illustration : Biden et Zelensky, en novembre 2021
Ce texte australien (d’une auteure Caitlin Johnstone) auquel nous souscrivons par ailleurs dans son incitation à la paix ne souligne pas assez à quel point le verrou de la frappe nucléaire préventive n’existe pas pour les USA : l’idée que la doctrine des USA serait celle du refus de l’attaque préventive nucléaire est erronée. Premièrement les Etats-Unis ont prouvé – et ce sont les seuls à l’avoir fait – que non seulement ils pouvaient recourir à l’attaque nucléaire et ils l’ont fait au Japon déjà en reddition pour empêcher l’avancée des troupes de Staline et l’avancée des communistes en Chine et dans tout l’extrême-orient, pas parce que les Etats-Unis étaient menacés. Deuxièmement, ils ne cessent de prouver l’extraterritorialité de leur conception de la défense de leur territoire y compris dans les épisodes récents de la pseudo lutte contre le terrorisme. Troisièmement, c’est Bush junior qui a théorisé la guerre préventive (1) dans son discours de West point et dès ce moment a fait planer la menace avec des sous-marins et des porte-avions nucléarisés ou comme aujourd’hui en Australie en équipant de l’arme nucléaire ses “alliés”, ce qui est le cas en Ukraine avec également les laboratoires d’armes biologiques (2). Les plus hautes instances de l’Etat américain sont mêlées à ces installations et en affirmant cela personne ne cède à un quelconque complotisme, ce sont des faits reconnus y compris par la presse des Etats-Unis. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Jean-Luc Picker pour histoireetsociete)
Publié dans Consortium News le 2 octobre 2022 par Caitlin Johnstone CaitlinJohnstone.com
Aussi longtemps que ceux qui ont provoqué cette guerre refuseront de reconnaître ce fait, le chemin de la sagesse vers la désescalade sera compris comme une tentative de compromis dangereuse et ceux qui nous conduisent vers la destruction nucléaire seront vus comme des sages.
La fable d’une guerre ‘non provoquée’ fait obstacle à la paix.
Vladimir Poutine a donc approuvé l’annexion de quatre régions d’Ukraine de l’Est, leur intégration dans la Fédération de Russie n’attendant plus que la validation par les autres branches du pouvoir.
En réponse, le gouvernement de Zelensky a fait une demande d’adhésion accélérée à l’OTAN, immédiatement récusée par les Etats-Unis et les dirigeants de l’Alliance. Après tout, il n’est guère convenable que des pions échappent au sacrifice programmé et se hissent au-dessus de leur rang sur le grand échiquier.
En attendant, la guerre par procuration contre la Russie continue, et le gouvernement ukrainien affirme unilatéralement son but : repousser les troupes russes hors de tous les territoires ukrainiens.
Mykhailo Podolyak a récemment affirmé à Politico que « [l’annexion par la Russie] ne change rien à nos plans ». Il ajoute que l’Ukraine « défendra ses terres par toutes ses forces » et « libérera tous ses territoires ». Le plan, selon Zelensky, comprend aussi la récupération de la Crimée, annexée en 2014.
Toutes ces déclarations au sujet d’une contre-offensive massive en préparation avec le soutien de l’Occident – et la mobilisation de 300.000 réservistes supplémentaires – pour reconquérir les territoires annexés par la Russie sont à entendre dans le cadre de la déclaration de Poutine suggérant que l’arme atomique pourrait être utilisée pour défendre ce que la Russie considère comme son territoire. La Russie, comme les Etats-Unis, est un des pays possédant la bombe atomique qui réfutent le principe de ‘ne pas l’utiliser en premier’.
Il semble donc que nous nous dirigions tout droit vers une escalade massive de la confrontation entre les deux grandes puissances nucléaires. Plus l’escalade se poursuit, et plus l’utilisation d’une arme atomique devient vraisemblable, soit de façon délibérée, soit en résultat d’une erreur de communication ou autre, comme cela a failli se produire à plusieurs reprises durant la guerre froide.
Si une bombe atomique est lâchée, il devient immédiatement infiniment plus probable que d’autres soient lancées dans la foulée, les seuls facteurs limitants étant l’endroit de la première détonation, et le sang-froid des décideurs dans un tel moment historique.
Sans céder à la panique, il devient évident que l’humanité entière a un intérêt capital à désescalader la situation au plus vite. Éviter une guerre nucléaire est une obligation, la plus importante dans le monde entier, sans exception. C’est en fait l’obligation la plus importante de toute notre histoire.
Pourtant, si vous essayez de parler de cette obligation suprême, dans quelque forum public que ce soit, vous vous attirerez immédiatement une réponse cinglante d’une batterie d’automates au service de l’empire vous accusant de chercher à apaiser le monstre absolu. Leur réponse est la seule pour laquelle ils aient été formés. Comme le répète Noam Chomsky, la classe politico-médiatique a depuis longtemps endoctriné le public avec la fable entièrement fausse d’une invasion de l’Ukraine ‘non provoquée’.
A chaque occasion où la guerre est évoquée, les faiseurs d’opinions de l’empire se doivent de lui accoler ce slogan de ‘guerre non provoquée’. Un peu comme les présentateurs télé ne pouvaient pas citer le nom de Michael Jackson sans lui ajouter le titre de ‘roi de la pop’.
Mais que signifie exactement le terme de ‘non provoquée’ ? Il exprime que Poutine n’a pas envahi l’Ukraine à cause de quelqu’action que ce soit de la part de l’empire occidental et qu’il était donc impossible à cet empire de prévenir cette invasion par exemple en faisant preuve de moins d’agressivité à ses frontières.
Le corolaire, bien sûr, est que l’invasion n’a pu prendre place que de par la décision d’un esprit démoniaque ou lunatique, attiré par le sang et les crimes de guerre, ou celle d’un tyran décidé à conquérir le monde parce qu’il hait la liberté et la démocratie. Et donc, bien sûr, que le fou ou le tyran en question n’a d’autre idée que d’envahir et de détruire d’autres pays, sauf si on peut l’arrêter à temps. Et donc, bien sûr, qu’il n’y a d’autres réponse aux décisions de Poutine que la guerre à outrance.
On comprend mieux pourquoi les défenseurs de l’empire se mettent en colère contre ceux qui pensent que la seule attitude rationnelle et sensée contre le danger imminent d’une dévastatrice guerre nucléaire est le chemin de la désescalade et de la détente.
Aujourd’hui, le narratif infantilisant selon lequel l’invasion de l’Ukraine est ‘non provoquée’ constitue l’obstacle majeur à la paix. Il est clair que si c’est la folie démoniaque de Poutine qui le conduit à attaquer et envahir des pays au hasard, la détente est impossible et il ne peut être arrêté que s’il est définitivement écrasé. Si l’on accepte que l’empire US n’a d’aucune façon provoqué les décisions prises par Poutine, il devient évident que la seule chose que l’empire puisse faire pour diminuer le risque d’une nouvelle agression par la Russie est de changer le régime, ou au minimum de paralyser et de châtier la Russie militairement.
Aussi longtemps que ceux qui ont provoqué cette guerre refuseront de reconnaître ce fait, le chemin de la sagesse vers la désescalade sera compris comme une tentative de compromis dangereuse et ceux qui nous conduisent vers la destruction nucléaire seront vus comme des sages.
La position absurde selon laquelle Poutine est un acteur irrationnel avec une manie bizarre, presque sexuelle, pour les crimes de guerre est le plus sûr moyen de provoquer une escalade sans fin de la guerre jusqu’à l’annihilation globale. Sur ces bases, il n’y a pas d’autres chemin que l’intensification de la confrontation militaire. Pourtant, prétendre que la paix est impossible et que Poutine doit être écrasé met le monde entier en danger. Même si le but est limité à obtenir la victoire totale en Ukraine (en repoussant la Russie dans ses frontières de 2014), il est probable qu’il coûtera des millions de morts et des trillions de dollars, sans pour autant éviter le risque exponentiel de guerre nucléaire, et sans avoir réglé le problème. Car, même si Poutine est entièrement repoussé hors d’Ukraine, il restera un fou diabolique en mal d’envahir d’autres pays. La logique interne de ce narratif est que nous devons continuer à attaquer la Russie jusqu’à ce que nous obtenions un changement de régime. Il n’y a pas de place pour la réflexion sur ce que signifie une confrontation militaire entre superpuissances nucléaires.
Il est temps de nous montrer adultes et de faire preuve d’esprit critique !
Est-ce que le scénario du fou diabolique déterminé à envahir pays après pays poussé seulement par sa haine de la liberté nous apparaît vraisemblable ? Ne serait-il pas plus à sa place dans un film d’Hollywood ? Pourrait-il être fabriqué ? Par exemple par des individus dont c’est le rôle de créer et de contrôler les narratifs dominants dans les médias et la société et de s’assurer qu’ils sont relayés jusque dans nos cerveaux par les médias et les réseaux sociaux?
Même les super-vilains des films de Marvel ont plus de profondeur et sont plus complexes que le caractère en deux dimensions standard sous lequel l’empire représente ses ennemis. Thanos était un caractère autrement plus crédible fait de motivations nuancées et autrement plus plausibles que la fiction créée pour Poutine par la machine de propagande.
Malheureusement, cette fiction colle maintenant à tous les dirigeants du gouvernement actuel, avec lequel nous pouvons bien sûr ne pas être d’accord, mais que nous pouvons comprendre, et avec lequel nous pouvons – et nous devons – négocier.
En adhérant au narratif officiel de l’empire pour décrire ses ennemis, nous faisons preuve de moins de capacités critiques que le spectateur d’un film de Marvel. Devenons adultes, réfléchissons !! Il y a des gens qui bénéficient de ce narratif agressif qui nous force à penser que la guerre est la seule solution, mais nous n’en faisons pas partie.
Notes de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete
(1) 1er juin 2002. Le fond en est que les Etats-Unis avec le 11 septembre ont subi une attaque de guerre avec un ennemi non identifié donc ils sont en guerre et peuvent donc désormais à tout moments et partout dans le monde frapper sans avoir à se justifier. Jamais depuis cette adhésion à l’état de guerre permanent qui justifie n’importe quel acte des Etats-Unis n’a été remise en cause, pire encore nous sommes passés de la lutte contre le terrorisme avec ses pseudos dictateurs complices provoquant l’intervention au nom des droits de l’homme à la défense pure et simple de la domination mondiale occidentale comme représentant l’excellence en matière de civilisation.
(1) il faut signaler que le 19 janvier 2006, la France de Jacques Chirac change de doctrine de la dissuasion nucléaire dans le fameux discours de Brest : on passe des ogives défensives sur le territoire français du gaullisme à la mobilité des sous-marins et des porte-avions nucléarisés avec de petites charges le tout en élargissant à la planète la défense des intérêts français.
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