Sébastien Menesplier : « Cette convocation est vécue comme une attaque contre tous les militants CGT »

Alors que se met en place la réforme des retraites, une vague sans précédent de procédures disciplinaires, policières ou judiciaires, s’abat sur des salariés et militants syndicaux ayant pris une part active aux grèves contre le recul de l’âge légal à 64 ans. Parmi eux, Sébastien Menesplier, convoqué ce mercredi à la gendarmerie. Pour le secrétaire général de la fédération mines et énergies de la CGT, il s’agit d’attaques « politiques ».

Le secrétaire général de la Fédération nationale mines-énergie CGT, Sébastien Menesplier (à droite), est convoqué le mercredi 6 septembre à la Gendarmerie de Montmorency (Val-d’Oise).© Pierrick Villette/ABACAPRESS.COM

Cinq jours seulement après l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, Sébastien Menesplier, secrétaire général de la fédération CGT des mines et de l’énergie (FNME-CGT), membre du bureau confédéral de la CGT, est convoqué à la gendarmerie pour répondre d’une coupure de courant effectuée à Annonay (Ardèche), en mars, alors que l’exécutif imposait en force le recul de l’âge légal de départ de 62 ans à 64 ans. Cette convocation donne un ton particulier à la rentrée sociale.

En même temps que le gouvernement se presse de faire oublier le mouvement social historique du premier semestre en annonçant une conférence sociale, finalement réduite comme une peau de chagrin, sur les salaires, une vague de procédures disciplinaires assorties de convocations policières et judiciaires s’abat sur des salariés ayant participé aux grèves. Des procédures le plus souvent à l’initiative ou sous dénonciation d’entreprises publiques, notamment dans l’énergie.

Face à cette répression antisyndicale, la solidarité s’organise. Un rassemblement est prévu mercredi, dès 8 h 30, devant la gendarmerie de Montmorency (Val-d’Oise), où le représentant de la FNME-CGT doit être entendu. À Bruxelles, des syndicats européens apporteront leur soutien à leurs homologues français. L’Humanité y contribue, à sa manière, en donnant la voix, à travers Sébastien Menesplier, aux près de 1 000 militants et dirigeants syndicaux inquiétés à la suite du mouvement social du début d’année.

Vous êtes attendu, mercredi 6 septembre, à la gendarmerie de Montmorency. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Positif, même si recevoir une convocation policière ou judiciaire est toujours un problème. Mais nous considérons que les actions entreprises par la FNME et ses syndicats l’ont été en faveur de l’intérêt général et pour la nouvelle génération des agents des industries électriques et gazières (IEG), embauchés depuis le 1er septembre sans pouvoir bénéficier du régime pionnier de la branche.

Notre bataille fut juste, d’autant que cette réforme des retraites n’a jamais été acceptée par le monde du travail. Je ne m’attends pas à un simple entretien de cinq minutes, vu les éléments qui sont inscrits dans la convocation. Ce sera une audition libre. Mais certaines se transforment en garde à vue. Je me prépare à toutes les possibilités.

À ce stade, quelles sont les raisons de votre convocation ?

Je serai entendu à la demande du procureur de la République de Privas, à la suite de l’ouverture d’une procédure à la communauté de brigades d’Annonay. Je ne sais pas qui a déposé cette plainte, mais tout indique qu’elle émanerait d’Enedis. C’est en tant que personne morale que je suis convoqué à la gendarmerie. La plainte ne fait pas référence à mes mandats syndicaux. Toutefois, il est évident que je suis entendu parce que je suis secrétaire général de la FNME-CGT, mais aussi car je suis dirigeant de la confédération CGT. Toute l’organisation est visée.

Pourtant, nous ne sommes ni des terroristes ni des voyous, mais des agents du service public. Nous maîtrisons nos outils de production. Mon cas est vécu comme une attaque à l’encontre de tous les militants CGT et des agents des IEG. C’est une attaque politique. Mais au-delà de mon simple cas, plus de 400 plaintes ont été déposées dans la branche professionnelle des IEG, à la suite de ce mouvement social. Des poursuites sont souvent engagées. Elles sont inacceptables.

Le lieu de cette enquête, fief du ministre du Travail, Olivier Dussopt, coïncide avec celui où a eu lieu une coupure de courant le 7 mars…

Si je dois être entendu pour cette mise en sobriété électrique, comme toutes les autres actions depuis le mois de janvier, je préciserai que celle-ci est issue d’un débat et d’un vote démocratique de la part des agents en assemblée générale sur les piquets de grève. Nous assumons ces actions et nous les revendiquons. Elles ne sont pas que symboliques. Nous entendons dénoncer la politique énergétique menée dans notre pays à l’encontre du service public.

Mettre en gratuité énergétique des écoles, des piscines, des bibliothèques, des mairies, des cantines scolaires, est un dû. Il n’est pas normal d’appliquer des tarifs aussi élevés, alors que la France dispose de sa souveraineté énergétique. La libéralisation du secteur conduit à ne plus protéger les Français.

Sur le même thème

Alors que le mégawattheure s’échange aujourd’hui à plus de 470 euros, l’énergéticien français est obligé de fournir à ses concurrents une électricité à 42 euros du MWh. © Laurent Grandguillot / REA 40 ans de néolibéralisme en France. Énergie, la spéculation pleins gaz (5/5)

Je n’ai aucun regret et j’assumerai toujours les actions des électriciens et gaziers. Je suis secrétaire général d’une Fédération qui a été la pointe dans la contestation sociale contre la réforme des retraites, mais aussi sur les salaires fin 2022, quand nous avons lutté pour obtenir une augmentation pérenne de 200 euros brut mensuels dans les IEG. La CGT, par ses luttes et sa capacité à organiser les travailleurs, dérange. La FNME, tout autant. Nous en avons conscience.

Près de 1 000 militants ou dirigeants de la CGT sont inquiétés. Sommes-nous dans une criminalisation des droits syndicaux ?

Oui, cette criminalisation s’organise et ce décompte de 1 000 cégétistes inquiétés n’est qu’un début. Il est manifeste que la CGT est visée. L’exécutif est froissé par notre capacité à contester ses choix en matière de politique énergétique. Nous sommes un point de résistance face au rouleau compresseur néolibéral. Nous avons un vrai problème démocratique en France.

Sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron et son gouvernement n’ont tenu compte ni du Parlement ni des syndicats, ni du rejet par les citoyens. Ils sont passés en force avec l’utilisation du 49.3. Je ne sais pas comment cela va se terminer. Mais la fracture démocratique s’est aggravée coup sur coup avec le mouvement des gilets jaunes et la contestation de la réforme des retraites à 64 ans. Les élus du RN s’en frottent les mains. Un danger guette la France !

Vous êtes secrétaire général d’une fédération de la CGT, la FNME, qui s’est illustrée durant ce conflit par de nombreuses actions symboliques, dont celle des « Robins des bois ». Que révèlent-elles ?

Quand nous menons des opérations de gratuité de l’énergie, nous mettons en exergue tout ce que le gouvernement ne souhaite pas faire. Je m’en explique. Dans l’énergie, les directions de nos entreprises accompagnent la politique du gouvernement, qui ne protège plus les Français. Le bouclier tarifaire n’a fait que compenser les hausses des tarifs provoquées par le marché de l’énergie.

Face aux mensonges de l’exécutif, la FNME a décidé de dire la vérité aux Français. Remettre l’accès à l’énergie pour une famille qui en est privée, nous l’expliquons : le non-paiement des factures est d’abord dû à des tarifs bien trop élevés. En réalité, les factures devraient être divisées par deux ou par trois. Depuis vingt ans, la libéralisation s’accompagne d’un boom de la précarité énergétique jusqu’à pénaliser 13 millions de personnes, pour beaucoup des familles déjà en fortes difficultés. En France, des gens ne peuvent plus manger chaud ou se laver à l’eau chaude. C’est une réalité. Nous sommes les Robins des bois et nous l’assumons.

Vous avez reçu de nombreux messages de soutien de vos homologues européens. La répression antisyndicale en France est-elle spécifique ou s’inscrit-elle dans un phénomène plus large à l’échelle européenne ?

C’est malheureusement un phénomène européen. Je prends l’exemple de la Belgique. Nos camarades de la FGTB mènent des luttes pour la sauvegarde de l’industrie et des services publics, contre l’austérité, et font aussi face à de la répression antisyndicale. D’ailleurs, le jour de mon audition, ils se rassembleront devant l’ambassade de France à Bruxelles pour soutenir l’ensemble des militants syndicaux criminalisés.

Sur le même thème 

Sébastien Menesplier, secrétaire général de la CGT mines-énergie. © Julien Jaulin/Hans Lucas « Avoir l’œil sur tout et être pédagogue » : le regard de Sébastien Menesplier, notre rédacteur en chef du jour

Cette répression est organisée à l’échelle européenne, parce qu’elle s’inscrit dans les politiques d’austérité imposées par la Commission. Les forces syndicales ont besoin de converger pour s’opposer. C’est le sens de la journée de mobilisation du 13 octobre, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats, dans laquelle s’inscrit l’intersyndicale française. Cette mobilisation est une étape importante, pas une fin en soi, car l’austérité frappe du 1er janvier au 31 décembre.

Après sa rencontre avec les chefs de parti, mercredi dernier, Emmanuel Macron a validé l’organisation d’une conférence sociale. Cette dernière ne concernerait finalement que les branches avec des minima inférieurs au Smic. Est-elle crédible ?

Si conférence sociale il doit y avoir, elle doit prendre en compte l’ensemble des sujets portés par les organisations syndicales depuis la lutte contre la réforme des retraites. Le 28 août, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a rappelé au président de la République l’urgence de l’augmentation des salaires et des pensions face à l’inflation. La vie chère touche tout le monde. De nombreux retraités vivent dans une précarité accrue, alors qu’ils ont travaillé toute leur carrière, avec des bas salaires. Le président de la République ne peut ouvrir une conférence sociale portant uniquement sur le minimum du minimum. Nous sommes en attente du contenu de cette conférence pour mesurer les réelles intentions


Lire aussi:

Répression antisyndicale : « À six heures du matin, on arrête les dealers ou les tueurs, pas les syndiqués »

Solidarité avec Sébastien Menesplier et respect des libertés syndicales !

Menace sur la liberté syndicale

 


En savoir plus sur Moissac Au Coeur

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Donnez votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.