Les députés se rebiffent face au « déni démocratique » permanent que leur impose le gouvernement, aussi bien sur les questions budgétaires que sur les accords de libre-échange. À tel point que de plus en plus d’élus se disent prêts à voter une motion de censure contre Gabriel Attal.
« Jupiter » et ses troupes fuient, les parlementaires fulminent. Quel poids peuvent avoir députés et sénateurs sur la vie de la cité si le gouvernement s’obstine à contourner les deux chambres pour imposer ses plans sans débat ? Cette question se posait déjà avec les vingt-quatre 49.3 utilisés sous la présidence d’Emmanuel Macron. Elle réapparaît en ce début d’année avec le plan d’austérité de dix milliards d’euros pour 2024 annoncé par Bruno Le Maire.
Pas de débat, pas de vote, seulement un décret d’annulation de crédits publié unilatéralement au Journal officiel le 22 février dernier. Que la gauche ait demandé un projet de loi de finances rectificative (PLFR) n’y a rien changé, tout comme elle l’exige désormais pour répondre au taux de déficit public de 5,5 %.
Indisposé par sa majorité seulement relative, le camp présidentiel préfère l’évitement. « Cela pose un véritable problème démocratique, s’insurge le député PCF Pierre Dharréville. Ce gouvernement pense qu’il a raison seul contre tous sur tous les sujets. Ce mépris du Parlement invite à une réaction, on ne peut pas le laisser naviguer librement sans considération pour la représentation nationale ».
L’ombre de la motion de censure LR
Ce « mépris » du Parlement, que certains appellent « contournement », comme le président du Sénat, Gérard Larcher, ou « dévitalisation », tel l’ancien ministre socialiste Jean-Jacques Urvoas, devient monnaie courante. deux exemples récents en attestent : le vote – aussi symbolique que tardif – de l’accord de sécurité franco-ukrainien le 12 mars dernier n’a eu lieu que prêt d’un mois après avoir été conclu et signé par les présidents français et ukrainien…
Et le gouvernement refuse, après le rejet du Ceta par le Sénat, de transmettre le texte à l’Assemblée nationale comme l’impose normalement le processus législatif. De quoi décourager les parlementaires ? « Au contraire, répond Sébastien Jumel, député communiste. L’enjeu n’est pas de savoir, de façon corporatiste, si les députés sont frustrés. La question, c’est comment recoudre le lien entre la population et le politique, abîmé par un pouvoir qui gouverne contre la majorité des Français. Pour cela, il faut justement multiplier les propositions et les initiatives et se saisir de tous les outils à notre disposition ».
Une volonté partagée par le groupe Les Républicains. Par le biais, en particulier, des questions budgétaires. Les députés LR entendent lancer une commission d’enquête « visant à établir les raisons de la très forte aggravation de la dette française sous la présidence d’Emmanuel Macron et ses conséquences sur le pouvoir d’achat des Français ».
Le but : obliger le gouvernement à « enfin » se présenter devant les parlementaires. « Le gouvernement a décidé de fuir l’Assemblée nationale, se désole Olivier Marleix, président du groupe LR. On veut l’amener à venir s’expliquer. Même si électoralement ça ne sera pas porteur pour eux ».
Au point de déposer une motion de censure capable de renverser le gouvernement Attal pour le sanctionner de l’ensemble des affronts imposés au Parlement ? « L’hypothèse existe, précise Olivier Marleix. Nous ne voulons pas ajouter du chaos au chaos, mais nous agirons avec le sens des responsabilités. À un moment, il faut aussi savoir dire stop ».
« Dire stop », c’est aussi l’intention de Mathilde Panot, cheffe de file des députés insoumis. « S’il n’y a pas de PLFR de la part du gouvernement, le groupe insoumis déposera une motion de censure, explique-t-elle. Il est inacceptable que l’Assemblée et la représentation nationale soient mises de côté. Vous aviez une première ministre, Élisabeth Borne, qui piétinait l’Assemblée nationale à coup de 49.3, et maintenant nous avons un premier ministre, Gabriel Attal, qui ne cesse de la contourner ».
Le 49.3 dans le viseur des députés
Le niveau d’exaspération est tel qu’à cette initiative pourraient même se greffer des alliés inattendus, comme les parlementaires Liot, très agacés par le fait de voir l’Assemblée « niée ». « Habituellement, nous ne votons que pour les motions de censure que nous déposons, note Bertrand Pancher, député de la Meuse. Mais si ça continue, nous n’allons pas l’exclure ».
Avec un risque, pour le Premier ministre : devenir le nouveau Pompidou, seul chef de gouvernement à avoir été renversé par une motion de censure, en 1962. Pas certain que les « dialogues de l’Assemblée », format fraîchement proposé par Jean-Paul Mattei, député Modem et pompier en chef du camp majoritaire, pour permettre de « trouver des solutions transpartisanes », y puissent grande chose…
En attendant, ce jeudi, sera portée au vote des députés dans le cadre de la niche écologiste, une proposition de loi visant à supprimer le 49.3 de la Constitution afin d’« empêcher le passage en force d’une loi par le gouvernement ». Ce 49.3 qui a annihilé, au mois de décembre dernier, des amendements transpartisans portés au budget qui entendaient taxer les plus riches, et qui auraient d’ailleurs permis de retrouver des recettes aujourd’hui portées disparues…
Si les chances de la voir adoptée sont minces, cette possibilité est soutenue par près de 220 000 personnes via une pétition publiée sur change.org. Preuve que les méthodes du gouvernement émeuvent bien au-delà des hémicycles. Et qu’il est urgent d’en changer.
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