Médicaments, consultations : dès le 31 mars, 850 millions d’économies sur le dos des malades

Un euro par boîte de médicament, 2 euros pour une consultation chez le médecin… À compter du 31 mars, le montant des participations forfaitaires et des franchises médicales va doubler. La mesure suscite la colère d’une grande partie des associations et des syndicats, qui dénoncent un hold-up de la Sécurité sociale.

 

À compter du 31 mars, le montant des franchises médicales et de la participation forfaitaire, non remboursables par les mutuelles, sera doublé. La mesure avait été annoncée par Emmanuel Macron le 16 janvier, lors d’une conférence de presse à l’Élysée. Instaurée en 2004, la participation forfaitaire désigne le reste à charge lors d’une consultation ou d’un acte réalisé par un médecin généraliste ou un spécialiste, tandis que les franchises médicales, mises en place en 2008, s’appliquent aux boîtes de médicaments prescrits, aux actes paramédicaux et aux transports sanitaires.

Concrètement, les franchises vont passer de 50 centimes à un 1 euro sur les boîtes de médicaments et les actes paramédicaux, les participations forfaitaires à 2 euros pour les actes et consultations des médecins, les examens et les analyses de biologie médicales.

Pour les transports sanitaires, la franchise s’établira désormais à 4 euros. La mesure suscite l’ire d’une grande partie des syndicats et des associations. « Dès le départ, nous nous étions opposés à l’idée même d’instaurer une franchise médicale, explique Féreuze Aziza, chargée de mission assurance maladie au sein de France Assos Santé. Cela met à mal le principe qui préside à la création de la Sécurité sociale, où chacun est censé cotiser selon ses moyens. C’est un impôt déguisé ! On fait des économies sur le dos des malades ! »

Le malade : nouvel ennemi de la logique de rentabilité macroniste

La mesure, qui devrait générer environ 850 millions d’euros d’économie, a été intégrée dans la partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui concerne la « responsabilisation des acteurs ». Une précision qui n’a rien d’un hasard, selon Cathy Cau, secrétaire générale de l’Union confédérale des retraités de la CGT. « L’objectif est de responsabiliser le patient en introduisant une contrainte financière afin qu’il consomme « raisonnablement » les soins. Le malade est perçu comme un profiteur qu’il faut éduquer », fustige l’élue qui dénonce l’hypocrisie de la mesure.

« On choisit d’avoir un téléphone, pas d’être malade. »

Françoise Nay, coordinatrice du Tour de France pour la santé

« Les sommes récupérées grâce aux franchises sont bien en deçà des économies que l’assurance maladie pourrait réaliser si elle contrôlait davantage le prix des médicaments ! Au lieu de cela, les laboratoires continuent de s’engraisser sur le dos des malades ! C’est la logique du capital qui triomphe, au détriment de tout ce qu’avait mis en place le Conseil national de la Résistance. »

Face à la fronde, le ministère de la Santé a annoncé que le montant des franchises médicales resterait plafonné à 50 euros par an et par personne, afin de « protéger celles et ceux affectés par une pathologie lourde, et notamment les personnes atteintes d’une affection longue durée (ALD) ». Une déclaration qui ne convainc pas Françoise Nay, coordinatrice du Tour de France pour la santé. « Pour des patients ayant des maladies chroniques, le plafond risque d’être atteint beaucoup plus rapidement, alors que d’autres l’atteindront alors que ce n’était pas le cas avant. »

Ces considérations financières ne semblent pas inquiéter le gouvernement. Lors de sa conférence de presse du 17 janvier 2024, Emmanuel Macron avait déclaré : « Quand je vois ce que nos compatriotes peuvent dépenser pour des forfaits téléphoniques, se dire qu’on va passer de 50 centimes à 1 euro sur une boîte de médicament, je n’ai pas le sentiment qu’on fait un crime terrible. » « On choisit d’avoir un téléphone, pas d’être malade », rappelle Françoise Nay, qui considère que le doublement des franchises pourrait constituer un facteur de limitation dans l’accès aux soins.

« Actuellement, le reste à charge est de 440 euros en moyenne par personne, contre 772 euros pour les patients atteints d’ALD. Ces sommes n’incluent pas les dépenses quotidiennes telles que les frais kilométriques et les dépassements d’honoraires. Certaines personnes, notamment celles en situation précaire, risquent de regarder à deux fois avant d’aller se faire soigner ! »

De la responsabilisation à la prévention

De leur côté, les Mutuelles de France dénoncent un « hold-up de la Sécurité sociale ». « Depuis le PLFSS de 2020, le gouvernement a décidé de ne pas compenser les exonérations de cotisations sociales offertes aux entreprises pour financer ses politiques d’emploi. L’État va chercher de l’argent qu’il n’a pas pour pouvoir financer un hold-up sur la caisse de la Sécurité sociale ! Or, celle-ci s’est jusqu’à maintenant très bien financée toute seule grâce aux cotisations de la population active et des retraités », détaille l’organisme.

« Les citoyens sont doublement pénalisés. Les ménages financent triplement le système de santé, via les cotisations, l’impôt et les franchises. On fait payer les malades pour eux-mêmes en réduisant davantage leurs droits ». Les Mutuelles de France alertent également sur les répercussions que la mesure pourrait avoir dans le choix des complémentaires santé. « Il y a des ménages qui feront des logiques d’arbitrage. Compte tenu de la crise sociale actuelle, certains d’entre eux pourront décider de réduire leur niveau de protection sociale en optant pour une complémentaire santé moins chère. »

Alors que la mesure était censée pousser les patients à consommer moins de médicaments, elle pourrait au contraire générer une prise en charge médicale plus lourde et coûteuse. Certaines associations, à l’instar de France Assos Santé, préconisent davantage de campagnes de sensibilisation. « Il faut s’attaquer aux maladies plutôt qu’aux malades. Il y a de plus en plus de maladies chroniques qui génèrent un coût humain et économique catastrophique ! Tant qu’il n’y aura pas de politique de prévention, la situation continuera de s’aggraver. »

Pour ce faire, la prévention doit s’accompagner de politiques d’investissement au long terme. « Le budget de Santé publique France est dix fois inférieur à celui de son équivalent anglais, préviennent Les Mutuelles de France. En creusant le déficit de la Sécurité sociale, le gouvernement crée des dettes sanitaires qui risquent de peser durablement sur la société française. »


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