Les Ressources Humaines et l’Éducation nationale, tout un programme ! 65% des enseignants se déclarent insatisfaits ou plutôt insatisfaits du parcours RH. Les attentes des personnels montrent l’écart avec la gestion. Selon un rapport « la fonction Ressources Humaines au Ministère de l’Éducation nationale » publié fin octobre, les « objectifs de gestion, essentiellement quantitatifs, ne répondent pas entièrement à la demande d’une gestion RH plus qualitative », pointant plus largement une qualité de vie au travail insatisfaisante. Les risques psycho-sociaux sont en hausse. Les personnels de l’Éducation nationale souffrent d’un manque de reconnaissance, d’un mal-être dont la crise du recrutement et les démissions en hausse des enseignants sont les signaux. En cause, le rapport évoque le manque de pilotage structuré, des raisons structurelles d’insatisfaction quant à la mobilité. Le rapport pointe également des choix du ministère : réformes successives, manque de formation, salaires dévalorisés.
Le ministère de l’Éducation nationale, premier employeur de l’État
Dans un contexte de crise du recrutement des professeurs, de suppressions de postes de professeurs, quels sont les besoins et les préconisations de la Cour des comptes en termes de Ressources humaines pour le ministère premier employeur de l’État avec ses 1, 2 million d’agents ?
Pas de pilotage structuré dans le Ministère
Le rapport relève une « fonction RH centrée sur des impératifs de gestion » dont il souligne des effectifs et enjeux financiers hors norme. Le ministère de l’Éducation nationale est le premier employeur de l’État, avec 1,2 million d’agents. Les 3/4 sont des enseignants pour une masse salariale de près de 79 milliards d’euros en 2023. Or, pour les rapporteurs, le ministère « ne comporte ni pilote unique, ni comité de pilotage RH, ni lettre de mission pour les acteurs centraux de la fonction RH » au niveau central. Au niveau académique, il y a une organisation et structuration autour du secrétariat général.
Hausse des risques psycho-sociaux
Avec 35% des signalements dans l’ensemble des établissements scolaires, les registres « santé et sécurité au travail » et « danger grave et imminent » sont les catégories les plus plus signalées de risques d’après le bilan de 2022. En moyenne, les professeurs sont moins satisfaits professionnellement que l’ensemble des Français en emploi : seules 3 personnes sur 10 se sentent capables de continuer à exercer le même travail jusqu’à la retraite. Sont évoqués les conditions de travail, le pouvoir d’achat et l’aménagement de fin de carrière. La violence dans les établissements peut également être un facteur : 66% des chefs d’établissements ont signalé un incident grave durant l’année 2021-22.
Un manque de reconnaissance et une usure professionnelle qui s’accélère
Selon les rapporteurs, les « objectifs de gestion, essentiellement quantitatifs, ne répondent pas entièrement à la demande d’une gestion RH plus qualitative ». Pour eux, « la fonction RH n’intègre pas suffisamment dans ses objectifs le traitement des risques psycho-sociaux, en augmentation au sein du ministère ». Sont évoquées plusieurs raisons qui affectent la qualité de vie au travail comme la lassitude des personnels face aux réformes successives. La Cour des Comptes pointe la « progression faible mais continue des démissions d’enseignants ». Entre 2020-21 et 2022-23, c’est une hausse de 12% dans le 1er degré et de 18% dans le Second degré.
2,5/10 : la note des enseignants sur leur sentiment d’avoir la confiance du ministre
Le rapport cite les résultats des enquêtes de la DEPP : les personnels de l’Education nationale dénoncent le déficit de considération au sein du ministère. Sur une échelle de satisfaction de 1 à 10, les professeurs évaluent à 2,4 leur ressenti sur la valorisation de leur métier dans la société, 2,7 pour les personnels médico-sociaux et 3,5 pour les personnels de direction. 7% des enseignants trouvent que leur métier est valorisé dans la société, c’est l’un des plus faibles taux de l’Union Européenne avec la Slovaquie et la Slovénie. La défiance envers l’institution s’installe : « les enseignants du 1er degré et les personnels médico-sociaux mettent une note de 2,7 sur 10 à leur sentiment d’avoir la confiance du ministre, ceux du second degré l’évaluent à 2,3 ».
65% des enseignants se déclarent insatisfaits ou plutôt insatisfaits sur les parcours RH
Les attentes des personnels montrent l’écart avec la gestion RH. La première raison d’amélioration pour les enseignants est la formation continue (40%), et 40% des agents proposeraient d’améliorer les processus de promotion et d’avancement. La prise de poste et l’accueil des personnels sont à améliorer. Il y a une forte demande de prise en considération des besoins individuels et de reconnaissance professionnelle.
Un manque de formation continue
Une enquête internationale Teaching and Learning International Survey (TALIS) conduite par l’OCDE pointe que « les enseignants français sont moins satisfaits de leur formation initiale que leurs homologues européens et expriment de ce fait des besoins plus importants de formation continue, en particulier dans les champs des pratiques pédagogiques et de la didactique ».
Les équipes RH sous pression
La mise en place de nombreuses réformes successives pèse aussi sur les personnels administratifs. Beaucoup de « DSDEN rencontrés expriment leur inquiétude face à l’épuisement de leurs équipes RH » notent les rapporteurs : hausse des arrêts maladie, taux de rotation sur les postes avec perte d’expertise pour conséquences. L’absence de candidatures sur les postes reportent le travail sur le reste des personnels. Pour la Cour des comptes, « la filière RH apparait en effet comme la clé de voûte d’un nouveau modèle RH ». Pour faire face à ces défis, des RH de proximité ont été développées depuis 2018 ou encore le projet « RH2026 » a été initié fin 2023.
Pas de moyens supplémentaires pour améliorer la gestion RH et des marges de manœuvre limitées
Le rapport relève « un paradoxe : annoncée comme une priorité du ministre, une évolution à la fois nécessaire et stratégique, celle-ci n’est pas assortie de moyens supplémentaires ». Les conseillers RH de proximité écoutent les personnels et conseillent en évolution de carrière. D’après le rapport, « leur rôle est inconfortable du fait de nombre de sollicitations, de faibles marges de manœuvre et d’une injonction paradoxale majeure : livrer du conseil en évolution professionnelle à des enseignants que l’institution cherche à retenir. »
Les préconisations de la Cour des comptes : assouplir les règles de la mobilité, s’adapter aux disparités territoriales
La Cour des comptes préconise de poursuivre l’assouplissement des règles de la mobilité, à l’aide notamment des Postes à profil – Les postes spécifiques représentent 18% des professeurs du Second degré – et les postes du réseau d’enseignement français à l’étranger. Elle préconise des mesures compensatrices pour les territoires non attractifs dans un souci de continuité du service public d’éducation. A noter, parmi les préconisations de la Cour, ne figurent ni la médecine du travail, ni la revalorisation salariale bien qu’elle constate que « le salaire des professeurs est l’un des plus faibles de la zone euro » et qu’il « est inférieur à la moyenne UE-2022 à tous les stades de leur carrière » et « au revenu moyen des actifs diplômés de l’enseignement supérieur qui travaillent à plein temps toute l’année ».
La gestion RH du ministère demande de faire plus avec moins : l’absence de pilotage est notée, mais « la Cour des comptes souligne la performance du ministère de l’Education nationale » qui « mobilise moins de personnels administratifs que d’autres ministères pour gérer un nombre plus élevé d’agents ». Faute de moyens comme de pilotage structuré, les services de RH, comme beaucoup de personnels du ministère, ne font-ils pas face à des missions nombreuses, voire peut-être parfois impossibles ?
Djéhanne Gani
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