Lecture: « Le marxisme est un humanisme » : une philosophie pour l’humanité

Avec son ouvrage, Le marxisme est un humanisme, Stéphanie Roza se concentre sur les œuvres de Sartre et de Lukacs pour poursuivre son étude consacrée aux Lumières.

Stéphanie Roza poursuit le travail commencé dans ses ouvrages précédents consacrés aux Lumières. L’humanisme peut être défini à grands traits comme une orientation philosophique générale insistant sur l’idée d’une nature ou d’une essence humaine (universalisme), d’une capacité des hommes à comprendre le monde dans lequel ils vivent (rationalisme) et d’une aspiration à l’émancipation collective (progressisme).

Fondement de la gauche depuis 1789, l’humanisme est aujourd’hui vivement attaqué, d’abord et curieusement à gauche, par des courants de pensée se voulant radicaux et subversifs. L’universalisme serait un leurre et le masque de dominations en tout genre. Le rationalisme deviendrait responsable de la destruction des « écosystèmes ». Quant au progressisme, il se réduirait aux discours publicitaires vantant les dernières babioles proposées par le marché et à la propagande hypocrite accompagnant les contre-réformes néolibérales.

Jean-Paul Sartre et Georg Lukács

La philosophe et historienne propose dans ce nouveau livre d’interroger les relations entre marxisme et humanisme. L’entreprise pourrait sembler hasardeuse pour des raisons historiques, en particulier au regard de la période stalinienne. Mais aussi pour des raisons plus philosophiques. Althusser n’a-t-il pas affirmé que le marxisme était un « antihumanisme théorique » ?

L’ouvrage se concentre sur deux philosophes, Jean-Paul Sartre et Georg Lukács, qui ont tous deux « entrepris de reconstruire l’édifice du marxisme sur la base d’une vaste enquête sur la nature de l’homme ». Sartre et Lukács « se distinguent par la profondeur et l’originalité de leurs vues, qui ne semblent pas avoir d’équivalents parmi les auteurs s’étant réclamés du marxisme humaniste après 1930 ».

Stéphanie Roza confronte ces deux monuments que sont Critique de la raison dialectique de Sartre et Ontologie de l’être social de Lukacs, qui, au-delà de leurs différences et de leurs contradictions, sont animés par une même intention : « Préserver à la fois l’effectivité du facteur subjectif et le caractère déterminant de l’infrastructure socio-économique et des luttes de classe comme moteurs de l’histoire. »

Les deux philosophes se connaissaient, ils se sont lus, ils ont débattu par journaux interposés lors de la venue du philosophe hongrois à Paris en 1948. Mais la discussion ne s’est pas poursuivie. C’est tout l’intérêt du livre Le marxisme est un humanisme que d’essayer de faire dialoguer ces deux grands textes.

La conclusion de l’enquête est claire : l’œuvre de Lukács, plus que celle de Sartre, constitue un point d’appui solide pour les combats idéologiques de notre époque. Lukács est « l’héritier légitime de la tradition humaniste occidentale », tandis que Sartre « préfigure les doutes et les angoisses qui caractérisent la conscience collective contemporaine quant au destin individuel et global des êtres humains ». Une invitation à lire et à travailler Lukács.

Le marxisme est un humanisme, de Stéphanie Roza, PUF, 2024, 512 pages, 27 euros

 


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