Avec 12% de grévistes dans le premier degré et 13% dans le second degré selon le ministère et un professeur sur trois selon la FSU, le mouvement de grève du 26 janvier lancé par 6 fédérations (Fsu, Fo, Cgt, Sud, Sncl, Snalc) semble modeste. Replacé dans le contexte de la crise sanitaire, des défis nouveaux qu’elle adresse aux enseignants et de l’isolement personnel qu’elle banalise, le mouvement a du sens. Dans le cortège parisien, la colère des professeurs présents vient de loin. Celle des infirmières est particulièrement visible.
Les infirmières contre leur décentralisation
Commençons par les vedettes de la journée. Les infirmières scolaires étaient nombreuses dans le cortège et particulièrement visibles, enveloppées dans une couverture de survie. « Je me bats avec mes collègues pour qu’on ne soit pas décentralisées et que l’on reste en établissement », nous a dit Nadia Barnerias, infirmière dans une cité scolaire de la banlieue parisienne. Le projet de loi 4D prévoit que la santé scolaire passe aux collectivités territoriales. Une autre menace est apparue récemment avec un amendement (adopté) au projet de loi sur « la santé par la confiance » mettant les infirmières sous la houlette des médecins. « On travaille à la réussite des élèves, à leur suivi, à la prévention. On ne chôme pas », assure t-elle. Elle ne voit pas comment en étant absentes des établissements les infirmières pourraient mieux assurer les visites obligatoires et suivre les élèves dans leurs problématiques de santé et d’aide psychologique ».
Sandrine contre 36 élèves par classe
Edith et Sandrine enseignent dans le même lycée du 78, l’une l’EPS, l’autre les maths. Si elles sont venues manifester c’est contre la réforme du lycée. « 36 élèves par classe c’est beaucoup trop pour enseigner correctement », estime Sandrine. « En maths on nous a enlevé tellement d’heures que ça devient infernal pour aider les élèves. Si l’épreuve (de spécialité) n’avait pas été annulée on n’aurait de toutes façons pas réussi à faire le programme ». Pour autant elle désapprouve la solution trouvée par le ministre. « Il aurait mieux valu une épreuve nationale en juin », dit-elle. « Le controle continu c’est l’enfer. On reçoit des mails des parents qui nous mettent la pression pour remonter les notes. Nous n’avons plus de sérénité pour travailler. Le métier perd son sens ». En EPS, Edith estime aussi que « 36 élèves c’est de l’abattage. C’est le nombre croissant d’élèves qui me mobilise avec le fait que le bac devienne local et non plus national ».
Un mouvement de fond pour B. Teste
En tête du cortège, Benoit Teste, secrétaire général de la FSU, voit dans la mobilisation « un mouvement de fond et non une réaction à la crise sanitaire qui nous dessert car chacun a le nez dans le guidon ». Il est inquiet du peu d’actes concrets face à la pandémie alors que « des choses pourraient être faites facilement comme limiter le brassage des élèves, l’aération des salles, la gestion des cas contacts et des fermetures d’écoles ». La FSU a envoyé le 25 janvier un courrier au premier ministre en ce sens.
Sur la récente publication des synthèses du Grenelle de l’éducation, il y voit « les poncifs habituels du Café du commerce, sur les enseignants qui ne travailleraient pas assez et sur le mérite. Il y a des choses à discuter sur le métier enseignant. Mais le Grenelle le fait avec un biais managerial », nous dit-il.
Des déserteurs pour le ministre
La grève et le Grenelle, JM Blanquer en parle aussi devant les députés de l’Assemblée nationale le 26 janvier. « Le taux de grévistes est faible car l’immense majorité des professeurs est mobilisée. C’est grace à eux que la France traverse la crise épidémique de la façon la plus correcte possible sur le plan scolaire ». Le ministre se sert aussi des deux syndicats qui n’appelaient pas à la grève. « Le Grenelle de l’éducation débouche par certains syndicats sur des propositions ».
Le prix du mépris pour E Faucillon
Rencontrée dans le cortège parisien, la députée (PCF) Elsa Faucillon est là « en soutien car on a vite oublié les remerciements au monde enseignants après le premier confinement ». Pour elle le bilan du ministère Blanquer est « sous le signe du mépris vis à vis des personnels », le ministre multipliant les communications « sans prendre en compte l’expertise des personnels de l’éducation nationale. Il se revendique des valeurs de la République mais il a bien du mal à les rendre effective et à défendre l’école publique ».
François Jarraud
La lettre de la FSU à J Castex
VIDÉO. Grève du 26 janvier : à Toulouse, entre 1300 et 2000 personnes ont manifesté
Le personnel de l’Education nationale était appelé à manifester ce mardi. À Toulouse, entre 1300 (selon la préfecture), et 2000 personnes (selon les syndicats) ont défilé entre l’arche Marengo et le Monument aux morts. Les étudiants étaient également présents en nombre.
À l’appel de plusieurs syndicats, entre 1300 et 2000 personnes ont défilé dans les rues de Toulouse ce mardi, en fin de matinée. Objectifs de cette manifestation : réclamer « un plan d’urgence pour l’école » et une revalorisation des salaires des enseignants.
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Des revendications de longue date auxquelles s’ajoutent celles liées à la crise sanitaire, comme l’exprime par exemple Fabien, enseignant dans un établissement toulousain. « Les propositions du ministre de l’Éducation sont insuffisantes et ne contentent que très peu de collègues. Par ailleurs, avec la dotation, nous voyons qu’il y aura une très nette baisse des postes à la rentrée 2022. Nous avons en moyenne 35 élèves par classe alors que les conditions de travail sont très difficiles, surtout en ce moment. On s’est habitués à l’anormal ! »
Pour Abdallah, membre de la CGT Educ’actions, la situation est « intenable ». L’enseignant dénonce pêle-mêle « des réformes mal menées » dont l’objectif est de « casser le Bac », « une baisse des effectifs », et « un sentiment de déconsidération ». « La jeunesse est sacrifiée car le gouvernement refuse de mettre les moyens pour qu’on sorte de cette situation ! » lance-t-il également.
« On a l’impression que les étudiants sont mis de côté »
Un sentiment partagé par nombre d’étudiants présents dans le cortège, à l’image de Maël, 18 ans, étudiant en école d’ingénieurs. « Depuis le début de la crise, on a l’impression que les étudiants sont mis de côté. Je suis allé un mois et demi en cours depuis la rentrée, je viens de Charente-Maritime, ça m’empêche de créer des liens, et les cours derrière son ordinateur ne remplacent pas les cours en présentiel ! »
Un peu plus loin, Chloé, 18 ans également, est du même avis. « Je suis à Sciences-Po donc j’ai la chance de pouvoir aller en cours, mais je suis venue soutenir les étudiants. Ce n’est pas parce qu’on est étudiant, qu’on n’a pas droit à un traitement correct. Certains sont bloqués dans leur petit appart de 9 mètres carrés sans soutien familial, et maintenant sans soutien amical. On a l’impression d’être oubliés ! »
Cette impression de déclassement, le personnel éducatif non enseignant, à l’image des auxiliaires de vie scolaire ou des animateurs périscolaires, la connaît bien. C’est par exemple le cas de Gwendoline, animatrice dans un établissement scolaire de Cornebarrieu. « Je suis venue manifester pour que notre métier soit reconnu. Nous aussi on existe, on est là, mais nous sommes tout le temps oubliés ! Nous demandons la revalorisation de nos salaires, plus de moyens humains et matériels. On nous demande de faire plus avec très peu de moyens. »
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