Électricité. La « tarification dynamique » va faire exploser vos factures

Sans le compteur Linky pas de «tarification dynamique». © Guy Bouchet/Photononstop

Sans le compteur Linky pas de «tarification dynamique». © Guy Bouchet/Photononstop
 

« Grâce » aux compteurs Linky et au libéralisme de Bruxelles, des fournisseurs proposent des contrats indexés sur le marché de gros, qui s’envolent en cas de pic de consommation. Comme au Texas en février, où de nombreuses installations électriques avaient été paralysées par un froid extrême, faisant flamber les prix en Bourse. Des consommateurs ont reçu des factures d’électricité mensuelles de plusieurs milliers de dollars. Bientôt chez vous ?

Éditorial Les escrocs de l’électricité

En février dernier, un nouveau fournisseur d’électricité apparaissait en France, avec une offre très particulière. Filiale du groupe finlandais Fortum, l’entreprise Barry nous propose un prix du courant qui varie heure par heure. Le tarif facturé au client suit le cours du kilowattheure sur la Bourse Epex Spot, le marché européen de l’électricité en gros. C’est le compteur communicant Linky qui permet de faire le lien entre notre consommation réelle et les prix du marché.

EDF aura l’obligation d’y recourir

La libéralisation de l’énergie imposée par l’Union européenne ne s’est pas contentée d’introduire la concurrence pour la production et la commercialisation d’électricité. Elle a aussi mis en place une Bourse européenne pour que les producteurs puissent vendre leur marchandise et que des détaillants (appelés « fournisseurs alternatifs ») puissent l’acheter pour la revendre au consommateur final.

Le principe qui consiste à revendre l’énergie au consommateur au prix de ce marché a un nom : la « tarification dynamique ». Adoptée le 5 juin 2019, la directive européenne 2019/944 autorise ce système et va même jusqu’à l’imposer « auprès de chaque fournisseur qui a plus de 200 000 clients finals ». Si Barry est le premier à proposer cette option en France, il ne sera donc pas le dernier. Même l’opérateur de service public EDF, qui dépasse largement le seuil de 200 000 clients, aura l’obligation d’y recourir.

Aucun débat parlementaire

Le gouvernement français devait transcrire cette directive européenne. Il l’a fait le 3 mars 2021, par l’ordonnance n° 2021-237, qui modifie le Code de la consommation et autorise la tarification dynamique… sans le moindre débat parlementaire. Le texte prétend protéger le consommateur. Il impose que le fournisseur « informe le client sur les opportunités, les coûts et les risques », « recueille (son) consentement » et mette à sa disposition « un dispositif d’alerte en cas de variation significative du prix de marché ».

Compte tenu des pratiques déjà constatées chez les fournisseurs privés, on peut avoir toutes les craintes quant au respect de ces dispositions. En avril 2021, par exemple, le médiateur de l’énergie attaquait l’italien Eni pour avoir vendu à une femme de 98 ans un contrat de gaz pour un logement qu’elle n’habitait plus depuis trois ans…

Séduire le client

Dans l’immédiat, Barry cherche à profiter de son antériorité pour séduire le client. « Envie de réduire tes dépenses ? Il te suffit de consommer au moment où l’électricité est la moins chère », affirme l’entreprise, qui, pour se donner un air sympa, tutoie son interlocuteur. D’après elle, « tu obtiens l’électricité au prix auquel les fournisseurs l’achètent ». Vraiment ?

En fait, ni la directive ni l’ordonnance n’obligent le fournisseur à acheter en Bourse l’électricité qu’il nous revend en tarification dynamique. Pour doper la concurrence, le législateur a obligé EDF à tenir à disposition des opérateurs privés un quart de sa production nucléaire à prix quasi coûtant, un scandale connu sous le nom d’Arenh ( accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Un esprit soupçonneux pourrait y voir un risque : qu’un fournisseur privé achète de l’électricité nucléaire à prix garanti auprès d’EDF et la revendre en tarification dynamique.

Flambée des prix

Interrogée sur cette possibilité, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) répond : « Proposer une offre à tarification dynamique n’impose pas aux fournisseurs de contrainte sur leur approvisionnement. Charge à eux de définir leur stratégie en fonction des gains qu’ils visent et des risques associés. » Acheter à EDF et vendre au prix de Bourse est donc tout à fait possible.

On se souvient qu’en février 2021, au Texas, de nombreuses installations électriques ont été paralysées par des conditions climatiques extrêmes. Les prix en Bourse avaient flambé. Des consommateurs ont reçu des factures d’électricité mensuelles de plusieurs milliers de dollars, précisément parce qu’ils avaient souscrit des abonnements en tarification dynamique.

Aurélien Bernier* 

*Auteur du livre les Voleurs d’énergie. Utopia, 2018.

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