Alors que le groupe lepéniste espérait piéger la gauche avec sa proposition de loi, examinée ce jeudi, d’abrogation des réformes Borne et Touraine, le texte a été jugé irrecevable. Deux jours plus tôt, les députés d’extrême droite ont voté contre un amendement rejetant le report de l’âge légal de départ. Récit d’une hypocrisie révélée.
Pris à leur propre piège. Fluctuant sur le sujet des retraites depuis plusieurs années, le Rassemblement national espère, depuis les mobilisations de 2023 (auxquelles il n’a pas participé), capitaliser sur son opposition de façade à la réforme d’Élisabeth Borne. Ce jeudi, sa niche parlementaire (journée consacrée aux propositions de son groupe à l’Assemblée nationale) commencera ainsi par un texte proposant de revenir sur la réforme de 2023 et celle, dite Touraine, de 2014.
Une façon d’embêter la gauche, tiraillée entre le refus de voter un texte servant surtout à la communication de l’extrême droite et de saisir l’occasion d’abroger ces textes antisociaux. Seuls les socialistes avaient annoncé ne pas le voter, les avis divergeant au sein des autres groupes de gauche. « Nous verrons alors qui veut réellement combattre cette réforme », avait promis Marine Le Pen, début septembre.
Mardi, nous avons vu. C’est le RN lui-même qui est venu au secours du bloc LR-Macronie en votant contre un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoyant de revenir sur le report de l’âge de départ. « Abroger la retraite à 64 ans ? Le RN vient de voter contre. Marine Le Pen vient sauver la Macronie contre la démocratie », a réagi François Ruffin. Malgré l’évidence, les députés d’extrême droite crient au mensonge. « Vous mentez en expliquant qu’on pourrait abroger la réforme des retraites par cet amendement », veut dénoncer Thomas Ménagé.
Un vote dicté par la défense des plus aisés
Le député RN joue en réalité sur les mots. Certes, l’amendement porté par la gauche n’est pas à proprement parler un texte d’abrogation de la réforme de 2023. Mais il prévoit bien d’annuler le report de l’âge légal de départ à 64 ans. Et, pour financer cette suppression, d’introduire « une nouvelle ressource basée sur l’augmentation de la cotisation vieillesse des salaires supérieurs à deux fois le plafond de la Sécurité sociale », soit au-delà de 4 949 euros mensuels après impôts, assure le communiste Yannick Monnet.
Dans sa défense des plus aisés, véritable ligne de conduite du parti pendant l’examen du budget, le RN ne pouvait accepter cette source de financement, plus grave selon lui que de devoir travailler jusqu’à 64 ans… Or, si le NFP n’a pas déposé un simple amendement de suppression, c’est parce qu’il sait qu’il aurait été jugé irrecevable en raison de l’article 40 de la Constitution qui interdit à une proposition toute « aggravation d’une charge publique », donc sans financement alternatif.
Le RN s’en est rendu compte mercredi, tandis que sa proposition de loi visant à « annuler les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités » a été vidée de sa substance la semaine dernière en commission des Affaires sociales. Les députés lepénistes ont déposé des amendements visant à rétablir le texte initial, jeudi, dans l’Hémicycle.
Mais, ne proposant pas de financement alternatif crédible (seule une vague taxe sur le tabac est avancée), la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet les a jugés irrecevables, mercredi, au nom du fameux article 40. La gauche ne devrait donc pas avoir à choisir entre voter le texte ou non.
Le RN rêvait de profiter de cette semaine pour dénoncer un « double discours du NFP sur les retraites ». C’est finalement sa propre hypocrisie sur le sujet qui aura été révélée.
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