Le sexisme, toujours plus ancré dans la société

Discriminations Dans son rapport annuel, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes insiste sur la persistance des stéréotypes dégradants et des violences. Il souligne également l’ampleur du phénomène chez les plus jeunes.

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L’impression de vivre dans une société que #MeToo a fait avancer dans le sens d’une plus grande égalité entre les sexes est trompeuse. « La situation est alarmante », souligne au contraire le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui a publié ce lundi son rapport annuel. « Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, il perdure et ses manifestations les plus violentes s’aggravent », constate cette instance, en se basant sur un baromètre réalisé auprès de 2 500 personnes. Alors que 93 % des Français reconnaissent l’existence d’une inégalité de traitement, les stéréotypes réducteurs et dégradants qui la nourrissent ne sont, eux, pas remis en cause.

La société française « demeure très sexiste dans toutes ses sphères », observe ainsi le HCE : 80 % des femmes estiment avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe ; 23 % ont observé un écart de salaire avec un homme à poste égal ; 57 % disent avoir déjà subi des blagues ou remarques sexistes et 41 % constatent un déséquilibre dans la répartition des tâches ménagères. Cette dévalorisation a de lourdes conséquences dans la sphère intime : 37 % des femmes ont subi un rapport sexuel non consenti et 15 % des violences de la part de leur conjoint. Cet état de fait impacte aussi l’ensemble des relations sociales et professionnelles, puisque 9 femmes sur 10 disent avoir adopté des stratégies d’évitement pour ne pas subir de remarques ou d’agressions sexistes. 52 % veillent à ne pas parler trop fort et à ne pas hausser le ton et 40 % se censurent par crainte de la réaction des hommes. Elles sont aussi 44 % à ne pas avoir osé demander une augmentation et 15 % à avoir renoncé à une orientation par crainte de ne pas trouver leur place dans un milieu masculin.

À force, les femmes semblent avoir intériorisé les injonctions d’un système patriarcal qui les cantonnent à un rôle inférieur. Elles ne sont ainsi que 49 % à considérer comme problématique qu’une femme cuisine tous les jours. 50 % d’entre elles pensent aussi que les femmes sont plus douces que les hommes et 20 % jugent que ces derniers ont davantage le sens de l’orientation. Mais la banalisation du sexisme ordinaire est surtout notable chez les hommes. Dans leur grande majorité, ils minimisent l’existence d’une inégalité. 67 % trouvent que le fait qu’un employeur embauche un homme plutôt qu’une femme à compétence égale n’est pas un problème et 40 % jugent normal qu’une femme cesse de travailler pour s’occuper des enfants. D’une façon générale, « les hommes interrogés peinent à se sentir concernés et n’engagent pas leur responsabilité personnelle », note le rapport. Seuls 12 % admettent avoir insisté pour un rapport non consenti et 73 % d’entre eux – contre 90 % des femmes – trouvent cette attitude problématique. Une partie d’entre eux inverse même les rôles, et fait porter aux femmes la responsabilité des attitudes sexistes. Ils sont encore 16 % à estimer qu’une femme agressée sexuellement est en partie responsable et 23 % considèrent qu’on en fait trop sur ces agressions.

La nécessité de faire évoluer les mentalités commence par l’école

Phénomène nouveau, beaucoup d’hommes se présentent comme victimes des féministes, 4 individus sur 10 pensant même qu’on « s’acharne sur eux ». « Cinq ans après #MeToo, une partie des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l’agressivité, et peut trouver une voix d’expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes », regrette le HCE. On assiste à un retour de bâton alimenté par la présence massive de discours masculinistes en ligne, puisque 33 % des hommes pensent que le féminisme menace leur place dans la société. « Cette vision est alimentée par les réseaux sociaux. Cela parle beaucoup aux jeunes qui veulent garder leurs privilèges. Ils nous attaquent en disant que nous voulons inverser les rôles et prendre le pouvoir, alors que nous voulons juste rééquilibrer la situation et obtenir l’égalité », réagit Fabienne El Khoury, porte-parole d’Osez le féminisme !

Cette chosification des femmes est encore plus forte chez les hommes de 15-34 ans : 23 % estiment qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, contre 11 % en moyenne, et seulement 48 % considèrent que l’image des femmes dans la pornographie est problématique, contre 79 % des hommes de 65 ans et plus. Évoquant une « pénétration plus importante des clichés masculinistes » dans cette génération, le HCE alerte sur la banalisation de la pornographie, qui véhicule une image dégradante des femmes et légitime les violences à leur encontre. Parmi les dix recommandations émises par le HCE, un grand nombre porte sur la nécessité de faire évoluer les mentalités, en commençant par l’école. « L’éducation est un des leviers les plus importants pour combattre le sexisme, estime aussi Fabienne El Khoury. Mais chaque fois que nous proposons quelque chose, nous nous heurtons à des résistances de la part du gouvernement, du ministère de l’Éducation nationale… »


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