La mobilisation du 13 janvier a contraint le gouvernement à négocier et à lâcher sur quelques revendications. Mais pour la plupart, le compte n’y est pas. Un nouvel appel intersyndical à la grève est lancé pour le jeudi 20 janvier.
Les vieilles leçons de stratégie militaire ne se démentent pas : faire retraite n’est jamais qu’un moyen de contre-attaquer. Ses lignes enfoncées par la déferlante du peuple de l’éducation mobilisé dans une unité jamais vue, le gouvernement a dû reculer et abandonner quelques positions le 13 janvier. Ce faisant, il a aussi réorganisé ses troupes et réussi à diviser l’adversaire. La preuve par l’intersyndicale qui, le lendemain, n’a pas réussi à s’accorder sur une stratégie commune.
Oui, la mobilisation de jeudi dernier était bien historique. D’abord par sa diversité : voir l’ensemble des syndicats et la totalité des métiers s’unir ainsi dans l’action, rejoints par les parents d’élèves, les lycéens, les étudiants… est probablement sans précédent. Par les chiffres aussi : 75 % de grévistes dans le primaire et 62 % dans le secondaire, selon la FSU (premier syndicat de la fonction publique), c’est énorme, même si ce n’est pas un record. Le ministère de l’Intérieur a compté quelque 77 500 manifestants dans toute la France, dont 8 200 à Paris. Des chiffres largement sous-estimés, comme d’habitude, mais qui parlent quand même, s’agissant d’une mobilisation catégorielle.
Le report en juin des épreuves de spécialités du bac en discussion
Première victoire : les organisations représentatives ont été longuement reçues, jeudi soir, pour une vraie négociation. Deuxième victoire : sous la houlette de Jean Castex, Jean-Michel Blanquer a dû céder sur certaines revendications. La plus importante : le recrutement pérenne, dans le premier degré, de « plusieurs cen taines de professeurs » sur les listes complémentaires – c’est-à-dire les candidats au concours qui avaient le niveau mais n’ont pas été recrutés. Le ministre a également annoncé l’embauche de 3 300 enseignants contractuels « jusqu’à la fin de l’année » (en fait le prolongement d’une partie des 6 000 embauches annoncées en décembre 2020), auxquels doivent venir s’ajouter 1 500 assistants d’éducation dans le secondaire, 1 500 « personnels d’appui administratif » pour les directeurs d’école, et enfin « 1 700 médiateurs de lutte anticoronavirus », dont la fonction exacte demande à être précisée.
Les masques chirurgicaux déjà promis devraient commencer à arriver dans les établissements cette semaine. Un lot de 5 millions de masques FFP2, plus protecteurs, doit être mis à disposition des enseignants de maternelle (où les élèves ne sont pas masqués) et des personnels reconnus vulnérables… à condition qu’ils les demandent. Le gouvernement a annoncé, sans chiffrage, qu’il abonderait le fonds de 20 millions destiné à aider les collectivités locales à équiper les établissements en détecteurs de CO2.
Autre enjeu capital : le report en juin des épreuves de spécialités du bac 2022 (prévues à partir du 14 mars), demandé par les syndicats du secondaire, sera discuté lors du conseil national de la vie lycéenne, mercredi 19 janvier. Les évaluations nationales de CP, elles, sont d’ores et déjà reportées. Le chat reste maigre : rien sur le protocole sanitaire, sur les purificateurs d’air, sur le bâti défaillant, sur les tests salivaires… Bref, tout ce qui pourrait rapprocher d’une école ouverte mais sécurisée, revendication essentielle des manifestants. Et du saupoudrage sur les embauches, les chiffres annoncés étant à rapporter aux 60 000 établissements scolaires en France.
La manœuvre semblait avoir partiellement réussi, l’intersyndicale réunie vendredi 14 janvier ayant acté un appel à poursuivre la mobilisation « selon des modalités diversifiées ». Mais finalement dimanche après-midi une intersyndicale légèrement réduite (les syndicats de la FSU, SUD Éducation, la CGT Éduc’Action, la Fnec-FP-FO, avec la FCPE et les syndicats lycéens FIDL, MNL et la Voix lycéenne) appelait à « poursuivre et à amplifier les mobilisations engagées et décidées par les personnels dès les prochains jours » et à une « nouvelle journée d’action le 20 janvier, y compris par la grève ». Un appel attendu par beaucoup, d’autant que les DHG (dotations horaires globales) commencent à arriver dans les collèges et lycées. Elles promettent pour la rentrée prochaine suppressions de postes, réduction de l’offre de spécialités, options et demi-groupes. La colère des personnels de l’éducation, des élèves et des parents n’est pas près de retomber.
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