« Il y a urgence d’en finir avec Parcoursup et enfin d’investir dans l’enseignement supérieur » pour Sophie Vénétitay, la secrétaire générale du SNES-FSU. Si la journée du jeudi 13 mars était le jour de clôture de la première phase de formulation des vœux des lycéennes et lycéens sur Parcoursup, elle a aussi été marquée par une mobilisation étudiante contre les coupes budgétaires entrainant « des suppressions de places à l’université, de filières et un renforcement de la sélection ».
La sélection dans les universités et la pénurie organisée dans le service public avec son lot de stress et de pression creuse les inégalités tout en faisant émerger un marché lucratif dans le secteur privé.
Si le mot Parcoursup résume un système, force est de constater que la plateforme a bousculé l’année de Terminale, l’enjeu du baccalauréat et le rapport aux notes… pour toutes et tous les élèves, professeur.es comme les familles. Le contrôle continu met les élèves en tension continue durant l’année de Terminale. Et des stratégies sont dès lors mises en place par les équipes et les élèves, pour chercher à ne pas pénaliser les élèves. La pression de la sélection a des effets redoutables : elle génère du stress mais aussi du business…
Parcoursup, une pression pour les élèves et les équipes pédagogique
« Une inflation des notes », « bienveillance dans les fiches avenir de Parcoursup » témoignent des professeur.es de Terminale. D’autres enseignant.es disent faire plusieurs évaluations dans la perspective que les élèves puissent rattraper une note, ou encore avoir éliminé le zéro de l’échelle de notation. Pour une autre enseignante d’histoire-géographie, qui précise ne pas se censurer quand elle note les copies de ses élèves, ce qui a changé, c’est la stratégie des élèves. Elle relève que beaucoup d’élèves « cessent de bosser dans les matières du contrôle continu au 3e trimestre ». La secrétaire générale du Snes, Sophie Vénétitay relève aussi cette angoisse des élèves : « En tant que professeurs, nous voyons ce que Parcoursup a changé pour les élèves, une pression en continu et une période janvier/mars en terminale particulièrement stressante où nous devons aussi gérer les profondes angoisses de nos élèves ».
Interrogé par le Café pédagogique, le président de l’USL, premier syndicat lycéen Manès Nadel souligne que « depuis le début de l’année les absences aux contrôles importants dans le contrôle continu sont aussi en hausse ». Il poursuit : « comme nous le voyons et comme les syndicats de professeur.es le confirment : grande angoisse à un niveau inédit, situation de grande précarité des lycéens ». Pour lui, « la sélection généralisée sur toutes les formations est désormais une évidence. C’est l’angoisse vis-à-vis du risque de n’avoir aucune perspective de formation conditionnée aux notes de contrôle continue qui crée autant de stress. Le problème est donc clairement le manque de places que gère parcoursup par la sélection généralisée ». Le manque de places dans le supérieur est une réalité dénoncée et combattue par les étudiant.es. Pour Sophie Vénétitay, Parcoursup est un « redoutable outil de tri social qui fait passer les élèves à la moulinette de la concurrence et du tri, faisant peser une pression forte sur nos élèves ».
L’expérience Parcoursup : Pression, stress et inégalités sociales
Le système Parcoursup a changé la stratégie des élèves, remet en question la notation des professeur.es mais au-delà de la classe, il a aussi pénétré dans les familles. Le mot « Parcoursup » est devenu l’incarnation d’un stress partagé à l’échelle des familles. Ce stress peut être à l’origine de tensions entre les équipes pédagogiques et les familles qui contestent des notes ou Parcoursup. Les chercheures Annabelle Allouch, sociologue et Delphine Espagno Abadie, maitresse de conférences en droit public décrivent dans leur ouvrage Contester Parcoursup publié en 2024 comment l’expérience Parcoursup change le rapport des élèves et familles à l’institution. Dans un entretien au Café pédagogique, elles soulignaient que « la capacité à se défendre, c’est-à-dire à connaitre suffisamment les institutions pour se faire justice est socialement situé ».
Stress et business
Le recours au coaching pour l’orientation de leurs enfants, voire à un coaching Parcoursup atteste d’une demande d’aide des familles. Et il met également en lumière les inégalités sociales et le marché que génère le stress des familles dans l’orientation de leurs enfants. Des coachs proposent pour 400 euros à 800 euros, des séances d’accompagnement avec entretien, séance pour définir des vœux et séance pour rédiger la lettre et remplir la rubrique « centre d’intérêt ». On voit bien la pression et l’enjeu de cette rubrique pour se distinguer, ou qui les distingue selon leur milieu social, les activités extra-scolaires étant un marqueur des inégalités sociales. Il est vrai que les différents coachs Parcoursup affichent pour maitres mots : sérénité, efficacité, stratégie et non lutte contre les inégalités sociales et scolaires.
L’enquête de Claire Marchal sur Galiléo, le leader de l’enseignement privé supérieur révèle les dérives du privé lucratif. La pénurie organisée de places dans l’enseignement public supérieur a fait explosé le nombre d’étudiant.es inscrit.es dans le supérieur privé. La sélection dans le secteur public conjuguée à l’angoisse Parcoursup de l’attente des familles fabrique un marché lucratif dans le secteur privé. Ses lois du profit sont au détriment des étudiant.es (surendettement, certification non reconnue, sureffectifs…). Business is business.
Djéhanne Gani
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