Existe-il des convergences entre les systèmes éducatifs sur la santé à l’école ? La question pourrait sembler urgente puisqu’on sort (?) d’une pandémie mondiale particulièrement sévère. Le nouveau numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°89) n’apporte pas vraiment de réponses. Mais il laisse deviner des évolutions mondiales tant en ce qui concerne la médicalisation croissante des difficultés scolaires des élèves que le rapprochement (timide) entre professionnels de santé, parents et enseignants.
Frustrations
Quand on interroge des enseignants sur la question de la santé à l’école, remontent les mêmes questions. Comment le covid est-il été géré et particulièrement son impact sur les élèves et le système éducatif ? Que sait-on de la santé des enseignants ? Où en est la médecine scolaire ? Voilà trois questions restées sans réponse dans ce numéro de la Revue internationale de Sèvres (n°89). Les coordinateurs du numéro, Hélène Buisson Fenet et Yannick Tenne, ont fait le choix de ne pas les traiter. On n’aura pas plus d’écho des statistiques mondiales sur le bien être à l’Ecole. Coté frustrations ça fait beaucoup !
Médicalisation des difficultés scolaires
Découvrons les apports de ce numéro. D’abord sur la médicalisation des difficultés scolaires. Deux articles, abordant 3 pays (Turquie, Québec et Belgique) abordent cette question. En Turquie, « la non acquisition des compétences scolaires nécessaires malgré l’absence d’une déficience intellectuelle est interprétée comme un indice fort pour l’existence de troubles spécifiques des apprentissages ou d’u trouble du déficit de l’attention » par les médecins,, explique M Cevizci. Il parle d’une « collaboration ambigüe » entre les acteurs scolaires et médicaux dans cette reconnaissance. Pour les familles pauvres ce diagnostic est le seul moyen institutionnel pour faire face aux difficultés de leur enfant. « Les diagnostics de dyslexie, d’hyperactivité et de déficit d’attention constituent des catégories institutionnelles contextualisées dont l’usage est marqué par des inégalités sociales et scolaires ».
En Flandre (belge) et au Québec, selon MC Brault, E Degroote et M Van Houtte, la médicalisation de la difficulté scolaire avance à des rythmes différents. Prenant l’exemple du TDAH, elles montrent qu’il y a 9 fois plus d’enfants diagnostiqués TDAH au Québec qu’en Flandre (18% vs 2%) et 17 fois plus d’enfants consommant des médicaments en rapport avec le TDAH (ritaline par ex.). On a là une illustration claire de la médicalisation des difficultés scolaires. De la même façon les enseignants flamands « rapportent des niveaux plus élevés d’agitation chez leurs élèves , elles ne suspectent pas davantage de diagnostic de TDAH ». Leur étude montre aussi que certains enfants, les garçons plus que les filles, les pauvres plus que les riches, risquent plus de faire l’objet d’une médicalisation. Pour les autrices il y a bien des raisons à cette médicalisation dont une plus importante que les autres : « la responsabilité de faire réussir tous les élèves. Les enseignantes québécoises se sentent redevables vis à vis des parents et appréhendent leurs accusations ».
Quelle place pour les parents ?
Ce que montre aussi le numéro, à travers ces exemples et aussi avec les articles sur l’Allemagne, la Pologne, les Pays Bas, la Belgique francophone, la France c’est la reconnaissance croissante de deux éléments du triangle enseignants – médecins et parents. « Les professionnels de santé semblent plus socialisés à la question des normes scolaires. Ils savent à quoi ressemblent les exigences scolaires », nous dit H Buisson Fenet. « Les enseignants commencent à savoir faire avec la médicalisation des familles. Ils ont appris à cotoyer les orthophonistes ». Cette socialisation croisée arrange les affaires des deux camps. Mais elle pose aussi la question de la place des parents. Là dessus la Revue montre que certains pays leur accorde un role (Tunisie par exemple) alors que les inégalités sociales jouent à plein dans d’autres (Turquie par exemple).
Des questions méritent réponse
Si ces évolutions semblent internationales, on aurait aimé avoir des éclairages internationaux sur la médecine scolaire ou même sur l’état sanitaire des élèves et leur sentiment de bien être à l’école. On comprend bien que, s’agissant de la médecine scolaire, la comparaison ne serait peut être pas favorable à la France… S’agissant de la gestion de la crise sanitaire et de ses suites, le ministère français ne nous a pas épargné ses cocoricos. Il serait temps maintenant, pur une revue de qualité internationale, de revenir à des données sérieuses…
François Jarraud
La santé à l’école. Revue internationale d’éducation Sèvres, n°89.
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