Flottille pour Gaza : en arraisonnant les bateaux, Israël piétine la solidarité et le droit international

Les bateaux chargés d’aide humanitaire pour briser le blocus de la bande de Gaza ont été interceptés par l’armée israélienne ce mercredi soir, en violation des conventions internationales. Les militants, élus, médecins et journalistes arrêtés doivent être libérés.

L’Alma a été approché par un navire de guerre de façon agressive, toutes les communications, même internes, ont été coupées, précise Florence Heskia, coordinatrice de la délégation française sur la flottille. Le capitaine a dû effectuer une manœuvre pour éviter un choc brutal. Le Sirius a été pris pour cible avec les mêmes manœuvres, avant que le navire de guerre ne s’éloigne. »
© Capture d’écran du live de la chaine YouTube Global Sumud FLotilla peu avant l’arraisonnement de la Flottille

 

Ils auront tout tenté et confirmé que Benyamin Netanyahou a transformé Israël en un État voyou. Après deux années de massacres des Gazaouis, réduits à la famine, d’intensification de la colonisation en Cisjordanie, de bombardements dans des pays voisins, le Premier ministre israélien a encore une fois piétiné le droit international.

Nouvelle démonstration de ses exactions ce mercredi 1er octobre : la Flottille de la liberté, formée d’une quarantaine de bateaux chargés d’aide humanitaire à destination de la bande de Gaza, a été interceptée par les navires israéliens, au large des côtes égyptiennes et gazaouies, dans les eaux internationales.

L’attaque a débuté mercredi soir, aux alentours de 20 heures (heure de Paris). Depuis de longues minutes déjà, le compte à rebours s’égrenait. Thiago Avila, militant brésilien pour le climat et les droits humains, faisait parvenir ce message :

« Nous arrivons au moment décisif de notre mission Nous avons tant appris. Il y a une grosse concentration de navires, nous nous apprêtons à être interceptés illégalement. Je souhaite le meilleur à toutes et tous et réaffirme notre solidarité avec les Palestiniens. »

Assis dans le calme

Quelques heures plus tôt, le bateau militaire espagnol avait stoppé sa course, refusant de s’approcher de la zone interdite décrétée par Israël, là encore au mépris du droit international. Notre reporter Émilien Urbach, présent sur l’un des bateaux, nous informait de l’avancée de la flotte israélienne.

« Sur le radar de l’Alma (un des navires de la flottille, NDLR), nous détectons actuellement 20 navires non identifiés à une distance de 7 à 15 milles marins devant nous. Il nous faudra environ une heure à une heure et demie pour atteindre leur position. »

Sur les caméras de surveillance, dont le flux était retransmis en direct, les militants étaient préparés, équipés de gilets de sauvetage, assis dans le calme sur le pont des navires. Quelques accolades, scènes ordinaires mais poignantes.

Les trois principaux bateaux, le Sirius, l’Alma et l’Adara, ont été arraisonnés les premiers. Avec un procédé similaire : « Un gros navire passe à côté, brouille les communications, puis des petits bateaux rapides s’approchent, tournent autour, et les hommes (les commandos israéliens, NDLR) montent à bord », témoignait notre reporter. Ce scénario s’est répété pour les autres voiliers, de petits bâtiments.

Dans la nuit de mardi à mercredi déjà, « des navires non identifiés se sont approchés de plusieurs bateaux de la flottille, certains avec leurs feux éteints, ont communiqué les organisateurs. Les participants ont appliqué les protocoles de sécurité en prévision d’une interception ».

L’Alma a été approché par un navire de guerre de façon agressive, toutes les communications, même internes, ont été coupées, précise Florence Heskia, coordinatrice de la délégation française sur la flottille. Le capitaine a dû effectuer une manœuvre pour éviter un choc brutal. Le Sirius a été pris pour cible avec les mêmes manœuvres, avant que le navire de guerre ne s’éloigne. »

Assauts terrestres et famine

L’expédition était partie le 31 août depuis Barcelone, en Espagne, pour tenter de briser le blocus maintenu d’une main de fer depuis 2007 sur l’enclave palestinienne. Mais, même si les équipages n’envisageaient aucunement de pénétrer dans l’espace maritime israélien, l’armée de Benyamin Netanyahou est intervenue dans les eaux internationales pour les empêcher d’atteindre la bande de Gaza, ravagée depuis bientôt deux ans par les bombardements, les assauts terrestres de l’armée et la famine, le régime de Benyamin Netanyahou empêchant l’aide humanitaire de pénétrer dans l’enclave.

« Les enfants de Gaza sont pris au piège dans un cimetière ; ils ont été bombardés, mutilés, affamés, brûlés vifs, ensevelis sous les décombres de leurs maisons, séparés de leurs parents », se désespérait Tom Fletcher, cadre du bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, en marge de la dernière Assemblée générale à New York.

Porter la solidarité à une population martyrisée était la mission de cette flottille. Elle aurait dû être protégée par les conventions de Genève, qui imposent à Tel-Aviv de laisser passer l’aide humanitaire dans un territoire illégalement occupé.

La convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 reconnaît le droit aux civils de naviguer en haute mer en sécurité : toute intervention dans les eaux internationales est donc une violation de cette convention. « Ce que fait la flottille est absolument légal, a répété la rapporteure spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, lors d’une conférence de presse mercredi. Elle a le courage de vouloir forcer le blocus, conformément au droit international, quand aucun État membre ne le fait. » Mais Israël n’en a cure. Quelques mois auparavant déjà, une précédente Flottille de la liberté avait subi le même sort.

Désormais, plusieurs dizaines de personnes, dont des élus de différents pays d’Europe, sont détenues illégalement par les autorités israéliennes. À bord du Mia Mia, notre collègue de l’Humanité Émilien Urbach a rapporté depuis un mois ce périple dans nos colonnes.

« On enchaîne les préparations de l’interception, nous a-t-il confié. On déclenche de façon impromptue une alerte et on va chercher nos gilets de sauvetage, on jette à la mer nos moyens de communication et tout ce qui peut être tranchant à bord du bateau, puis on s’assoit dans le cockpit du bateau, les mains en l’air, en attendant qu’ils entrent. »

Les passagers redoutaient les conditions de l’arraisonnement. « Le plus préoccupant, ce sont les transbordements en haute mer, avec les vagues. Comme nous sommes sur un voilier, le bateau n’est pas stable pour une telle intervention de la part des soldats. » Quant aux interrogatoires de l’armée israélienne, « on a pour consigne d’essayer de communiquer le moins possible avec les soldats, d’avoir un comportement non violent, non provoquant », expliquait Émilien.

Les documents que l’armée leur demandera de signer seront « contestés » puisque « signés sous la contrainte d’une retenue illégale de personnes engagées dans une mission humanitaire », selon les avocats en contact avec l’organisation de la flottille.

Notre confrère, qui assure que « tout le monde est déterminé dans sa mission », et que « cinq personnes sur dix à bord du bateau entameront une grève de la faim », nous alertait déjà sur les attaques de drones dont les bateaux de la flottille ont été les cibles, les 9 et le 10 septembre, au large de Sidi Bou Saïd, en Tunisie, ainsi qu’au sud de la Crète dans la nuit du 23 au 24 septembre.

Un communiqué scandaleux du Quai d’Orsay

Rome et Madrid avaient été les deux seuls pays de l’Union européenne à envoyer un navire après les attaques pour protéger leurs ressortissants. Mais, « à la limite des 150 milles marins (environ 250 kilomètres) des côtes gazaouies, les bateaux turcs qui nous accompagnent ont cessé de le faire. Les bateaux italiens se sont écartés plus tôt ».

En effet, la présidente du Conseil des ministres, Giorgia Meloni, s’est exprimée mardi, en prétextant « le plan de paix pour le Moyen-Orient proposé par le président américain Donald Trump », qui « repose sur un équilibre fragile que de nombreuses personnes seraient heureuses de faire sauter ». La dirigeante d’extrême droite a donc jugé que « la flottille devrait s’arrêter maintenant ».

Pour l’organisation de la Flottille Global Sumud, prévenue par le ministère des Affaires étrangères italien, « ce n’est pas une protection. C’est un sabotage. C’est une tentative de démoraliser et de fracturer la mission humanitaire pacifique que les gouvernements ont échoué à mener eux-mêmes, quand bien même ce sont leur silence et leur complicité qui conduisent à cette situation ». Quant aux Français encore présents à bord, le Quai d’Orsay avait préféré botter en touche, malgré la pression populaire et une lettre du directeur de l’Humanité, Fabien Gay, au premier ministre, Sébastien Lecornu, le 24 septembre.

Le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis a dénoncé mercredi soir, lors d’une soirée de soutien, un « kidnapping violant le droit maritime » et réitéré son appel auprès des autorités françaises pour la « libération immédiate de tous nos compatriotes ». « Le gouvernement français est sourd et aveugle, déplore Florence Heskia. Mardi, on a appelé la cellule de crise du ministère et on a eu seulement le standard, qui nous a dit de rappeler demain en demandant qui on était. »

Ce mercredi soir, le ministre des Affaires étrangères démissionnaire, Jean-Noël Barrot, s’est fendu d’un communiqué minimal, se contentant d’appeler « les autorités israéliennes à assurer la sécurité des participants ». Et d’ajouter que toute présence à bord était « formellement déconseillée ».

La récente reconnaissance de l’État de Palestine par la France n’atténue en rien le génocide subi par les Gazaouis, les plus de 66 000 morts, dont plus de 20 000 enfants. Les autorités doivent aussi prendre de réelles sanctions contre le gouvernement israélien et produire des actes pour la solution à deux États pour garantir une paix durable, viable.


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