Faut-il réformer le statut des fonctionnaires ?

Après la réunion, mardi 21 mai, au ministère de la Transformation et de la Fonction publique, les organisations syndicales expriment leur colère. Stanislas Guerini a multiplié les effets d’annonce prônant la régression.


Il faut créer les conditions d’humanisation et de démocratisation, pour permettre l’égal accès en proximité à des services publics de qualité.

Isabelle Mathurin, Coprésidente de la Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics

Le statut général de la fonction publique garantit aux usagers la neutralité, l’égalité de traitement, le respect du cadre légal et des missions de service public, contre les influences de la finance et des pouvoirs en place. Au contraire, le projet du gouvernement le remet en cause et met l’accent sur l’individualisation des rémunérations et le développement de leur part aléatoire et discrétionnaire avec l’incitation à utiliser plus largement la mesure du licenciement. Il vise, dans le cadre d’une véritable stratégie du choc, à se mettre en phase avec le programme austéritaire de la Commission européenne avec la recherche de dizaines de milliards d’économies sur les services publics.

Les mobilisations de milliers d’enseignants, d’élèves et de parents d’élèves de Seine-Saint-Denis pour des recrutements en adéquation avec les besoins ou celles des équipes hospitalières pour un accueil décent aux urgences témoignent à la fois de la dégradation du service public et de l’exigence de conditions de travail dignes. Les usagers en sont largement victimes, devant faire face à des services publics de plus en plus inégalitaires, notamment dans les zones les plus paupérisées urbaines, rurales ou ultramarines, sous couvert d’une prétendue différenciation territoriale.

C’est bien plutôt d’un plan d’urgence de recrutement dans la fonction publique, correspondant aux besoins recensés par les syndicats et les usagers, dont les services publics ont besoin. Une période de formation rémunérée, facilitée par un prérecrutement, permettrait la pérennité de personnels stables bien préparés à leurs missions. La rémunération au mérite ne prend pas en compte le collectif indispensable pour mener à bien les missions d’intérêt général et pousse à la compétition plutôt qu’à la complémentarité.

C’est une pression visant à empêcher les agents de s’exprimer sur l’organisation de leur travail et ainsi aller vers des évolutions bénéfiques pour le service public. Au contraire, la revalorisation de l’ensemble des carrières est indispensable pour rendre les métiers du service public attractifs. Il est urgent de redonner du sens au travail par une organisation du travail humaine ne soumettant pas les missions à des objectifs de rentabilité, réducteurs mais à des besoins de service public.

De nouveaux droits démocratiques permettraient l’expression des agents, des usagers et des élus, afin que les usagers ne soient plus des clients, les personnels des exécutants, et les élus des spectateurs des décisions d’une administration bureaucratisée.

Ce sont des conditions d’humanisation et de démocratisation, pour permettre l’égal accès en proximité à des services publics de qualité à l’ensemble de la population, sans discrimination et dans un objectif de développement durable. C’est pourquoi la Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics appelle au rassemblement le plus large pour défendre le statut de la fonction publique.


Face aux détracteurs du statut, plus de 5 millions de fonctionnaires et agents publics œuvrent chaque jour pour servir l’intérêt général.

Sylviane Brousse, Secrétaire fédérale de la fédération CGT des services publics, coordinatrice CGT fonction publique

Si on s’en tient à la définition des dictionnaires, réformer, c’est « faire subir à quelque chose des modifications importantes destinées à l’améliorer ». Alors oui, des réformes ont amélioré le statut des fonctionnaires : la loi du 19 octobre 1946, statut général des fonctionnaires leur garantissant des droits, les transformant de « sujet » en « citoyen » ; et presque quarante ans plus tard, la loi du 13 juillet 1983 qui a permis l’unification des différents versants de la fonction publique, la réaffirmation de droits fondés sur la carrière, des droits constitutionnels et, pour que les fonctionnaires puissent assurer pleinement l’ensemble de leurs missions, les principes d’égalité de traitement, d’indépendance et de responsabilité.

C’est bien en vertu de tous ces droits et principes que les détracteurs de la fonction publique qualifient le statut des fonctionnaires de « rigide », de « carcan »… et qu’après l’avoir « codifié » ils souhaiteraient le voir complètement disparaître.

Car loin de penser que l’atout majeur de la cohésion sociale c’est la fonction publique et ses plus de 5 millions de fonctionnaires et agents publics, qui œuvrent chaque jour pour rendre un service public de qualité dans le cadre de l’intérêt général, tout en devant faire face aux défis sociaux et environnementaux, le gouvernement actuel, tout comme ses prédécesseurs depuis des décennies, persiste dans sa destruction.

Pourquoi ? Parce que répondre à tous les besoins de la population, de la naissance jusqu’à la mort, par le service public ne correspond pas aux logiques de marché. Alors, réformer pour améliorer encore les revenus du CAC 40, dont les bénéfices nets cumulés s’élèvent à plus de 146 milliards d’euros tandis que la politique austéritaire ruine le service public de santé, d’éducation, de la culture, de tous les services sociaux, locaux et de proximité… c’est « Non ». Réduire de plus en plus l’accès aux services publics, seul bien de celles et ceux qui n’en ont pas alors que les patrons du CAC 40 ont gagné en moyenne 130 fois plus que leurs salarié·es en 2022, c’est « Non ».

Toutes ces lois de déréglementation n’ont que pour but le libéralisme économique, l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général. Ce n’est pas ça une société moderne et de progrès. Après la loi dite de transformation de la fonction publique, dont le bilan n’a pas été tiré, la fonction publique n’a pas besoin d’une nouvelle loi.

Force est de constater que, si la loi du 6 août 2019 était porteuse d’amélioration, le constat du manque d’attractivité, du défaut de candidats pour répondre aux besoins exprimés par les collectivités territoriales, les services de santé, les hôpitaux, l’éducation, etc., ne serait pas si prégnant aujourd’hui. C’est pourquoi la CGT en exige toujours l’abrogation et refuse toute nouvelle loi qui déréglementera et détruira encore plus la fonction publique, qui doit rester la garante de l’égalité de l’accès au service public partout et pour toutes et tous.


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