Agriculture : L’arbre est un intrant, pas un intrus #Donzac20mars

Gérard Le Puill

Notre article publié hier montrait comment la forêt française se met en scène du 15 au 23 mars afin de sensibiliser les Français sur l’importance des surfaces boisées pour capter du carbone et freiner le réchauffement climatique. Notre article du jour met en exergue le rôle de l’agroforesterie qui consiste à planter des rangées d’arbres dans les champs cultivés et dans les prairies.

Durant les deux semaines précédant l’ouverture du Salon de l’Agriculture, nous avions publié une dizaine d’articles sur la situation de principales filières agricoles de la France. Un double constat s’imposait à la lecture de ces articles : d’année en année, l’excédent global de l’agriculture dans la balance commerciale de la France diminue, tandis qu’augmentent les importations de viandes, de fruits et de légumes et d’autres produits alimentaires qu’il demeure possible de produire chez nous en plus grandes quantités. Ces importations font également croître le bilan carbone de notre alimentation quotidienne.

En France, comme en Europe et dans le monde, les catastrophes climatiques que sont les sécheresses, les incendies, les tempêtes et les inondations, font reculer la production agricole et appellent d’indispensables réparations. Elles sont très coûteuses financièrement et très émettrices de gaz à effet de serre. Depuis la Cop 21 tenue à Paris en 2015, ces catastrophes, dites naturelles, se multiplient. Du coup, on sait déjà que l’objectif visant à ne pas dépasser de +2°C les températures moyennes du début du XIXème siècle en 2100 ne sera pas atteint. Moins de dix ans après cette Cop 21, le chiffre de +1,5°C jugé souhaitable en 2100 est déjà atteint sur différents continents de la planète.

Forte mortalité des arbres dans nos forêts

Adapter les territoires de nos régions au réchauffement climatique en cours devient donc urgent. Dans les champs, les rendements des cultures reculent du fait des périodes de sécheresse, mais aussi des inondations de plus en plus fréquentes, comme on a pu le voir en 2024 et au début de cette année 2025. Mieux gérer l’eau de pluie et mettre en place des pratiques agricoles qui permettent de stocker plus de carbone devraient donc être les choix prioritaires de la politique agricole de la France et de l’Union européenne en ce XXIème si on veut atteindre la neutralité carbone le plus vite possible.

Mettre fin aux accords de libre échange avec les pays tiers ne sera pas suffisant pour atteindre cet objectif. Il faudra aussi produire autrement dans tous les pays membres de l’Union européenne. Dans les prairies, il faudrait sans attendre généraliser les mélanges de graminées et de légumineuses afin d’avoir une herbe plus riche en protéines végétales et pouvant en même temps se passer des engrais azotés. L’efficacité de cette pratique est prouvée depuis trois quarts de siècle, mais elle demeure sous-utilisée dans trop de zones d’élevage à l’herbe.

Le budget européen peut et doit financer l’agroforesterie

Afin de faire capter plus de carbone par les arbres, promouvoir l’agroforesterie dans tous les pays membres de l’Union européenne sera plus efficace que de planter de nouvelles superficies en forêts. Cela est possible dans les prairies comme dans les plaines céréalières à raison d’une cinquantaine de troncs à l’hectare en lignes droites. Mais cela suppose aussi de disposer d’un budget européen destiné à cette pratique car il faut avant même la plantation, semer des graines pour faire pousser les arbustes qui seront plantés dans les champs dans un second temps. Il faut ensuite protéger ces arbustes de la prédation par les animaux sauvages et domestiques, avant de les voir capter du carbone progressivement.

Certains de ces arbres pourront devenir du bois d’œuvre d’ici à la fin du siècle en cours. D’autres peuvent aussi servir à produire des fruits comme la châtaigne, la noix, l’huile d’olive et quelques autres. La première peut se consommer en légume et en dessert; les deux autres peuvent avoir différents usages dont la production d’huile. Les conseils régionaux et départementaux pourraient s’impliquer dans la mise en place de ces nouvelles pratiques, tandis que les députés élus au Parlement européen peuvent se rendre plus utiles qu’ils ne le sont globalement en s’emparant de ce dossier.

En France, pour réduire les pertes de productions agricoles lors des sécheresses comme pour limiter le coût des réparations consécutives aux inondations, il faudra adapter la gestion et le débit des cours d’eau avec plus de rigueur qu’au XXème siècle. Construire des petits barrages sur des ruisseaux qui coulent dans des vallées étroites et désormais inhabitées très en amont des grands fleuves, comme des fleuves côtiers, devient indispensable pour écrêter les crues. Cela permet aussi de produire de l’électricité en alternance avec les éoliennes où d’irriguer quelques cultures. « Entre deux maux il faut choisir le moindre », nous rappelle un vieux dicton dont la pertinence est plus actuelle que jamais en ce XXIème siècle dans une France qui doit absolument préserver sa souveraineté alimentaire.

Paysans à Noihan dans le Gers, Jack Delozzo et son fils Kévin élèvent des bovins à viande et des moutons. Ils vendent directement aux consommateurs de la viande et divers produits de la ferme, dont des fruits et des légumes. Depuis 2007, ils ont planté beaucoup de rangées d’arbres dans leurs prairies et dans leurs champs cultivés. Ces arbres captent de plus en plus de carbone tandis que les fruits que certains produisent désormais sont vendus directement aux consommateurs. Jack Delozzo résume le succès de son initiative par ce slogan : « l’arbre est un intrant, pas un intrus ».

 


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