Une porcherie sur un lieu de mémoire dans le Tarn-et-Garonne

Au centre l'avocat Jean Marc Panfili entouré des deux présidents d'association de descendants de prisonniers espagnols
Au centre l’avocat Jean Marc Panfili entouré des deux présidents d’association de descendants de prisonniers espagnols © Radio France – France Bleu Occitanie

Déboutés par le tribunal administratif de Toulouse, les descendants de Républicains espagnols, qui demandent l’annulation de l’autorisation d’extension de la porcherie, ont fait appel. La cour administrative d’appel de Toulouse s’est réunie ce jeudi, le jugement a été mis en délibéré.

« Respecter l’histoire », c’est ce que demandent depuis plusieurs années les descendants de prisonniers espagnols du camp de Judes à Septfonds près de Montauban. En effet, sur ce lieu de mémoire se trouve un élevage de porcs. En 2017, la préfecture du Tarn-et-Garonne a autorisé son extension à 6.000 bêtes.

Une affaire qui fait polémique

Devant la Cour administrative d’appel de Toulouse ce jeudi 17 mars Jean Marc Panfili, l’avocat des requérants pose cette question :

« Imagine-t-on répandre du lisier à côté du monument aux morts de Toulouse? Non évidemment !  

Il ajoute : « il y a un devoir moral au titre de la mémoire, un devoir de respect. Plus de 6.000 porcs sont élevés avec tout ce que ça comporte de nuisances notamment des nuisances olfactives. C’est de l’irrespect. »

L’avocat au barreau du Tarn-et-Garonne défend notamment Henri Farreny. Le président de l’amicale des Anciens Guérilleros Espagnols à la sortie de l’audience met en avant l’atteinte à la dignité humaine :

« Sur ce terrain il y a des restes et peut-être même des restes humains. On ne peut pas faire ce genre de sacrilèges ».  

A ses côtés, Joseph Gonzales, le président de l’association Mémoire de l’Espagne Républicaine 82 : « on nous dénie le droit de protester car selon le tribunal, seuls les habitants de la commune peuvent intenter un procès » et lui n’y habite pas, pourtant il estime être tout autant légitime : « Mon père a été interné ici ».

La partie adverse, présente lors de l’audience l’affirme, « les deux peuvent cohabiter » Régis Flores, co-gérant de l’exploitation agricole « GAEC de Saintou« .

Il assure qu’avec l’extension, une grande partie du lisier est désormais exportée sur d’autres communes situées à une quinzaine de kilomètres.

Devoir de mémoire

Henri Farreny comme Joseph Gonzales se battent depuis des années pour préserver la mémoire de cet ancien camp édifié en février 1939 et fermé en mai 1945.

Eux parlent de camp de concentration, « c’est ce qu’il y a écrit dans les archives historiques » mais beaucoup font référence, notamment lors des audiences, à un camp d’internement, « les mots ont une importance, parler de camp d’habitation ou d’internement, c’est nier l’histoire et le devoir de mémoire » précise Joseph Gonzales.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des républicains, des juifs et des Polonais y ont été enfermés. Certains n’en sont jamais sortis vivants. D’autres ont été déportés vers l’Allemagne nazie .

Le camp, laissé en friche jusqu’aux années 1970, est racheté par un petit éleveur qui installe quelques cochons sur son nouveau terrain. Son élevage grandit et le propriétaire accepte, non sans mal, en 1995 de céder une parcelle pour la création d’un mémorial.

Une vingtaine d’année plus tard, les enfants reprennent l’affaire familiale et voient les choses en grand. Ils veulent une porcherie industrielle de 6.500 cochons, soit une des plus grandes du département. C’est donc désormais chose faite.

Quelque soit la décision de justice, les associations promettent de continuer le combat de mémoire.


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