté comme la réponse aux besoins de la « classe moyenne ». De la relance post-Covid jusqu’aux annonces de Gabriel Attal, ce secteur a été aidé financièrement et sa diffusion encouragée au niveau réglementaire. « Une profonde erreur d’analyse », dénonce Christophe Robert, rappelant que ce sont d’abord les classes populaires qui peinent à se loger.

Et l’idée même que cette catégorie de logements soit la solution pour les classes moyenne paraît hors-sol : pour une personne seule, le revenu plafond pour y accéder est fixé à 4 341 euros mensuels en zone tendue et 3 354 euros en zone détendue… quand le salaire médian est de 1 900 euros. L’annonce par Gabriel Attal que ces logements vont désormais compter dans la loi SRU, qui jusque-là obligeait les communes de plus de 3 500 habitants à disposer de 25 % de logements sociaux, est un coup de plus contre les HLM. « C’est une très mauvaise nouvelle, commente Ian Brossat. Un maire de droite auquel on pouvait encore forcer la main n’aura plus aucun intérêt à faire du logement social. »

S’opposer aux normes et aux régulations

L’exécutif a également freiné la régulation d’un marché, dont les prix demeurent le problème central. Qu’il s’agisse des airbnb ou de l’encadrement des loyers, « le gouvernement l’applique, mais sous la pression des élus locaux, en y mettant beaucoup de mauvaise volonté », déplore Ian Brossat. Rien n’illustre plus cette réticence que les deux années de tergiversations pour parvenir, ce 29 janvier, au vote d’une loi transpartisane qui supprime la niche fiscale accordée aux logements airbnb.

Et encore, rien n’est gagné, le prochain examen du texte au Sénat pouvant se traduire par un retour en arrière. Même frilosité sur l’encadrement des loyers, qui malgré son succès, reste une expérimentation appliquée par les villes volontaires. Pas question non plus d’intervenir sur les prix du foncier, qui font l’objet d’une spéculation massive et comptent désormais pour près de la moitié des coûts de construction. Un laisser-faire qui, pourtant, fragilise deux autres mantras macronistes : le plein-emploi et le réarmement démographique.

 

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