Police. Anthony Caillé (CGT) : « Les policiers sont en quête de sens »

La suppression de la police de proximité, en 2003, par Nicolas Sarkozy a fait perdre des années de terrain aux agents, analyse Anthony Caillé, secrétaire national du syndicat de police CGT intérieur.

Anthony Caillé, secrétaire national du syndicat de police CGT intérieur. © Pierrick Villette

Anthony Caillé, secrétaire national du syndicat de police CGT intérieur. © Pierrick Villette

Comment les policiers ont-ils vécu la suppression de la police de proximité ?

Anthony Caillé La chose a été mal perçue par les policiers, dont certains s’étaient largement investis. Jusqu’à la fin des années 1970, les policiers en tenue faisaient partie intégrante du paysage. Ils étaient chargés de missions qui les mettaient fréquemment en présence de la population et créaient des liens entre police et administrés. Pourtant, certaines de ces tâches ont été au fil des années considérées comme indues (patrouilles d’îlotage, sorties d’école, police des marchés, police-secours, etc.).

Quels dégâts cela a-t-il provoqués au sein de la police ?

Anthony Caillé Le service public de police s’est alors vu orienté vers une activité répressive. Les policiers en tenue, connus de tous, ont été remplacés par des policiers tantôt en civil tantôt en tenue, visant à « faire du crâne », c’est-à-dire à faire des interpellations, pour satisfaire la boulimie statistique du ministre de l’Intérieur. Et les policiers, pour se faire respecter, dégainent en absence d’infraction flagrante l’arme ultime : les contrôles d’identité, qui se sont alors multipliés, souvent sans utilité puisque les identités sont déjà connues. Mais cela place le policier, faute de relations préalables avec la population, dans un rôle de fonctionnaire d’autorité. Ces contrôles contribuent beaucoup à approfondir le fossé qui existe entre population et police.

Aujourd’hui, les agents sont-ils favorables au retour de cette forme de police ?

Anthony Caillé Certains fonctionnaires seraient désireux de voir renaître une police de proximité, plus appropriée qu’une « police du quotidien » sans véritable sens. Cela supposerait une police proche du citoyen, au service des populations et répondant aux besoins. Il est évident qu’au regard de la situation actuelle, cela nécessitera de la patience pour reconquérir la confiance et supposera la création d’un service de police de proximité disposant de sa propre organisation, nettement séparée des polices chargées de la répression et, bien sûr, de celles chargées du maintien de l’ordre. Un renouveau du renseignement judiciaire, lié à une remise sur pied d’une police judiciaire digne de ce nom, permettrait alors de revenir à la prévention, tout en assurant le traitement des infractions les plus graves.

Au-delà de la police de proximité, quelles sont les mesures à mettre en place pour retrouver confiance en la police ?

Anthony Caillé La police a perdu la confiance des gens parce que, depuis trop longtemps, elle est utilisée par les pouvoirs successifs comme une arme politique. Instrumentalisée dans le maintien de l’ordre et la répression, elle apparaît surtout comme le bras armé du pouvoir, et non plus comme un régulateur de l’ordre social. Pour rétablir la confiance, il faut remettre en place cette police de prévention, proche des gens, en contact permanent avec eux et avec les acteurs sociaux et économiques, créant les conditions de relations de confiance avec tous les citoyens. Plus largement, il faut repenser complètement la structure de la police nationale, en différenciant bien les missions de police de prévention (police de proximité), police de maintien de l’ordre, police d’investigation (police judiciaire), services locaux de police générale (commissariats locaux). C’est ce type de réflexion qui devrait guider le raisonnement de l’actuel Beauvau de la sécurité, mais ça n’en prend pas le chemin.


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