En Corse, le pape a dit tout haut de la laïcité ce que certains responsables politiques lui font subir à bas bruit. La séparation des Eglises et de l’Etat est aujourd’hui remise en cause par des élus, atténuant ainsi la force de ce principe consubtantiel à l’idéal républicain.
La laïcité est mise à mal dans notre pays.
Ce constat est une triste évidence pour ceux qui, comme moi, sont attentifs au respect du principe de séparation des Églises et de l’État dans notre République ainsi qu’à la façon de garantir son efficience sur l’intégralité de notre territoire, hexagonal et ultra-marin.
Mais il y a fort à parier qu’au cours des derniers jours, le pape, tout à son rôle de représentant du clergé catholique lorsqu’il a critiqué, en terre corse, notre laïcité, a permis d’ouvrir les yeux du plus grand nombre sur ce phénomène qui se joue, à bras bruit, et dont les principaux responsables sont à chercher du côté des élus.
Cela commence par le premier d’entre eux, Emmanuel Macron, qui a multiplié les entorses à la laïcité, en indiquant qu’il était nécessaire de restaurer le lien entre l’Église et l’État français (collège des Bernardins), en assistant à une messe du pape à Marseille, en autorisant l’allumage des bougies de Hanouka au sein de l’Élysée ou plus récemment, en prononçant, sous prétexte de pluie, un discours à l’intérieur de la cathédrale Notre-Dame, fait inédit pour un chef de l’État. Il me semble pourtant que la République valait bien un parapluie.
Que dire ensuite de la participation, toujours plus nombreuses, par des élus, à des cérémonies ou à des célébrations religieuses que certains n’hésitent pas à transformer pour l’occasion en réunion politique, au mépris de la loi 1905. Ce phénomène se vérifie principalement dans les églises et dans les mosquées où la neutralité républicaine est attaquée en son cœur dès qu’un responsable politique censé représenter le peuple dans son ensemble se distingue par sa présence aux côtés de fidèles qui souvent ne lui ont rien demandé.
Ma conception de la laïcité exige que les élus, ès qualités, se tiennent à bonne distance de la vie religieuse, sous peine de les voir verser dans une forme de communautarisme incompatible avec les idéaux républicains.
Comment ne pas évoquer enfin les décisions politiques qui concernent directement la religion, telles que l’installation d’une crèche dans une mairie, la promotion institutionnelle d’une religion (éditorial, affiche) ou enfin la distorsion du droit pour favoriser la construction d’une église, d’une mosquée ou d’une synagogue ?
Dans ces conditions, comment demander à nos enfants de respecter le principe de laïcité, source de liberté, d’émancipation et d’apaisement, quand des responsables politiques le sacrifient sur l’autel de leurs propres intérêts ?
Comment assurer nos professeurs du soutien de la nation pour que, selon les mots de Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-arts du Front populaire « les écoles restent l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », si les élus ne font pas leur part de ce travail indispensable ?
Comment prétendre défendre le projet républicain et lutter contre l’atomisation de la société, lorsque la laïcité, consubstantielle à notre contrat social, est réduite à peau de chagrin, renvoyant ainsi les citoyens au rang d’individus, êtres de consommation ou de traditions ?
Je forme le souhait que nos pratiques changent pour donner raison à Clemenceau lorsqu’il affirmait en 1905 au cours des débats entourant la loi dont nous avons récemment fêté l’anniversaire que « la séparation n’est pas faite : elle est commencée. D’autres la pousseront plus loin, sans la réaliser pleinement. »
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