Eddie Jacquemart, combattant des HLM

Le président de la Confédération nationale du logement publie une biographie, à la fois déclaration d’amour au logement social et appel à la mobilisation de ses locataires.

«Se mobiliser devient compliqué. Les gens ont du mal à se rendre compte qu’en se battant pour le collectif, on se bat aussi pour soi-même.» ©

 

Derrière le rire facile et l’aspect bonhomme, Eddie Jacquemart cache la pugnacité d’un militant opiniâtre du logement social. À presque 59 ans, celui qui est devenu en 2013 président de la Confédération nationale du logement (CNL), une des principales associations de défense des locataires, n’a pas l’intention de baisser les armes. Fils d’HLM, le livre qu’il vient de publier aux éditions Arcane 17, il l’a conçu à la fois comme un moyen de rendre lisibles les batailles politiques autour du logement et comme une ode aux HLM. «J’ai décidé de l’écrire parce que, à un moment où le logement social est très stigmatisé, il fallait rappeler qu’il n’est pas qu’un problème, mais aussi une solution.»

Un refuge face à la violence du père

Cette conviction, il l’a tirée aussi de sa propre expérience, qu’il raconte dans son livre. Lui, qui se décrit comme «un gosse de pauvre, (qui sait) ce que sont les fins de mois», a été doublement sauvé par l’accès, avec sa mère, à un appartement du parc social, quand il était enfant. «Cela m’a permis d’avoir ma chambre à moi pour la première fois de ma vie, se souvient-il. Sans ça, il aurait été compliqué de poursuivre mes études d’expert-comptable. Pour moi, ce fut un outil d’ascension sociale.» Même s’il reste pudique sur le sujet, ce logement HLM leur a offert un refuge face à la violence du père. «Il nous a apporté une protection physique et psychologique», confie-t-il.

Chez les Jacquemart, tout le monde est communiste

De son enfance lui vient aussi le goût du militantisme. Parents, grands-parents… tout le monde chez les Jacquemart est communiste. Même si on parlait peu de politique, «il y avait un contexte. On était baignés dans ce monde ouvrier». Petit, il voit sa mère trimer dans des boulots subalternes et mal payés. Quand il a environ 12 ans, elle sera la seule femme de ménage à rejoindre la grève aux Nouvelle Galeries, le grand magasin chic de Dunkerque où elle est employée. Trois semaines difficiles, sans revenus, durant lesquelles la famille se serre la ceinture, mais qui l’ont marqué à vie. «J’allais sur les piquets avec elle. Je voyais la déléguée syndicale revenir des négociations pour expliquer ce qui s’était dit. C’est un événement déterminant», analyse-t-il aujourd’hui.

Le souvenir d’un immense bonheur

Cette fibre, Eddie Jacquemart l’a toujours gardée. Quand la porte du garage du HLM où il s’était installé en quittant le noyau familial tombe en panne, c’est tout naturellement qu’il lance une pétition auprès des locataires. Et c’est en réaction à l’immobilisme de son bailleur qu’il décide, au milieu des années 1990, d’adhérer à la CNL, après avoir pris quelques années plus tôt sa carte au PCF. De ces premières années de lutte, qui le voient monter en grade au sein de l’organisation, jusqu’à devenir responsable de la fédération du Nord, il garde le souvenir d’un immense bonheur. «J’ai noué de vraies amitiés à cette époque, grâce à la lutte. J’ai rencontré des gens passionnés et d’un dévouement incroyable. On faisait des petites fêtes, des arbres de Noël pour la résidence. Militer, ce n’est pas que des contraintes, c’est aussi du plaisir. Et on a eu des résultats. Des petites victoires du quotidien qui font avancer les choses», raconte-t-il avec un brin de nostalgie.

«Se mobiliser devient compliqué»

Car, cette envie de se battre pour ses droits, il la voit s’estomper avec inquiétude. «Se mobiliser devient compliqué, constate-t-il. Les gens ont peur, même pour signer une pétition. Et certains vivent des situations tellement difficiles qu’ils ont du mal à se rendre compte qu’en se battant pour le collectif, on se bat aussi pour soi-même.» Face au vieillissement des militants, la CNL s’est d’ailleurs dotée d’une aile plus jeune, pour redynamiser la lutte. Mais la désaffection qu’il constate reste profonde: «On observe un recul militant. Les gens ont été déçus par certains gouvernements, et se disent que la mobilisation ne sert à rien», déplore le président de la CNL.

«L’indécente» loi anti-squats

Il n’y a pourtant jamais eu autant de raisons de se battre pour le logement social. «Depuis des années, on assiste à un détricotage du secteur», relève Eddie Jacquemart. Mais avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, cette attaque en règle s’est accélérée. Et les conséquences sont déjà palpables: baisse de la construction alors que jamais autant de Français n’ont demandé une place en HLM, dégradation de l’entretien, difficile financement de la rénovation… Et les choses devraient encore empirer avec «l’indécente» loi anti-squats en discussion qui «considère le locataire comme un criminel» et entérine «le triomphe du droit de propriété sur le droit au logement!» s’emporte-t-il.

«À un moment, il faut que les gens se bougent»

Face à toutes ces régressions, le président de la CNL a pensé son livre comme un outil d’éducation populaire. Derrière le récit de vie, c’est toute la complexité des lois sur le logement qui est détaillée et rendue lisible. Aux locataires de s’en saisir. Comme le résume Eddie Jacquemart: «À un moment, il faut que les gens se bougent. Il n’y a que la base qui fera avancer les choses.»

Fils d’HLM, d’Eddie Jacquemart, éditions Arcane 17, 150 pages, 13 euros.

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