Pourquoi le discours de Gabriel Attal sur les campagnes est une arnaque

Depuis la crise agricole, le premier ministre s’agite pour assurer de sa compréhension des problématiques du secteur. Une stratégie éculée : occuper l’espace et faire du bruit pour créer l’illusion de l’action.

Jour de retrouvailles. Après la levée, le 1er février, des barrages menés par les agriculteurs mobilisés aux portes de Paris, le premier ministre, Gabriel Attal, a rencontré, mardi 13 février, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, ses interlocuteurs privilégiés sur les questions agricoles, au contraire du Modef ou de la Confédération paysanne…

« Personne n’a intérêt à nous balader », a menacé Arnaud Rousseau, président du syndicat majoritaire, pressé d’obtenir des « réponses concrètes et pratiques » avant le Salon de l’agriculture qui s’ouvre dans dix jours. En particulier autour de son rejet d’Écophyto, plan actuellement « en pause » initialement destiné à réduire de moitié l’usage des pesticides à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017.

C’est justement pour décider de son sort que se réunissait, la veille, le comité d’orientation stratégique (COS) et de suivi du plan dont les échanges ont été brefs, les associations de défense de l’environnement ayant claqué la porte. La raison ?

La volonté gouvernementale d’en finir avec l’indicateur Nodu, en vigueur depuis 2009 en France pour mesurer le taux de pesticide à l’hectare, dont la FNSEA veut le remplacement par l’indicateur HRI 1, qui pondère les quantités de pesticide par un coefficient censé prendre en compte leur degré de dangerosité… « Remettre en cause l’indicateur Nodu, c’est remettre en cause l’objectif même de la réduction des usages des pesticides en agriculture », ont déclaré les associations à la sortie.

Le roi de la communication

Le gouvernement entend-il laisser la ruralité être empoisonnée ? Depuis sa prise de fonction, et en particulier depuis le début du mouvement des agriculteurs, Gabriel Attal n’économise pourtant pas ses efforts pour tenter de démontrer une grande préoccupation vis-à-vis des campagnes. D’abord en soulignant toute l’utilité de notre agriculture, qu’il entend consacrer symboliquement dans le Code rural comme « intérêt fondamental de la nation ». Mais aussi en multipliant les déclarations tapageuses pour accompagner des annonces dénuées de véritable contenu – si possible au milieu de bottes de foin sur lesquelles poser ses notes…

« Quand on choisit la campagne, on l’accepte et on l’assume », a-t-il notamment lancé, le 1er février, pour introduire sa volonté d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi « visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels ». Dont l’objectif est de limiter la responsabilité des agriculteurs en cas de troubles de voisinage. Directement ciblées : les plaintes de néoruraux à l’encontre d’exploitants agricoles, de leurs machines et de leurs animaux.

Le locataire de Matignon surjoue encore sa défense de la ruralité une semaine plus tard, à l’Assemblée nationale, en houspillant directement les écologistes : « L’écologie ne peut pas être un facteur d’opposition entre les ruraux et les urbains (…) Je n’accepterai jamais les discours qui visent en permanence à culpabiliser, à punir, à sanctionner, à brutaliser. »

Des sujets majeurs oubliés

Gabriel Attal, allié inattendu et offensif des campagnes ? « Le premier ministre a une façon très réductrice et caricaturale de traiter les questions rurales », observe Stéphane Delautrette, député socialiste de Haute-Vienne et vice-président du groupe d’études parlementaires sur la ruralité. « Se contenter du seul prisme agricole et de grands effets de manche, c’est oublier beaucoup d’enjeux. La mobilité, l’offre de soins, la disparition des services publics, mais aussi la présence de l’école de la République. »

Une opinion que partage le sénateur LR Daniel Guéret, qui vient de lui adresser une lettre ouverte pour exiger un moratoire de trois ans sur les fermetures de classes en zone rurale. « La vraie question, c’est d’abord l’égalité des chances, estime-t-il. Dans mon département, plus de 40 classes vont fermer à la prochaine rentrée. Un abandon parmi tant d’autres qui ne peut être traité par de la communication. »

Il y a dix jours, Michel Fournier, maire des Voivres (Vosges) et président de l’Association des maires ruraux de France, a eu le « privilège » de rencontrer Gabriel Attal. S’il note son « écoute », il avertit : « Il faudra des actes. »

« C’est un communicant, il sait comment occuper l’espace, constate-t-il. Nous attendons toujours des réponses, par exemple sur la question de nouvelles dotations pour permettre à toutes les communes rurales d’être des forces motrices dans la transition écologique. Nous avons au moins réussi à conserver le maintien d’un secrétariat d’État à la ruralité, mais ça n’a pas été simple… » Un ministère resté vacant près d’un mois.

 


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