Bande dessinée Poétesse des formes, Marion Fayolle croque des personnages, abrités provisoirement par sa Maison nue. Ses mots touchent. Ses images parlent.
«Quand j’entends les mots, je vois des dessins. » Les images de Marion Fayolle nous parlent. Sa ligne est claire, ses métaphores limpides, sa poésie émouvante. Au cœur de sa Maison nue , trois personnages en déconstruction sont abrités, un temps, sous une habitation vouée à la démolition. Un premier colocataire retourne chaque jour vers celle qui le quitte chaque nuit. Un autre refuse de regarder à l’extérieur et se mure, « malade que le monde soit malade ». La troisième habitante est une cavalière farouche, qui aime les mauvais chevaux, et s’ennuie vite. Elle-même ne se laisse pas découvrir. Chaque nouvel amant échoue à la mettre à nu, tant elle est recouverte de mille couches protectrices. Au cœur de ces trois solitudes, une amie voisine et empathique, mère à l’enfant, les visite régulièrement et les console. L’autrice aux pinceaux la décrit comme « un détecteur à chagrin, à la même fragilité que les autres mais qui s’oriente autrement ». Progressivement, leur coexistence les transforme et les ouvre au monde.
« aller plus loin dans le langage en dessinant »
« L’injonction au bonheur est trop forte dans notre société. Comme si le but de la vie était d’aller bien. Mes personnages sont écorchés, percés. Et ils n’essaient pas de guérir. Ils sont singuliers, intéressants. Être vivant, ce n’est pas figé, ni crystalisé. » Dix ans après sa première œuvre, l’Homme en pièces, Marion Fayolle, également prix spécial du jury d’Angoulême en 2018 avec les Amours suspendues, nous ouvre ici une nouvelle porte pour accéder à son univers imagé. S’inspirant des mouvements de trois danseurs (deux professionnels du Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis, et son copain, novice), la dessinatrice s’est amusée à composer des saynètes récurrentes, avec ses trois personnages recouverts de briques. « J’ai utilisé les danseurs comme une bibliothèque de mouvements. Je voulais écrire par le geste. J’ai cherché à dévier mon histoire par leurs mouvements. » Chaque personnage était ensuite reconstitué à partir des trois corps distincts, piochant l’attitude de l’un, le déhanchement de l’autre. Comme différentes réponses à une même situation.
Si Marion Fayolle arrive à « aller plus loin dans le langage en dessinant », l’absence de son dans la bande dessinée commence à la titiller. Elle rechigne à distinguer par le dialogue ses personnages sur le papier. Tous ont la même voix : la sienne. Par ricochet, on les retrouve souvent de livre en livre, sans réelle individualité. Au printemps, l’autrice avait publié Postillons, comme ces mots qui sortent de notre bouche nous échappent. Un recueil de poèmes oscillant entre le haïku et la pique humoristique. D’autres voix n’y résonnaient pas encore. Pourtant, son univers graphique regorge de clins d’œil au théâtre, dans l’élaboration de son cadre, sa continuelle mise à distance. Ce samedi 19 novembre, à la Maison de la poésie à Paris (1), rien d’étonnant à ce que l’écrivaine-dessinatrice-lectrice tente une nouvelle approche, par les planches, en mêlant lecture, dessins et incarnation avec le comédien Louis Zampa.
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