Selon des révélations du « Canard enchaîné », le parquet de Valence mène l’enquête sur les fuites au sein de la police, dont des agents auraient livré à des militants d’extrême droite, pressés d’en découdre, la liste détaillée des suspects impliqués dans la mort de Thomas, à Crépol. Des faits qui révèlent la porosité entre police et extrême droite.
Ils avaient les noms, adresses et numéros de téléphone des neuf suspects, avant de lancer leur tentative d’expédition xénophobe destinée à punir les supposés responsables de la mort du jeune Thomas, tué par un coup de couteau, le 18 novembre devant une salle des fêtes de Crépol (Drôme). Comment cette liste détaillée des suspects et des membres de leur famille est-elle tombée entre les mains de ces militants d’extrême droite qui cherchaient à en découdre, en se rendant à Romans-sur-Isère (Drôme), dans le quartier de la Monnaie, le 25 novembre dernier ?
Cette question serait au cœur des investigations du parquet de Valence, saisi par les familles des suspects, dont certaines, menacées, ont dû changer de lieu de résidence. Le Parquet soupçonnerait des fuites au sein même de la police, et tenterait actuellement d’identifier les agents qui en seraient responsables, selon des révélations du Canard enchaîné, publiées mercredi 6 décembre.
Une centaine de policiers radicalisés
Une enquête dont les conclusions inquiéteraient au plus haut point la Place Beauvau, qui craint selon l’hebdomadaire satirique, les déflagrations de cette « grenade dégoupillée » susceptible de soulever « le couvercle d’une réalité inavouable », à savoir « l’infiltration de l’ultra droite », au sein du ministère de l’Intérieur.
Certains policiers et gendarmes ne prennent par ailleurs même plus la peine de s’en cacher, en diffusant sur les réseaux sociaux des propos xénophobes. Un policier varois avait à cet égard, comme le rappelle Le Canard enchaîné, fini par être suspendu après avoir multiplié sur une boucle Telegram nommée « Fr Deter », pour « Français déterminés », des messages racistes ainsi que des appels à la haine et à la violence.
Parallèlement aux investigations du Parquet, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui ne dépend plus depuis 2014 du ministère de l’Intérieur, continue également ses investigations autour de ce phénomène qui prend de l’ampleur : une centaine de policiers radicalisés à l’extrême droite seraient ainsi dans son viseur.
Le Canard enchaîné souligne par ailleurs que dans toutes ses enquêtes liées aux tentatives d’attentats fomentés par des militants d’extrême droite, la DGSI récolte systématiquement « dans ses filets » plusieurs anciens de la police ou de l’armée et cite pour exemple ce policier retraité arrêté, le 17 novembre dernier, pour avoir fourni des armes « à des néonazis en guerre contre les Antifas ».
Une menace pour la sûreté de l’Etat
Comme le relève l’hebdomadaire satirique, le 3 avril dernier, Jean-François Carenco, alors ministre des Outre-Mer avait pointé du doigt cette porosité inquiétante entre les institutions et l’extrême droite. S’alarmant de « la présence d’un nombre significatif d’individus connus au titre de leur proximité avec l’ultra droite parmi les forces armées et de sécurité », il avait mis en garde les élus contre « l’infiltration d’institutions sensibles qui entraîne des vulnérabilités susceptibles de mettre en péril des opérations ou d’attenter directement à la sûreté de l’État. »
Un sondage publié en mai 2021 par le Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof) a révélé l’attrait croissant des forces de police pour le Rassemblement national. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, 44 % des policiers et des gendarmes avaient indiqué leur intention de voter pour Marine Le Pen. Et, dans la perspective évoquée d’un duel Macron-Le Pen au second tour, la proportion d’entre eux prêts à donner leur voix à celle qui était alors la cheffe du RN s’élevait à 60 %.
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