Nouveau coup d’éclat des organisations syndicales. Attendues par la ministre dans le cadre de « Grande concertation » sur l’autorité à l’École, la FSU, l’UNSA Éducation, la FNEC-FP-FO, le SGEN-CFDT, la CGT Éduc’action et SUD Éducation ont décidé de claquer la porte du ministère – le Snalc était absent. « Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer la visio du vendredi 3 mai : sans aucune interaction possible, elle a confirmé que l’exercice relève davantage de la parodie de dialogue social que d’un échange approfondi qui permettrait de mettre en perspective les défis auxquels est confronté notre système éducatif, qui ne se limitent pas à la vision orientée et simpliste portée par le Premier ministre », écrivent-elles dans un communiqué de presse. Elles estiment que « l’École mérite mieux que ce simulacre de dialogue social où l’École, ses élèves et ses personnels sont méprisés et réduits à de simples pions dans un exercice politicien ». Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, explique la position de l’intersyndicale.
Tous les syndicats qui claquent la porte, ça commence à être une habitude… Qu’est-ce que cela traduit ?
Cela traduit une grande exaspération. Exaspération de voir qu’il n’y a pas de dialogue social au ministère de l’Éducation nationale, que tout est verrouillé par un tempo politique qui ne prend pas du tout en contact l’intérêt de l’école, les enjeux du terrain… On l’a souvent dit au ministère, le dialogue social ce n’est pas être d’accord sur tout. C’est certainement avoir des désaccords, mais c’est surtout l’occasion de faire remonter ce qui se passe sur le terrain, de faire valoir ce que nous, en tant qu’organisations syndicales, nous portons pour nos collègues. Là, tout est verrouillé. L’École est devenue un objet très politicien. Un objet utilisé notamment par le Premier ministre, mais aussi par le président de la République, dans des stratégies politiciennes pour se construire de statures politiques, pour jouer des coups de billard à trois bandes dans un contexte électoral difficile pour cette majorité. L’École, et ses enjeux, sont devenus un espace de pion au milieu de tout ça.
Nous ne sommes pas adeptes de la chaise vide, mais à un certain moment il faut prendre ses responsabilités. Depuis quelques mois, les méthodes sont de plus en plus insupportables.
Sur le dossier de l’autorité, vous évoquez des décisions déjà prises, un « simulacre de dialogue social ». Est-ce seulement sur la forme que le bât blesse ?
Non, bien évidemment. Le fond aussi pose problème. Nous avons été estomaqués du discours de Gabriel Attal à Viry-Châtillon. C’est un discours qui révèle une certaine vision de la jeunesse. Une jeunesse perçue comme dangereuse par ce Premier ministre et la majorité. Une jeunesse qu’il faudrait mettre au pas par des sanctions. Ce discours et les mesures annoncées font primer la dimension punitive, répressive sur la dimension éducative. Nous sommes enseignants, personnels de collèges et lycées. Nous savons qui sont nos élèves. Nous savons que ce sont des jeunes qui grandissent, qui se construisent, qui évoluent lors de leur scolarité. Mes élèves de Seconde que je retrouve en Terminale ne sont pas les mêmes, ils ont changé, c’est le processus éducatif. Quand Gabriel Attal dit qu’on pourra sanctionner des élèves pour leur comportement par une mention sur le Brevet, le Bac, ou Parcoursup… C’est nier toute la dimension éducative. C’est nier que nos élèves sont des êtres humains qui grandissent et se construisent à travers le temps. Pour le Premier ministre Attal, la jeunesse est étiquetée dangereuse, c’est comme cela qu’elle est vue et qu’elle est traitée.
Mais alors que faire face aux différents actes de violence, rares, mais persistants ?
Il existe des actes de violence, il ne fait pas les nier, mais il ne faut pas sur les surestimer non plus. Quand des collègues sont confrontés à ces faits, cela laisse des traces, cela traumatise. Il faut donc savoir regarder ces actes avec lucidité. Il faut aussi savoir les analyser.
La violence des jeunes est nécessairement complexe. Elle est multidimensionnelle. Elle est le résultat de ce qui se passe dans la société.
Aujourd’hui, notre jeunesse vit dans une société qui lui offre bien peu de perspectives. Quelles perspectives offre-t-on aux élèves qui vivent dans les quartiers les plus difficiles ? Aucune. Ils voient autour d’eux des quartiers relégués, leurs grands frères, leurs grandes sœurs, leurs amis qui ne trouvent pas d’emploi. C’est extrêmement violent aussi. La violence à l’école se nourrit de la violence de la société.
Il y a aussi des actes violents, notamment ceux de ces dernières semaines, qui révèlent toutes les failles de notre École. Le manque de suivi de nos élèves présentant des troubles psychologiques par exemple, ça peut finir par une agression d’enseignant. J’ai en tête cette élève à Rennes qui a tenté d’agresser sa professeure avec un couteau. La violence, au-delà du fait qu’elle soit parfois le reflet de la violence de notre société, peut être aussi le résultat de jeunes qui sont passés à travers les mailles du filet éducatif par manque de personnels. Aujourd’hui, on a des élèves qui ne vont pas bien, qui devraient être suivis pour prévenir le passage à l’école… Avoir des adultes dans les établissements pour entretenir le climat scolaire, pour repérer ce qui se passe, pour discuter avec les élèves est absolument indispensable.
La sanction sans prévention n’a aucun sens, elle condamne bien souvent à la récidive.
Cette fin d’année est particulièrement explosive. Choc des savoirs et groupes de niveau, réforme de la formation, labélisation des manuels, autorité… Comment appréhendez-vous, au Snes-FSU, mais aussi en intersyndicale, les semaines à venir ?
L’enjeu des dix prochains jours, c’est la construction et la réussite de la journée du samedi 25 mai contre le Choc des savoirs et pour l’École publique. C’est une initiative qui doit rassembler largement, y compris avec les parents d’élèves. Les actions locales, notamment les réunions publiques, sont toujours aussi nombreuses.
Au sein du Snes-FSU, on va très rapidement discuter de possibles actions de fin d’année et de la façon dont on appréhende la rentrée.
Il est important de relever qu’on travaille très bien en intersyndicale. Il y a un travail en confiance et de façon très fluide dans une unité syndicale très intéressante et prometteuse. Aujourd’hui, nous sommes focalisés sur le 25, mais nul doute que l’on continuera de travailler ensemble. On a parfois des stratégies d’action différentes, mais nous avons réussi à tenir cette intersyndicale depuis plusieurs mois. C’est important pour nous, mais aussi pour nos collègues.
Lorsque l’on voit les coups donnés par le gouvernement et la façon dont le ministère de l’Éducation nationale tente de nous imposer des choses à marche forcée, c’est parfois rude. Mais on sait que nous, organisations syndicales avons une grande responsabilité, notamment le Snes-FSU par sa position dans le second degré. Même si le combat est rude, on est motivés pour le mener et le gagner !
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda
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