En débat
Les retraités demeurent des variables d’ajustement de l’austérité budgétaire. Il est urgent de revaloriser leurs prestations et de restaurer le système de solidarité.
Il faut augmenter le montant des pensions, les indexer sur l’évolution du salaire moyen et, surtout, reconquérir une sécurité sociale intégrale.
Catherine Tran Phung Cau, Secrétaire générale de l’Union confédérale des retraité.es CGT
Des économistes, des experts portent le fait que les retraité.es seraient privilégié.es car bien souvent propriétaires de leur logement, sans charge de famille, etc. D’abord, les privilégiés sont les actionnaires avec leurs dividendes. Ensuite, c’est méconnaître la situation des retraité.es. Plusieurs rapports récents ont confirmé la hausse de la pauvreté chez les plus de 60 ans. Ils ont mis en évidence les difficultés d’accès à des soins de santé de plus en plus élevés.
60 % des retraité·es ont une pension inférieure au Smic, 31 % touchent moins de 1 000 euros, parmi lesquels 74 % sont des femmes ; 11 % sont en situation de pauvreté, voire de misère avec une pension moyenne de 790 euros par mois.
La désindexation des pensions de l’évolution du salaire moyen et la sous-revalorisation des pensions par rapport au niveau de l’inflation ont conduit à faire baisser le niveau de vie de tous les retraité·es. Cette désindexation est la première rupture de leur lien avec les salarié.es. Le patronat et les gouvernements successifs, dont les politiques sont fondées sur la baisse du coût du travail, ont fait déconnecter les retraites des principes de solidarité de la sécurité sociale.
C’est ainsi qu’ont été réduites les ressources de la Sécurité sociale. En moyenne, les retraité·es ont perdu en quatre ans l’équivalent de plus de deux, voire trois ou quatre mois, selon le montant de leurs pensions de base et complémentaire. Nous sommes loin de l’esprit ayant présidé aux fondements de la Sécurité sociale, à savoir, selon Ambroise Croizat, « faire de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie ».
Il est urgent de revaloriser les pensions de base et complémentaires sur l’évolution des salaires et sur les prix pour permettre aux retraité.es de vivre dignement des fruits des richesses qu’ils et elles ont créés par leur travail. Il est urgent de reconquérir une Sécurité sociale intégrale, fondée sur le principe d’un système simplifié, clair et accessible. Elle doit devenir l’interlocuteur, le collecteur et le payeur unique.
L’UCR-CGT demande des mesures urgentes pour les petites retraites, la revalorisation immédiate des pensions de 10 %, le rattrapage de la perte de pouvoir d’achat, l’indexation des pensions sur l’évolution du salaire moyen. On peut financer ces mesures en mettant fin aux exonérations de cotisations sociales, en mettant à contribution les revenus du capital, notamment les dividendes, en élargissant l’assiette des revenus soumis à cotisations salariés et employeurs – ce qui rapporterait 3 milliards ; en obtenant des hausses de salaire et en gagnant l’égalité salariale. Les cotisations sociales doivent rester et redevenir la base du financement de la protection sociale.
Le montant des pensions doit être au minimum de 75 % du salaire moyen revalorisé sans être inférieur au Smic revendiqué par la CGT. L’UCR-CGT appelle les retraité.es à rester mobilisé.es.
Après une vie d’inégalités, les salariés subissent l’humiliation d’un héritage de solidarité dilapidé avec la réapparition de la pauvreté.
Christian Corouge, Ancien ouvrier de Peugeot
Nicolas Renahy, Sociologue
Les mots tenus à l’Assemblée nationale le 28 novembre par la députée LR Éliane Kremer en disent long sur l’ethnocentrisme de classe des soutiens à la réforme des retraites de 2023 : « À 64 ans comme à 60 ans, nous sommes encore en bonne forme physique, et l’on ne va pas directement ni à l’Ehpad, ni au cercueil ! » Un tel aveuglement se transforme en mépris lorsqu’il s’agit de définir « un » retraité sans origine, ni condition sociales, qui peuple les « clubs du troisième âge de nos communes » et « les agences de voyage ».
L’expérience militante et la connaissance sociologique apprennent pourtant que toute vie passée derrière des machines laisse des traces indélébiles. En France, deux tiers des personnes touchées par des maladies professionnelles sont des ouvriers, dont neuf sur dix lorsqu’il s’agit de surdité ou d’affection liées à l’amiante. La part des ouvriers et ouvrières qui arrivent en âge de faire valoir leurs droits à la retraite est donc bien moindre que celle des cadres, surtout en ce qui concerne les personnes « sans incapacité ».
Et pour celles et ceux qui en bénéficient, le montant de pension est plus de deux fois plus élevé pour les anciens et anciennes cadres que pour celles et ceux qui étaient ouvriers, ouvrières ou employé·es. Jusqu’à la fin de vie, les classes supérieures coûtent donc plus cher à la collectivité que les classes populaires. Cette donnée échappe visiblement aux élus qui en sont issus.
Pendant tout le XXe siècle, des politiques publiques basées sur la loi sur les retraites ouvrières et paysannes de 1910 puis sur le programme du Conseil national de la Résistance ont participé à réguler de telles inégalités. Mais avec la réforme de 2023, ce n’est pas seulement l’augmentation de la durée de cotisation, celle de l’âge de départ à 64 ans ou la suppression des régimes spéciaux qui ont des effets délétères sur celles et ceux qui ont les plus petites retraites.
Quand on les observe concrètement à l’échelle des ex-travailleurs dits « manuels », on voit qu’ils s’additionnent à la hausse de l’inflation, aux déremboursements de médicaments en cascade, à la difficulté croissante d’accéder à des services publics à cause de la dématérialisation, au chômage qui se développe et touche des enfants et petits-enfants qu’il faut bien aider.
Les moyennes statistiques éclairent des grandes inégalités en même temps qu’elles masquent la réalité des carrières incomplètes, des pensions mal reconstituées, des veuves d’ouvriers qui ne disposent que de 700 ou 800 euros mensuels, de ceux qui gagnent un tout petit peu plus que les petites retraites et ont peur de se retrouver au seuil minimal à force de ne pas connaître de revalorisation. Cette arrière-garde de la classe ouvrière ne se rencontre pas dans les agences de voyage, mais dans les supermarchés hard discount des terres désindustrialisées. Pour celles et ceux qui se sont battus toute leur vie pour transmettre un héritage de solidarité, une telle réapparition des retraités pauvres est une humiliation.
Pour aller plus loin
Le calculateur de l’évolution du pouvoir d’achat des retraités sur union-confederale-retraites.cgt.fr
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