La laïcité rabougrie de Jean-Michel Blanquer

Photo d'illustration Alain Jocard/AFP

Qu’a fait le ministère de l’Éducation nationale depuis un an pour rendre hommage à Samuel Paty et conforter les enseignants dans leur rôle ? Bien peu si ce n’est tenter d’imposer une certaine vision de la laïcité.

Il ne peut pas s’empêcher de brandir la trique. Jeudi 14 octobre, à la veille de cette journée nationale d’hommage à Samuel Paty dans tous les établissements scolaires sous la forme d’une minute de silence observée en fin de journée, Jean-Michel Blanquer a prévenu : tout fait de perturbation volontaire devra être « signalé et bien évidemment sanctionné ». Le ministre a pourtant dû rappeler que de tels faits « représentaient un pourcentage très faible », y compris l’an dernier, lors de l’hommage rendu au professeur assassiné.

C’est néanmoins sur ces faits qu’il choisit d’axer son discours. À Paris, un square sera baptisé du nom de l’enseignant, une plaque sera posée au ministère samedi matin, et à cette occasion, sa famille rencontrera le président de la République et le premier ministre. Mais quelle place pour la réflexion sur ce qui s’est passé, le débat, les questions des élèves ? Jean-Michel Blanquer a princièrement accordé une heure d’échange, en classe, librement organisée par les équipes pédagogiques. Et c’est tout.

Ce n’est pas nouveau. Le 18 octobre 2020, deux jours après le meurtre, Jean-Michel Blanquer assurait déjà : « Il y a eu un soutien complet du professeur. » Des éléments d’information ultérieurs ont montré qu’il était pour le moins discutable : pas de protection fonctionnelle accordée au professeur alors qu’elle était de droit, remise en cause de sa « maîtrise de la laïcité » par le référent laïcité académique venu sur place… comme si c’était le cours donné par Samuel Paty qui avait tout déclenché. Comme s’il était responsable des mensonges d’une élève en délicatesse avec le système scolaire, des délires de son père ameutant les réseaux sociaux contre l’enseignant et finalement, pourquoi pas, du geste fou d’Abdoullakh Anzorov venu l’exécuter devant le collège du Bois-d’Aulne…

Ce que confirme la seule conséquence pratique tirée à ce jour par le ministre : déployer sur quatre ans des formations à la laïcité pour les enseignants, sur la suggestion du rapport de quarante maigres pages commandé à un ancien inspecteur, Jean-Pierre Obin, dont la principale compétence en la matière est de voir partout l’ennemi musulman. Ce n’est pas seulement éviter de répondre à la vraie question : comment en 2020 un enseignant peut-il mourir d’avoir seulement fait, et bien fait, son métier ? C’est aussi en profiter pour tenter d’imposer une conception partielle et partiale, rabougrie, autoritaire, paranoïaque, punitive… de la laïcité. L’exact contraire de ce dont notre société aurait besoin dans sa confrontation au terrorisme.


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