ENTRETIEN in DDM. Alain Daziron : « La classe, c’est un univers fantastique mais qui n’est pas de tout repos »

  • Alain Daziron, dans la cour de l’école de Larrazet, bâtie en 1955. "Moi, j’y suis rentré en 1958", se souvient l’ancien professeur d’histoire-géographie.
    Alain Daziron, dans la cour de l’école de Larrazet, bâtie en 1955. « Moi, j’y suis rentré en 1958 », se souvient l’ancien professeur d’histoire-géographie. DDM – DDM MANUEL MASSIP

 

 

De Calais, où il a commencé sa carrière de professeur d’histoire-géographie à 27 ans… et à 1 000 km de chez lui à Montech (Tarn-et-Garonne), où il a fait partie des pionniers du nouveau collège Vercingétorix en passant par Lavaur (Tarn), où il a trouvé une seconde famille au collège des Clauzades, Alain Daziron n’a jamais cessé « d’habiter la classe » et de « réfléchir l’école ». Samedi 22 mars, chez lui à Larrazet, il présentera son premier livre, qui lui ressemble tellement : un livre de partage qui bat en brèche toutes les idées reçues sur l’école.

Réfléchir et habiter l’école, c’était le thème des Journées de Larrazet (Tarn-et-Garonne) en 2022, ce colloque organisé depuis plus de 40 ans par la Maison de la Culture du village, sous l’impulsion d’Alain Daziron.

Trois ans plus tard, l’ancien professeur d’histoire-géographie reprend « un sujet continent dont on n’a jamais fini de faire le tour » pour en faire un livre. Il le présentera samedi 22 mars 2025, à partir de 14 heures, à la salle des fêtes de Larrazet, entouré d’anciens élèves et collègues des établissements où il a enseigné, depuis ses débuts à Calais en 1981.

L’occasion d’organiser une rencontre sur l’actualité et l’avenir de l’école, avec la participation de Philippe Meirieu, chercheur et essayiste et Philippe Champy, ancien ingénieur à l’Institut national de recherche pédagogique.

Alain Daziron, comment est née l’idée de ce livre ?

C’est d’abord le fait que quand tu plonges dans la vie de l’école, tu es happé. Tu ressens une émotion très forte, tu rencontres parfois des difficultés très grandes ou tu connais une satisfaction énorme. Ça m’a habité. Et comme je suis aussi un historien, que j’aime documenter, fixer des idées, ce projet de livre a cheminé en moi.

Un livre positif sur l’école, ce n’est pas courant par les temps qui courent.

J’avais la volonté de faire partager la réalité de l’école. Il y a, c’est vrai, un décalage énorme avec la perception qu’en a la société. Aujourd’hui, 90 % des personnes disent que l’école va mal… mais elles ne savent pas toujours expliquer pourquoi. La rupture s’est produite il y a une vingtaine d’années : une agitation mimétique s’est emparée de l’institution. On a commencé à vouloir expliquer aux profs comment il fallait enseigner, en mettant en avant des slogans creux : réformer l’école et, plus près de nous, le choc des savoirs. C’était mortifère. Pour moi, c’est le symptôme d’une crise de la pensée de l’école et non pas d’une crise de l’école.

Quelque part, les enseignants sont des élèves trop sages. Il faut les encourager à partager leur expérience, surtout lorsqu’elle est humble.

La faute à qui ?

C’est la faute de tout le monde d’une certaine manière. La faute de la verticalité. Quelque part, les enseignants sont des élèves trop sages. Il faut encourager tous les enseignants à partager leur expérience, surtout lorsqu’elle est humble. Partager l’humilité, l’expérience du quotidien, c’est ce que j’ai voulu faire dans cette publication. C’est un livre assez atypique, qui se veut à la fois un carnet de route, un manifeste et un témoignage qui épouse et restitue au plus près l’univers de la classe. Je ne sais pas comment il va être accueilli.

 

Dans le livre d’Alain Daziron, le premier chapitre est consacré à son enfance à l’école communale de Larrazet.
Dans le livre d’Alain Daziron, le premier chapitre est consacré à son enfance à l’école communale de Larrazet. Photos collection privée

 

Évoquons le carnet de route de l’enseignant. Pour vous, le jeune Tarn-et-Garonnais à l’accent gascon, tout a commencé à Calais. Vous consacrez un chapitre à ce « baptême du feu fondateur ».

Oui, Calais a été mon premier poste en 1981. Aujourd’hui, ça me paraît irréel. J’avais 27 ans. Les comités anti-exil ont commencé à fleurir à cette époque pour adoucir un peu les barèmes. Pour les jeunes du Midi comme moi, le premier poste se situait automatiquement dans une académie du nord de la France. Moi, je suis allé tout au nord, mais ç’a été une expérience fondatrice. En 2002, Annie Burger a sorti un livre recensant les débuts dans l’enseignement de 50 de ses collègues. J’étais un des 50. Je lui ai raconté comment j’ai tenu le coup à Calais. J’ai été très très bien accueilli, j’ai pris rapidement la main dans ma classe. C’est sans doute là-bas que j’ai mené le projet le plus magnifique de ma carrière : un PAE (projet d’action éducative) sur la Seconde guerre mondiale à Calais. J’avais derrière moi, déjà, une belle expérience associative dans mon village de Larrazet, au club de foot, au foyer rural et à la Maison des jeunes. Ça m’a énormément servi et j’ai acquis mon identité calaisienne d’une certaine manière.

À Calais, une élève me disait souvent : « Monsieur, votre accent nous fait danser ». Un autre, sachant ma passion pour le football, me demandait des nouvelles du Téfécé le lundi.

Le déracinement culturel n’était il pas trop fort ?

Les élèves du collège Jean-Jaurès de Calais trouvaient certainement que j’étais un personnage un peu exotique. Une élève me disait souvent : « Monsieur, votre accent nous fait danser ». Un autre, sachant ma passion pour le football, me demandait des nouvelles du Téfécé le lundi. Même si je ne rentrais en Lomagne qu’une fois par mois, car il y avait 12 heures de train, je n’ai jamais senti de déracinement. Sur la couverture du livre, j’ai écrit « A mes élèves bien aimés de Calais ». Je suis en train de renouer avec certains d’entre eux.

 

La couverture du livre d’Alain Daziron, "Habiter la classe et réfléchir l’école", qu’il dédicacera samedi après-midi à la salle des fêtes de Larrazet.
La couverture du livre d’Alain Daziron, « Habiter la classe et réfléchir l’école », qu’il dédicacera samedi après-midi à la salle des fêtes de Larrazet. Document fourni par l’auteur

 

À votre retour de Calais, en 1985, vous avez pris la direction du Tarn.

Oui, j’ai enseigné deux ans à Lacaune et ensuite j’ai été nommé au collège des Clauzades à Lavaur. J’y ai enseigné presque 20 ans. Les Clauzades, ç’a été ma deuxième famille, un collège formidable qui nous donnait une très grande liberté pédagogique. Moi, j’avais l’habitude d’inviter beaucoup de monde en classe. Habiter la classe et habiter la commune : c’est sur ces deux axes que j’ai construit ma carrière. Ma conviction profonde c’est qu’il faut habiter l’école et non pas la refonder. Vous savez, la classe, c’est un univers fantastique, qui n’est pas de tout repos. C’est le front !

C’est à Montech que vous avez terminé votre carrière, dans des circonstances particulières.

Oui en effet, c’est en 2007 qu’a ouvert le collège Vercingétorix. On arrive dans un établissement qui n’a pas d’histoire, où tout est à bâtir. C’est une expérience redoutable qui peut être déstabilisante pour les élèves. C’est pour ça que sans tarder, je leur ai fait écrire leur ressenti sur le collège. J’ai plein d’anecdotes, notamment la prérentrée qu’on a dû faire au collège de Labastide-Saint-Pierre car le téléphone n’était pas encore branché à Montech.

« Habiter la classe et réfléchir l’école », d’Alain Daziron. Prix : 20 euros (+7 € de frais d’envoi). Règlement à l’ordre de : Maison de la Culture de Larrazet 82 500 Larrazet. Tél. 06 82 49 12 04. Mail : adaziron@wanadoo.fr
On pourra aussi se procurer l’ouvrage dans les librairies « Le plumier argenté » à Beaumont-de-Lomagne et « La Femme Renard » à Montauban ainsi qu’à la boulangerie de Larrazet.

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