Féminisme. Ce 8 mars, « on était sûres qu’il y aurait du monde »

Lundi, une vague violette et déterminée a déferlé dans les rues de la capitale, à l’appel de 37 organisations féministes et syndicales. © Bertrand Guay/AFP

Lundi, une vague violette et déterminée a déferlé dans les rues de la capitale, à l’appel de 37 organisations féministes et syndicales. © Bertrand Guay/AFP

Des dizaines de milliers de manifestantes et manifestants ont défilé pour les droits des femmes à Paris. Un parcours marqué par différents arrêts pour rendre hommage aux premières de corvée et aux victimes de violences.

Derrière les barreaux, des visages se dégagent : le ministre Gérald Darmanin, les acteurs Gérard Depardieu et Richard Berry, le réalisateur Roman Polanski, le journaliste Patrick Poivre d’Arvor, l’élu Georges Tron, le juriste Olivier Duhamel… Tous accusés de viols par des témoignages récents, qui ont permis d’ouvrir des enquêtes, de faire changer la loi. Mais les portraits sont en papier, la prison est en carton, et autour de ce castelet improvisé devant le vrai Palais de justice, les Rosie entament une nouvelle version de l’hymne des femmes : « MeToo, la délivrance des femmes/Hashtag qui brise les tabous/On libère nos paroles, les femmes/“El violador eres tu”. » La foule reprend en boucle : « Violeur, à toi d’avoir peur. »

Les Rosie reprennent du service et dansent leur colère

Pour la grève féministe de ce 8 mars, les Rosie ont repris du service à Paris. Reconnaissables à leur bleu de travail et aux gants de cuisine jaunes, elles avaient mené les manifestations contre la réforme des retraites en 2020. Les revoici en tête de parcours, répondant à l’appel de 37 organisations féministes et syndicales, pour dénoncer les harcèlements sexuels au travail et dans la rue, les discriminations de genre, défendre le droit à l’avortement, la visibilité des premières de corvée, infirmières, caissières, précaires en premières lignes pendant la crise sanitaire et pourtant toujours sous-payées, ignorées, dédaignées.

 

Le camion des Rosie s’est arrêté là, devant le tribunal, pour danser leur colère contre les violences faites aux femmes. Comme il s’est arrêté plus tôt devant le restaurant McDonald’s de Saint-Michel pour écouter les salariés du groupe venus de toute la France dénoncer « le sexisme, les discriminations, le racisme, l’homophobie, la transphobie » de leur employeur.

Place de la Sorbonne, devant la célèbre université parisienne, Pauline Lebaron, étudiante à Sciences-Po Paris et membre du bureau de l’Unef, lit le témoignage de Juliette, étudiante à Toulouse, qui a lancé le #SciencesPorcs sur les réseaux sociaux : « À Toulouse aussi on est violées, humiliées et on peine à être écoutées. J’ai été violée au lycée, en vacances et à l’IEP. J’en rêvais de Sciences-Po. Mon rêve s’est transformé en cauchemar. » D’autres récits suivent. « Je suis à Sciences-Po Strasbourg. L’administration a dit à une amie victime qu’elle devait s’endurcir… » « Ça va changer ! » veulent rassurer une centaine de femmes qui entourent l’étudiante.

« Il y a moins de médecins qui pratiquent l’IVG »

Derrière un clitoris géant dessiné sur un drap blanc, un cortège de sages-femmes, d’infirmières, de médecins avance groupés. « On accouche de plus en plus de femmes sur la route, atteste Emmanuelle Seris, syndicaliste à l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France) et médecin secouriste. Ce sont les femmes qui pâtissent les premières des économies de santé faites ces quinze dernières années avec la fermeture des maternités de proximité. Et, côté IVG, il y a moins de médecins qui la pratiquent avec un droit de retrait possible, vestige de la domination masculine sur la fécondité des femmes. »

Les intermittentes ne peuvent plus ouvrir leurs droits pour accéder au congé maternité.

La maternité est un sujet qui inquiète aussi les intermittentes. Place du Châtelet, au côté d’un orchestre de chambre jouant en plein air pour l’occasion, Claire Serre-Combe, de la CGT spectacle, rappelle que ses consœurs ne peuvent plus ouvrir leurs droits pour accéder au congé maternité. Depuis un an, théâtres, cinémas, salles de concert sont à l’arrêt.

« Selon les chiffres Unédic, les musiciennes ont vu baisser leur activité de 41 %, les techniciennes du son de 50 %. » Or, pour celles qui ont accouché, il leur faut revenir au moins une journée au travail pour obtenir l’assurance-chômage… « Nous voulons la prolongation de l’année blanche. Mais, surtout, nous voulons travailler, retrouver la scène et les plateaux. »

Au détour du défilé, tranquille et discrète, Adèle Haenel, l’actrice qui avait relancé le #MeToo français l’an dernier, omniprésente sur les pancartes du 8 mars 2020. Cette année aussi, à ses côtés, la réalisatrice Céline Sciamma et l’actrice Nadège Beausson-Diagne : « C’était évident d’être là, pour soutenir tout simplement le mouvement. On était sûres qu’il y aurait du monde. »


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