L’annulation de la projection du film Sacré Cœur, son règne n’a pas de fin au château de la Buzine, par la mairie de Marseille, a déchaîné la fureur de la droite et de l’extrême droite. Des plateaux de CNews au Rassemblement national, en passant par « Frontières » et « le Figaro », le maire Benoît Payan est accusé de censurer le catholicisme, après avoir suivi la loi de 1905, sur la laïcité dans les lieux publics.

La droite et l’extrême droite ont trouvé leur nouvelle cible favorite : le maire de Marseille. Le nom de Benoît Payan est vilipendé depuis mercredi 22 octobre, tant dans les cercles réactionnaires de X que par l’animateur multicondamné Jean-Marc Morandini ou dans le Figaro. En cause : l’annulation, une heure avant, de la projection du film Sacré Cœur, son règne n’a pas de fin, prévue au château de la Buzine, célèbre édifice du XIe arrondissement de Marseille.
Docu-fiction, le long-métrage est une ode à la foi chrétienne et à la figure du Christ. Quatre séances étaient prévues dans la salle, entre mercredi 22 et samedi 25 octobre. Immédiatement, la fachosphère s’est émue de l’annulation, quitte à exagérer le trait au profit de leurs obsessions idéologiques.
« Un équipement public »
Tout d’abord via Steven Gunnell (coréalisateur du long-métrage avec sa compagne Sabrina), qui a multiplié les prises de parole alarmistes. L’ex-membre du boys band Alliage, reconverti en catholique convaincu, a fustigé cette décision dans une vidéo relayée par plusieurs comptes d’extrême droite, où il appelle les Marseillais à « se révolter » et à braver le choix de Benoît Payan, qui aurait « boycotté le film (et) interdit la projection dans la ville ».
Première prise de parole et première exagération, alors que Sacré Cœur est diffusé dans plusieurs salles phocéennes, de Pathé à CGR. De fait, l’annulation au château de la Buzine est due à la loi de 1905, régissant la laïcité des services publics français. Ledit château étant considéré comme « un équipement public (qui) ne peut accueillir des projections qui, par leur caractère ou leur contenu, soient de nature confessionnelle ».
Steven Gunnell ne s’est pas arrêté là et a ensuite pris la parole sur un plateau de CNews, face à Jean-Marc Morandini. Le réalisateur y a affirmé « avoir pété un câble » face à la décision de l’édile de Marseille. « Je ne supporte plus qu’on censure le christianisme en France », a-t-il lancé.
« Cette déprogrammation n’a rien à voir avec une appréciation du film ou une volonté de restreindre la liberté d’expression ou de création », rétorque la mairie phocéenne dans son communiqué. Interrogée par Libération, la direction de l’établissement concerné n’a pas souhaité répondre et a renvoyé vers la mairie. Sa directrice, Valérie Fedele (ancienne élue UMP) avait néanmoins déjà créé la polémique en invitant Éric Zemmour, pour une conférence. Le chroniqueur fidèle de Cyril Hanouna, Mathieu Delormeau, a de son côté lancé « toutes les femmes sur les plages de Marseille sont voilées ! Toutes ! J’ai vérifié et j’ai même pris des photos », sur le plateau de Tout Beau Tout N9uf (W9).
Un flot d’attaques de l’extrême droite
Le Figaro – dont la radicalisation en prévision d’une prise de pouvoir de l’Élysée par l’extrême droite s’illustre à nouveau – a de son côté choisi de donner la parole à l’opposition locale, dans un article publié jeudi 23 octobre. Franck Allisio, député de la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône et candidat à la mairie de Marseille, y étale ainsi son projet politique – raciste et autoritaire – en toute liberté. Problème, le quotidien de droite a… opportunément oublié de citer sa famille politique, le Rassemblement national, tout au long de l’article.
L’élu d’extrême droite a ainsi pu lancer : « On brandit la laïcité quand il s’agit du christianisme, mais on la met sous le tapis dès qu’il s’agit d’aller faire un discours dans une mosquée ». Et ce, sans que le Figaro ne contextualise sa prise de position ; celle d’un élu membre d’un parti dont l’islamophobie est l’un des moteurs idéologiques. Le député RN fait référence à un discours prononcé par le maire de Marseille dans la mosquée des Cèdres, lui valant un flot d’attaques de l’extrême droite (Frontières, le Journal du Dimanche…).
Le Figaro avait déjà enclenché sa défense du long-métrage sorti mercredi 1er octobre, après le refus de la RATP et de la SNCF de réaliser une campagne d’affichage pour le promouvoir pour son caractère « confessionnel et prosélyte ». De quoi lancer une première valse d’indignation au sein de l’extrême droite. Par exemple avec le journaliste du magazine Frontières, Jordan Florentin, qui a « fait la promesse que nous, on en fera une grande publicité » sur CNews.
« Il y a des sujets bien plus urgents à traiter, comme la colline du crack près de la gare Saint-Charles », poursuit Franck Allisio, dans un exercice de grand écart dont il semble être expert. Même son de cloche pour le maire d’arrondissement Sylvain Souvestre (les Républicains, LR), qui s’est fendu d’un tweet pour dénoncer une laïcité « à géométrie variable ». La sénatrice LR Valérie Boyer a quant à elle brandi, sur X, la pseudo-menace d’une cabale contre les catholiques : « Bientôt la suppression du marché de Noël, des crèches, des croix, des expos provençales ou des livres parlant de Jésus dans les bibliothèques ? »
Martine Vassal pousse le bouchon encore plus loin : « Ils censurent, nous diffusons. Ils sont woke, nous sommes sensés. Ils renient nos racines, nous les défendons. Le film Sacré-Cœur sera le bienvenu sur notre territoire. Nous prendrons contact avec le producteur pour organiser des projections », promet sur X la présidente du département des Bouches-du-Rhône et candidate désignée par la droite pour la prochaine municipale.
Interrogé par le site d’information local Actu Marseille, le cercle proche de Benoît Payan affirme que la municipalité a été informée de la diffusion du film au dernier moment. « C’est un membre de l’administration qui, en se rendant à l’exposition Marseille et la Mer (au programme du château de la Buzine), a découvert la projection », explique un proche de l’élu de gauche.
L’ambition de déloger le maire divers-gauche afin d’installer l’extrême droite à Marseille semble déchaîner les passions de la fachosphère.
En savoir plus sur MAC
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
