Les vingt ans de la loi sur le port de signes religieux ostensibles à l’école sont l’occasion pour Claude Lelièvre de revenir sur le « manque de cohérence et de clarté » de la non-application de celle-ci dans l’enseignement privé sous contrat. « Si ‘’le régime de l’enseignement privé sous contrat associe au service public de l’éducation des classes au sein d’écoles ou établissements privés’’, alors celles-ci doivent être soumises aux mêmes règles que celles des écoles publiques, des collèges publics et des lycées publics , y compris bien sûr pour ce qui concerne le ‘’port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse’’. Ou bien il est fallacieux de prétendre qu’elles pourraient faire partie du ‘’service public d’éducation » et a fortiori de l’« École de la République’’ » écrit l’historien.
Selon le rapport sur « l’enseignement privé sous contrat » de la Cour des comptes de juin 2023 « le régime de l’enseignement privé sous contrat associe au service public de l’éducation des classes au sein d’écoles et d’établissements privés passant avec l’État un contrat aux termes duquel ils prennent certains engagements, comme la conformité aux programmes définis par le ministère de l’Éducation nationale et l’absence de discrimination dans l’accueil des élèves ».
Dans ce « service public de l’éducation », il y a donc bien en l’occurrence deux cas de figure. La loi d’interdiction du port de signes religieux ostensibles du 15 mars 2004 ne s’applique en effet qu’aux établissements scolaires publics (cf art I.141-5-1 du Code de l’éducation).
Selon la circulaire d’application en date du 18 mai 2004 « la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, marque la volonté très largement partagée de réaffirmer l’importance de ce principe indissociable des valeurs d’égalité et de respect de l’autre. Elle témoigne de la volonté des représentants de la Nation de conforter l’école de la République. En protégeant l’école des revendications communautaires, la loi conforte son rôle en faveur d’un vouloir-vivre-ensemble […]. L’État est le protecteur de l’exercice individuel et collectif de la liberté de conscience. La neutralité du service public est à cet égard un gage d’égalité et de respect de l’identité de chacun ».
À vrai dire, la lecture attentive de ces textes aboutit à l’expectative voire la perplexité . Et à une série d’interrogations en chaîne. Si le nouveau dispositif législatif de la loi du 15 mars 2004 apparaît comme une nécessité – une obligation sans appel – pourquoi est-il circonscrit aux écoles publiques, aux collèges publics et aux lycées publics ?
Parce que ces établissements scolaires publics seraient seuls constitutifs de « l’École de la République » ? C’est ce qui apparaît dans le texte de la circulaire d’application : « la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics […] témoigne de la volonté des représentants de la Nation de conforter l’école de la République ».
Parce que ces établissements scolaires publics seraient seuls constitutifs du « service public » d’éducation ? C’est ce qui semble être affirmé aussi dans le texte de la circulaire d’application : « En protégeant l’école des revendications communautaires, la loi conforte son rôle en faveur d’un vouloir-vivre-ensemble[…] L’État est le protecteur de l’exercice individuel et collectif de la liberté de conscience. La neutralité du service public est à cet égard un gage d’égalité et de respect de l’identité de chacun ».
Mais cela rentre en collision avec ce qui est affirmé dans le rapport sur « l’enseignement privé sous contrat » de la Cour des comptes : « Créé par la loi du 31 décembre 1959 dite loi Debré, le régime de l’enseignement privé sous contrat associe au service public de l’éducation des classes au sein d’écoles et d’établissements privés passant avec l’État un contrat aux termes duquel ils prennent certains engagements, comme la conformité aux programmes définis par le ministère de l’Éducation nationale et l’absence de discrimination dans l’accueil des élèves ».
Si « le régime de l’enseignement privé sous contrat associe au service public de l’éducation des classes au sein d’écoles ou établissements privés », alors celles-ci doivent être soumises aux mêmes règles que celles des écoles publiques, des collèges publics et des lycées publics , y compris bien sûr pour ce qui concerne le « port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse ». Ou bien il est fallacieux de prétendre qu’elles pourraient faire partie du « service public d’éducation » et a fortiori de l’« École de la République ». On est en droit d’attendre un minimum de cohérence et de clarté en l’occurrence de la part des ‘’intéressés’’…
Claude Lelièvre
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