Malgré une ultime condamnation de l’ONU, l’Assemblée nationale a adopté, mardi 4 avril, la loi Kasbarian, qui criminalise les locataires et ceux qui se réfugient dans un local vide.
Pendant la bataille contre la réforme des retraites, la chasse aux pauvres continue. Malgré l’opposition généralisée des associations de défense des locataires et des mal-logés, la levée de boucliers des instances consultatives des droits de l’homme, les députés macronistes et leurs alliés de droite et du Rassemblement national, ont adopté, avec 385 voix pour et 147 contre, mardi 4 avril, la loi dite Kasbarian, du nom de son rapporteur, le député Renaissance d’Eure-et-Loir.
Sous prétexte de lutte contre les occupations illicites, qui pouvaient déjà faire l’objet d’une expulsion rapide et sans recours au juge, ce nouveau texte va criminaliser les locataires en difficulté de paiement, tout comme les personnes à la rue qui se réfugient dans un local inhabité.
Les députés ont même ignoré les alertes des Nations unies
Les députés ont même ignoré les alertes des Nations unies. Dans un courrier daté du 30 mars, le rapporteur spécial sur le logement convenable de l’organisation, Balakrishnan Rajagopal, et celui sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, Olivier De Schutter, ont alerté les députés sur les risques que cette loi ne débouche « sur une violation par la France de ses engagements internationaux ». Ils leur ont aussi rappelé qu’ « en aucun cas une expulsion devrait conduire une personne à se retrouver sans logement ».
Parmi les cinq points d’inquiétude soulevés, figurent notamment les sanctions alourdies contre les mal-logés. Avec la loi, les occupations illégales pourront aboutir à trois ans de prison et 30 000 euros d’amende. Les locataires qui se maintiendraient dans un logement après résiliation du bail par la justice seraient passibles de 7 500 euros d’amende.
Ces modifications sont contradictoires, estiment les rapporteurs des Nations unies, avec le fait que « les politiques et la législation ne devraient pas être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés au détriment des autres couches sociales ». Au minimum, ils demandent « une étude d’impact approfondie » pour mesurer celui de tels changements « susceptibles d’affecter plusieurs personnes particulièrement vulnérables ».
Autre sujet d’inquiétude pour l’ONU, l’affaiblissement des possibilités de recours juridique, dont bénéficiaient jusque-là les locataires endettés et mal logés. Raccourcir les procédures, comme le propose le texte, « augmente notablement les risques d’expulsion ». Cela conduira à réduire « les possibilités que ces locataires auront de rembourser leurs dettes », mais aussi, leurs chances « de trouver des solutions de relogement alternatives ».
Depuis 2017, la majorité présidentielle a ponctionné les finances du secteur du logement
Quant à l’extension à toutes les occupations illégales de la procédure permettant d’expulser rapidement, sans qu’aucun recours devant le juge ne soit possible, elle est, elle aussi, contradictoire avec les engagements de la France.
Les rapporteurs rappellent que « les lois nationales régissant les expulsions doivent être conformes aux normes relatives aux droits de l’homme » et que « l’accès à la justice doit être assuré tout au long de la procédure ». À cet égard, ils mettent aussi en garde contre un autre aspect du texte, qui ôte au juge le pouvoir de décider de lui-même une suspension d’un arrêt d’expulsion, s’il estime que cela est nécessaire pour protéger une famille en grande difficulté.
Voir aussi : Une fin de trêve hivernale à haut risque
Cet acharnement des députés à adopter un texte qui met à mal le droit au logement contraste avec l’enthousiasme avec lequel la majorité présidentielle a, depuis 2017, ponctionné les finances du secteur du logement. Il semble d’autant plus incompréhensible que les ménages les plus pauvres, déjà les plus impactés par la crise sanitaire, sont aujourd’hui confrontés à une forte inflation.
Les seuls gagnants sont les propriétaires
Comme l’a résumé le sénateur communiste Stéphane Peu lors des débats : « Vous avez un bilan catastrophique en matière de politique du logement. Jamais notre pays n’a aussi peu construit. La crise du logement ne cesse d’augmenter, tout comme la part du logement dans le budget des ménages. Et vous, plutôt que d’essayer d’apporter une réponse à cette situation, vous arrivez avec une proposition de loi qui prétend lutter contre le squat mais qui, en définitive, est une loi contre les personnes en difficulté de paiement de loyers. »
Les seuls gagnants seront les propriétaires. Mais qui sont-ils ? Dans l’Hémicycle, les députés de droite, toutes tendances confondues, n’ont cessé de mettre en avant la défense du petit propriétaire retraité, dépendant de ses loyers pour survivre et subissant la mauvaise foi des squatteurs.
Mais cette image est bien loin d’être représentative de l’ensemble de la propriété immobilière en France, de plus en plus concentrée dans les mains de quelques-uns. Selon une récente étude de l’Insee, la moitié des logements en location ne sont détenus que par 3,5 % des ménages.
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