Si la question des directeurs d’école divise les syndicats enseignants, le premier syndicat des professeurs des écoles, le Snuipp Fsu, a bataillé contre la loi Rilhac. Après son adoption par l’Assemblée, quels consignes le syndicat va t-il donner ? Comment explique t-il la mobilisation insuffisante des enseignants qui avaient pourtant obtenu le retrait du projet Rilhac en 2019 et 2020 ? Guislaine David, co-secrétaire générale du Snuipp Fsu fait le point.
La loi Rilhac est passée. Que va t-elle changer pour les directeurs d’école ?
Ce qui est certain c’est qu’elle ne va pas améliorer leurs conditions de travail. Elle va plutôt alourdir leur charge de travail. Avec l’autorité fonctionnelle de nouvelles compétences vont leur être attribuées. Or ils n’ont aucune assurance d’avoir une aide administrative car la loi n’oblige ni l’Etat ni les communes à en fournir. Certaines communes le feront et on aura encore plus d’inégalité entre les écoles. La loi ne dit pas non plus qu’il y aura moins d’enquêtes et de taches administratives. Il n’y a plus d’assurance d’avoir des décharges en fonction du nombre de classes. La loi prévoit de les attribuer en fonction des « spécificités » des écoles. Elles pourront donc varier selon les écoles même dans une même commune sans critère objectif. C’est inquiétant. Et cela ne répond pas aux besoins du terrain.
Les directeurs d’école auront-ils les moyens de remplir leur rôle ?
Le rôle actuel satisfait tout le monde comme le dit une très récente enquête de la Depp : 8 enseignants du 1er degré sur 10 sont satisfaits de la collaboration dans leur école. Ce travail collégial va être mis à mal avec le rôle de chef que l’on donne aux directeurs. Il va les isoler de leur équipe et les pousser du coté des IEN. Ils vont devenir une courroie de transmission aux ordres des IEN vers les professeurs. Comme ils n’auront pas les moyens nécessaires à leur fonctionnement leur situation va devenir très difficile. Ils seront pris dans un conflit de loyauté avec les collègues et l’IEN.
Et les enseignants ?
Au lieu d’un directeur qui met en musique les projets de l’équipe ils auront un directeur isolé d’un coté et les enseignants de l’autre. On aura davantage de conflits. Et la collégialité va être mise à mal. Des enseignants vont se retirer du travail collectif ce qui sera dommageable pour l’école. Or actuellement le collectif fonctionne très bien comme on l’a vu durant la crise sanitaire. Ce sont les enseignants qui ont tenu l’école. Là on va vivre le retrait d’une partie des enseignants. L’engagement collectif est mis à mal par la loi et la volonté d’individualiser. Car quand on met un chef au plus près des enseignants c’est bien pour individualiser et mettre de la dissension entre pairs. Depuis le discours d’E Macron à Marseille on voit vers quoi on va.
En 2019 et en 2020 la mobilisation des enseignants avait fait reculer le gouvernement. Pas cette fois-ci. Comment l’expliquez vous ?
Le contexte n’est pas le même. Au moment de la loi ecole de la confiance les collègues ont été conscients de la dérive avec les nouveaux établissements publics et la fusion des écoles et des collèges, les écoles passant sous la coupe des principaux. Actuellement avec la crise sanitaire et l’empilement des réformes les collègues ont du mal à réaliser. Ils doivent faire face au covid, aux inégalités scolaires et sont mobilisés au plus près des élèves. D’autre part le fonctionnement actuel est très installé. Il est difficile de penser que ça peut changer. Tout est fait aussi pour que les enseignants ne voient pas l’impact de cette loi.
Quels conseils le Snuipp va t-il leur donner ?
Le texte va repasser au Sénat dans quelques semaines. On va continuer à mobiliser contre la proposition de loi en intersyndical avec plusieurs syndicats (Cgt, FO, Sud et nous). Il faut parfois du temps pour mobiliser. En 1987, lors d’une précédente réforme le texte était paru et finalement le gouvernement suivant l’a annulé.
Tout n’est pas perdu. On a discuté avec les parlementaires de gauche. Ils comprennent le fonctionnement de nos écoles.Chez LREM et à droite ils n’ont aucune conscience de ce qui se passe. Ils ignorent les textes qui les régissent comme la circulaire de 2014. Ils croient que le directeur n’a pas de pouvoir ce qui est faux. Les directeurs manquent surtout de temps. On va donc relancer les discussions et nos revendications.
Propos recueillis par François Jarraud
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