« C’est Nicolas qui paie » : ce que colporte le nouveau mot d’ordre de l’extrême droite sur les réseaux

Née sur les réseaux sociaux, l’expression « C’est Nicolas qui paie », critique des dépenses publiques dopée au racisme, devient un cri de ralliement de l’extrême droite. Le signe d’un camp qui assume de plus en plus un projet ultralibéral.

 

Pour la droite et l’extrême droite, la solidarité nationale qu’ils honnissent a enfin un nom : Nicolas. Depuis plusieurs mois, sur le réseau social X (ex-Twitter), l’expression « C’est Nicolas qui paie » et le compte du même nom – accompagné d’une photo d’un trentenaire en chemise bleue se tenant la tête entre les mains – font florès, pour dénoncer l’impôt et les dépenses publiques.

Les aides sociales, les journaux bénéficiant des aides à la presse, les projets d’aides au développement, une pièce de théâtre subventionnée, les transports rendus gratuits… Toute actualité liée à ces sujets est commentée par la fachosphère et des comptes libertariens par cette seule expression : « C’est Nicolas qui paie ». Soit l’idée que les jeunes cadres dynamiques – toujours représentés en hommes blancs – payent trop d’impôts et, surtout, payent pour les autres.

Un « ras-le-bol fiscal » identitaire

C’est encore le Figaro, pour qui cette expression est un « moyen de dénoncer la gabegie qui aggrave de plus en plus la dérive des comptes tricolores », qui en parle le mieux dans son édition du 17 juin : « « Nicolas » est le jeune actif, qui paye des impôts, et qui doit soutenir par ses contributions sociales à la fois les retraités qui ne travaillent plus et la part de la population française qui ne travaille pas (chômage, RSA). Rappelons qu’en France 10 % des Français payent 70 % de l’impôt sur le revenu. » Pas les plus démunis, donc.

À droite, le discours du « ras-le-bol fiscal » n’est pas neuf. Mais les relais de « Nicolas » le font évoluer en ciblant particulièrement deux parties de la population : les retraités et les immigrés – voire leurs descendants. Un schéma, devenu le symbole de l’expression, représente « Nicolas » envoyant son argent dans trois directions. L’une conduit à « Bernard et Chantal, 70 ans » se payant une croisière avec leur pension. Une autre à une carte de l’Afrique, via l’Agence française de développement (AFD). Et une dernière à « Karim, 25 ans », via « Pôle emploi », le « RSA » et les « Allocations familiales ». Lui-même est relié à l’Afrique par une flèche, sur laquelle est superposé le logo de « Western Union », société de transfert d’argent.

« Karim », personnage fictif très répandu dans la fachosphère pour représenter un « musulman type » à leurs yeux ou une racaille, est très souvent associé à « Nicolas » dans les messages diffusés sur X. Les utilisateurs supposant que le second paye pour les méfaits du premier, lorsque des incivilités ou des violences sont commises, comme après la finale de Ligue des champions Paris-Inter Milan le 31 mai dernier. Peu importent les véritables origines des auteurs des faits incriminés.

Parmi les principaux promoteurs des personnages de « Nicolas » et « Karim », on trouve un compte suivi par plus de 100 000 personnes, nommé « Bouli », du nom d’un personnage de dessin animé à l’écharpe rouge. Il a popularisé le fameux schéma mais aussi une autre expression de plus en plus utilisée par l’extrême droite : « Tout le monde sait ». Un sous-entendu raciste consistant à mettre sur le dos des seules personnes racisées certains maux de la société.

Des relais chez les Ciottistes

Si des contributeurs, dont l’homme derrière le compte du même nom, s’en défendent, « Nicolas qui paie » est ainsi devenu un symbole d’une extrême droite à la fois identitaire et ultralibérale. Une frange de plus en plus visible depuis la réélection de Donald Trump et ses multiples coupes budgétaires ou encore du président argentin Javier Milei, en mêlant les discours ultralibéraux et xénophobes. Le président argentin et sa tronçonneuse sont particulièrement plébiscités. Le créateur du compte « Nicolas qui paie », interrogé par le Figaro, dit d’ailleurs se rapprocher du « minarchisme identitaire ». Une idéologie politique dérivée du libertarisme, chère à Javier Milei, qui prône une action minimale de l’État réduite à quelques domaines régaliens, couplée à une « défense de l’identité occidentale ».

Une politique qui, désormais, possède des relais à l’Assemblée nationale, du côté des troupes d’Éric Ciotti, de l’Union des droites pour la République (UDR). Le parlementaire Gérault Verny s’est même rendu en Argentine avec une équipe de Frontières – média d’extrême droite dont il est actionnaire – pour faire la promotion des « réformes courageuses de Javier Milei » censées avoir relancé l’économie via une austérité extrême – et faisant grimper le taux de pauvreté à 53 %. Ce même Gérault Verny a tenu un discours dans le palais Bourbon, en avril, pour réclamer 220 milliards d’euros de baisse de dépenses publiques. Le tout en ajoutant : « À chaque fois qu’un euro d’argent public est gaspillé, c’est, selon l’expression, Nicolas qui paye. »

Le Rassemblement national (RN), progressivement, se rapproche aussi de cette mouvance. Lors des débats sur le dernier budget, Marine Le Pen a répété que l’augmentation des impôts serait une « ligne rouge », y compris ceux qui concernent les plus riches. Le député RN Jean-Philippe Tanguy a récemment plaidé pour « le respect des 3 % » de déficit public, règle fixée par l’Union européenne. Dernier épisode d’une longue série de clins d’œil aux marchés financiers et au patronat, au détriment des classes populaires que le RN prétend défendre.


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