Longtemps frères ennemis, les syndicats de l’enseignement professionnel font front commun contre le projet d’Emmanuel Macron porté par Carole Grandjean. Dans un communiqué commun, Cgt, Cnt, Se-Unsa, Snalc, Snuep Fsu, Snetaa FO et Sud appellent les professeurs de lycée professionnel (PLP) à se réunir pour « préparer les mobilisations nécessaires ».
Une large intersyndicale
« Les annonces présidentielles laissent planer une menace forte pour l’avenir des lycées professionnels, des PLP et des élèves de la voie professionnelle au sein du Service public d’Éducation », écrivent dans un communiqué commun la Cgt, le Snalc, le Snuep Fsu, le Snetaa FO, Sud et la Cnt, soit la totalité des syndicats de la voie professionnelle, à l’exception du Sgen Cfdt. La nouveauté c’est le ralliement du Snetaa FO à l’intersyndicale, alors qu’il avait jugé dans un premier moment la rencontre avec P Ndiaye comme « pouvant annoncer des évolutions positives pour les PLP ».
» La feuille de route énoncée reste floue pour le moment : durée des PFMP (périodes de formation en entreprise) augmentée de 50% aussi bien en CAP qu’en Bac pro dès la rentrée 2023, fermeture des formations prétendues non insérantes, cartes des formations mises en adéquation avec les métiers qui peinent à recruter sur les secteurs en tension. La formation initiale de nos lycéens et lycéenne professionnels serait donc instrumentalisée pour développer toujours plus l’apprentissage avec l’objectif d’atteindre 1 million d’apprentis. Autant de mesures qui sont une menace directe pour les postes de PLP, mais aussi et surtout pour la vocation émancipatrice de l’enseignement professionnel sous statut scolaire des élèves. Nos élèves n’ont pas besoin de plus d’entreprise mais de plus d’école, plus de culture et d’enseignement général, bref de plus de bases scolaires », ajoutent-ils.
Les syndicats invitent les PLP à se réunir dans les établissements » dans un cadre unitaire le plus large possible » afin « de débattre d’une réponse collective à construire et préparer les mobilisations nécessaires ».
Un retour un siècle en arrière
A vrai dire le feu couve depuis début juillet et la nomination de Carole Grandjean, ministre de la formation professionnelle sous la double tutelle de l’Education nationale et du Travail. « Pour la première fois depuis 1920 la double tutelle est réhabilitée », souligne le Snuep Fsu. Car depuis plus d’un siècle, l’enseignement professionnel a quitté la tutelle du Travail et de l’Instruction publique pour basculer du coté Education.
Une bascule pleine de sens. Elle signifie la priorité donnée à la formation des jeunes sur le besoin de main d’oeuvre des entreprises. « Pour les jeunes c’est un renoncement sans précédent à la dimension éducative et émancipatrice », déplore le Snuep FSU qui dénonce « une vision étriquée et dangereuse de la formation professionnelle ».
Le projet d’E Macron
Durant la campagne électorale, E Macron a fait de la réforme de la voie professionnelle sa priorité. « C’est une des plus grandes réformes que je veux porter dans les années qui viennent », dit-il le 28 mars. Et de donner des précisions. « Les lycées professionnels seront davantage ouverts à l’apprentissage et aux entreprises locales », dit-il le 17 mars. « On va changer la logique des formations… On va planifier les besoins de compétences en les territorialisant et faire évoluer l’offre de formation ». Le candidat annonce aussi le doublement des périodes de formation en milieu professionnel, une mesure qui réduirait d’autant la formation générale et professionnelle théorique des jeunes. Il ajoute qu’il faut « mettre les débouchés professionnels, les entreprises au coeur du projet ».
Les ingrédients d’une crise
Ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye sur cette question à Carole Grandjean. Or celle-ci manifeste une hostilité à peine voilée envers le lycée professionnel. Dans un tweet récent elle explique que « les PLP… amènent un lycéen sur 3 jusqu’au diplôme » et que « le lycée professionnel ne joue pas encore pleinement son rôle d’insertion dans l’emploi ».
Des propos accusateurs qui semblent peu fondés. En fait le lycée professionnel a un taux d’accès au diplôme de 68% pour le bac pro et 73% pour le Cap, nettement supérieur à l’apprentissage (respectivement 41 % et 59%). Le taux de poursuite d’études est beaucoup plus élevé en LP :46% contre 9% pour l’apprentissage. Le taux de décrochage est 4 fois moins élevé (13% contre 40%). Certes le taux d’emploi 2 ans après la sortie d’études est plus élevé pour les apprentis (73% au niveau bac) que pour les lycéens professionnels (53%) mais cela reflète aussi la pré embauche opérée au moment du contrat d’apprentissage (avec ses nombreux biais pas toujours magnifiques…) alors que les lycées professionnels accueillent tout le monde.
Avec ce projet, E Macron a réuni les éléments d’une vraie crise. Un projet qui met en péril les emplois des PLP , déjà variable d’ajustement de l’Education nationale, qui ramène socialement les enfants un siècle en arrière poussé par une ministre qui ne prend pas de gants.
François Jarraud
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