La manière dont le pseudo triomphe de la fin de la guerre froide se transforme en son contraire donne effectivement au “narratif” occidental un petit côté daté et assez paradoxal puisque c’est non seulement la libre circulation des êtres humains qui se transforme en charnier de la méditerranée mais les marchandises et la libre circulation des capitaux. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
C’est très paradoxal en effet. Et c’est une vision datée. L’occident se représente encore comme ce qu’il fut et non comme ce qu’il est devenu. Les soi-disant partisan du monde ouvert et connecté ne cessent d’inventer des murs et des barrières, non seulement aux hommes, femmes et enfants des pays du sud, mais également au commerce et même à la libre circulation des capitaux.Franck Marsal
S’agissant des hommes et des femmes, citons la Méditerranée, transformée en cimetière, les murs et barbelés installés partout, de Ceuta et Mellila, aux forêts polonaises, ainsi qu’à la frontière etats-unio-mexicaine. Il fut un temps où la plus grande accusation portée par “l’impérialisme occidental” contre l’URSS était la fermeture des frontières des états socialistes d’Europe, le fameux “Rideau de fer”. Lorsque le Mur de Berlin tomba, Rostropovitch vint jouer du violoncelle, et tous les propagandistes du capitalisme célébrèrent la liberté retrouvée. Qui jouera et chantera lorsque le “Rideau de fer de l’UE” tombera ?
S’agissant du commerce : qui a fait exploser les gazoducs NordStream, outil de commerce essentiel à la compétitivité de l’industrie de l’UE ? Il ne me semble pas que ce soit la Chine et plus personne ne soutient la thèse farfelue que la Russie a fait sauter ses propres gazoducs. Tout le monde évite désormais le sujet sachant bien que c’est évidemment à Washington que le feu vert à une telle opération a dû être donné.
Ce n’est pas tout : Depuis plusieurs années, les USA, le pays qui se revendique à la tête des technologies les plus avancées interdit le commerce avec Huawei et une série de firmes chinoises. Motif officiel : on a avancé des raisons de sécurité. Motif réel : la firme chinoise prenait le dessus sur un ensemble de marchés, produisant mieux et moins cher que tous ses concurrents occidentaux. Mais cela n’a pas suffit. Plusieurs fois par an, le gouvernement états-unien est obligé d’élargir la liste des produits qu’il est interdit de vendre en Chine, La mer de la production technologique chinoise monte et les USA colmattent sans cesse de nouvelles brèches pour ne pas couler dans une compétition commerciale qu’il ne domine plus. Qui est l’acteur d’un monde ouvert ? Qui se replie sur ses acquis du passé et tente seulement de retarder l’inéluctable ?
Quid de la liberté de circulation des capitaux ? C’est encore pire : C’est bien l’occident qui a voulu “débranché la Russie” des transactions financières internationales, notamment de la fameuse messagerie bancaire SWIFT. Et là encore, l’opération s’est terminée en humiliation. L’UE avait encore besoin d’acheter du gaz et du pétrole russe, qu’il fallait bien payer et qu’il a donc fallu payer désormais en rouble. Il n’y pas pas que la Russie qui soit victime des crispations de l’impérialisme occidental. Cuba est très durement touchée par les mesures états-uniennes qui empêche toute banque ayant un pied – et même un orteil – sur le sol états-unien d’opérer des transactions avec Cuba. Même les associations françaises sont touchées, sans que le gouvernement français ne réagisse sérieusement. On en est semble-t-il arrivé au point que les pilotes de la Cubana de Aviacion, la compagnie cubaine doivent, m’a-t-on expliqué, arriver en Europe avec une valise de billets afin de payer le carburant pour le vol retour. Cela en dit long sur la confiance que les pays impérialistes ont dans leur propre système.
Les pays soi-disant “partisans de la liberté”, ont couvert le monde de barrières pour sauvegarder leurs privilèges. Mais partout les digues craquent et l’heure du partage arrive.
Et en tous les cas, la “compétivité” française ne s’improvise pas dans le sillage de l’empire…
La compétitivité exige un investissement régulier et croissant, pour suivre le rythme de l’évolution technique. La quantité de capital nécessaire pour une même quantité de travail croît.
-
Un article des Echos du 10 novembre dernier détaille 3 grands projets d’investissements :
la construction d’une usine de production de batteries à Dunkerque. Selon les Echos, l’investissement nécessaire est de 2 milliards d’euros, pour 1200 emplois créés. Presque 1,7 million d’euros d’investissement par emploi.
Dans le détail : la France apporte par subvention un tiers de l’investissement (!!), la Banque Européenne d’Investissement (BEI) un autre tiers. Le reste est apporté par les marchés financiers, sous forme d’une levée de fonds.
L’Etat concours donc (à perte, puisqu’il ne demande pas d’être actionnaire de la société en contrepartie, ni d’être à terme remboursé par les profits qui seront réalisés) pour un tiers de ce gigantesque investissement) à égalité avec les deux sources classique de financement capitaliste : la banque et l’actionnaire. - Une PME de biotechnologie Carbios construit sa première usine pour le recyclage des plastiques. L’article est imprécis mais évoque une augmentation de capital de 141 millions d’euros, accompagnée d’une aide d’état de 54 millions, soit environ 200 millions d’euros, pour 150 emplois. On est à environ 1,3 millions d’euro par emploi créé.
- Nouvelle usine de semi-conducteurs Soitec en Isère, 400 millions d’euros d’investissements (pas d’éléments sur les subventions accordées, mais elles sont très importantes dans ce secteur) pour 400 emplois.
Cela donne le schéma suivant pour l’investissement en France :
- une partie importante de la plus-value réalisée en France est désormais remontée directement dans les centres d’affaires mondiaux, notamment aux USA pour être réallouée. De nombreux fonds étatsuniens sont en effet présent dans toutes les entreprises du CAC 40 et au delà. Pour obtenir la capacité d’investir massivement, et suivre l’évolution des normes de productivité, il faut donc satisfaire les exigences de rentabilité de ces actionnaires.
- L’état français est conduit à intervenir gratuitement pour apporter l’appoint nécessaire à ces projets afin d’accroitre le taux de rentabilité offert à ces fonds financiers, en même temps qu’il accorde à l’ensemble des entreprises des conditions toujours améliorées de rentabilité (effacement du droit du travail, effacement des cotisations sociales, crédits d’impôts en tous genre …). Par exemple, dans l’investissement de Dinkerque : si le taux de rentabilité envisagé sur le projet est de 10 % pour un investissement de 2 milliards, soit un profit annuel d’environ 200 millions. L’état investissant pour un tiers, devrait toucher 66 millions. Comme il renonce à sa part en finançant via subvention, les financeurs capitalistes (banques et actionnaires) vont capter la totalité du profit, 200 millions, pour un investissement réduit d’un tiers (1,3 milliards). Le taux de profit passe à 15% environ.
- Mais l’état ne peut financer cet investissement qu’en prélevant une somme équivalente sur la production nationale. Comment fait-il ? En réduisant les services publics, les retraites, en augmentant toutes sortes de taxes et – à son tour – en s’endettant.
Le résultat, reconduit année après année, de ces opérations se traduit peu à peu par la perte de souveraineté de la France, intégrée de manière croissante comme une annexe du système productif états-unien et progressivement incapable de ce fait d’assurer de manière autonome son propre développement.
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.