« Les juges ont choisi la solution finale » : le RN fidèle à son histoire

Discours factieux, appel au « peuple » contre l’État de droit, outrances… La riposte antidémocratique du parti xénophobe à la condamnation en première instance de Marine Le Pen et 23 codétenus trouvera son point d’orgue, ce dimanche, avec un meeting parisien.

 

Mettre les institutions sous pression et contester une décision de justice, le tout afin de défendre un intérêt personnel : celui de permettre à Marine Le Pen d’être candidate à la présidentielle 2027. Voilà le sens des rassemblements organisés ce week-end par le Rassemblement national, et pourquoi ils ne sont pas comparables aux « manifestations qui ont lieu tous les jours dans ce pays », comme le prétend le député RN Laurent Jacobelli sur CNews.

Sans nier leur droit de manifester, l’appel à prendre la rue et le meeting organisé à Paris dimanche, place Vauban, interrogent quant à leur nature antidémocratique, dans la mesure où le RN entend faire plier la justice. « Montrons à ceux qui voudraient contourner la démocratie que la volonté du peuple est plus forte », écrit le mouvement dans son appel.

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Feu à volonté contre l’État de droit

Ces rassemblements s’inscrivent dans une stratégie claire depuis lundi : faire feu de tout bois pour, à terme, faire flancher la justice et rendre Marine Le Pen éligible à nouveau. En pointant du doigt non plus « le gouvernement des juges, mais la dictature des juges », le RN joue un jeu extrêmement dangereux pour la République.

« Pendant la mobilisation de ce week-end, je pense que l’on va assister à la mise en avant d’une certaine fierté finalement d’être condamné par le « Deep State » (État profond), par les juges et élites politiques », parie l’historien Romain Huret, directeur de l’EHESS, comparant l’attitude de Marine Le Pen à celle de Donald Trump.

Le RN en appelle donc au « peuple » : « Ils ne nous feront pas taire. Les Français sont avec Marine ! » clame, parmi d’autres, la députée Katiana Levavasseur. Un vœu pieux ? Si le RN revendique 10 000 nouvelles adhésions en quatre jours, il ne semble pas convaincre au-delà de sa base. Selon une étude de Cluster17, près de 61 % des Français considèrent la décision de justice « justifiée » et les 34 % l’estimant « excessive » se concentrent principalement chez l’électorat RN et dans une moindre mesure celui de LR, divisé.

Le lieu choisi pour le rassemblement de dimanche, la place Vauban, très loin de pouvoir accueillir autant de monde que la Concorde ou le Trocadéro, témoigne d’une certaine incertitude, au RN, quant à l’ampleur de la mobilisation.

Mensonges répétés

Mais l’essentiel pour l’extrême droite n’est pas forcément le nombre, plutôt son écho médiatique, et son relais sur les réseaux sociaux. Car si la remise en cause de l’indépendance de la justice et l’appel à se rebeller contre cette institution sont des constantes dans l’histoire de l’extrême droite, la stratégie populiste de Marine Le Pen tiendrait plus du trumpisme que du boulangisme, du poujadisme ou des ligues des années 1930 utilisant les mêmes méthodes.

« À l’origine, le fascisme se déployait dans un espace public et traditionnel, aujourd’hui Trump ou le RN sont supportés par la démocratie numérique, observe Romain Huret. D’une certaine manière, les gens qui vont manifester dimanche, à Paris, seront beaucoup moins nombreux que le tremblement de terre qui s’est passé sur les réseaux sociaux depuis lundi et depuis l’annonce. C’est là où une grande partie des choses se jouent, pas dimanche. »

Dans le rapport aux faits également, les discours de l’extrême droite depuis lundi rappellent à la fois son ADN historique comme le trumpisme. Marine Le Pen et ses troupes mentent pour manipuler l’opinion. Sur les faits, d’abord. Alors que le procès et la décision du tribunal correctionnel ont mis au jour des dizaines d’éléments accablants, le RN continue de nier l’évidence. Marine Le Pen serait « totalement innocente », assure le RN dans son appel à manifester. « On estime qu’on est innocents, il n’y a pas eu enrichissement personnel. L’argent a été employé pour payer des salaires à des salariés qui ont travaillé », précise Laurent Jacobelli, sur Europe 1.

Or, à chaque jour du procès et à nouveau dans sa décision rendue lundi, le tribunal correctionnel n’a cessé de rabâcher que « la question n’est pas de savoir si l’assistant parlementaire a effectué un travail (…) mais de rechercher s’il a travaillé en réalité pour le parti alors qu’il était rémunéré par le Parlement européen sous couvert d’un contrat d’assistance qui serait dès lors fictif ». Cette loi, le RN l’a violée, et refuse de le reconnaître. D’où le « risque de récidive », un des critères retenus par le tribunal correctionnel pour justifier l’exécution provisoire, mais contesté avec force par l’extrême droite. Mais si les prévenus n’ont pas conscience qu’ils étaient dans l’illégalité, ou n’en ont cure, comment avoir la certitude qu’ils ne recommenceront pas ?

Le RN tombe le masque du parti devenu « respectable »

Les mobilisations de ce week-end sont aussi faites pour amener au maximum l’affaire sur le terrain politique et le seul enjeu de la présidentielle de 2027, plutôt que sur le terrain juridique. Pour l’extrême droite et tous ceux qui la soutiennent dans cette entreprise, la course à l’Élysée passe avant tout, y compris l’exigence d’exemplarité et de probité des responsables politiques, dont le RN ne pourra plus se prévaloir. Privilégier l’intérêt du chef à l’intérêt général, qu’il prétend pourtant défendre, voilà un autre marqueur historique de l’extrême droite.

Mardi, Julien Odoul a ainsi parasité un débat dans l’Hémicycle sur les violences faites aux femmes, prenant la parole pour « évoquer un autre type de violence qui s’est abattu sur notre démocratie : hier Marine Le Pen, candidate du premier parti de France, a été condamnée à cinq ans d’inéligibilité ».

Fini la stratégie de la cravate, celle d’une extrême droite qui serait devenue respectable, voire républicaine. Le RN reprend ses vieux réflexes, dans son discours factieux, antidémocratique comme dans ses outrances. Comme ce même Julien Odoul qui, sur LCI, coupe la parole de l’avocat Patrick Klugman en lui répétant : « Vous, fermez-la ! » Ou le responsable du parti dans l’Aveyron, Jean-Philippe Chartier, qui, dans un communiqué, clame que « les juges ont choisi la solution finale pour Marine Le Pen ». Onze petits mots qui synthétisent l’histoire du FN/RN, de 1972 à aujourd’hui.


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