Eddie Jacquemart de la CNL: « Nous devons combattre l’idée qu’il n’y a pas d’argent »
La Confédération nationale du logement (CNL), dont Eddie Jacquemart est président, a participé à la constitution du Nouveau front populaire, après la dissolution de l’Assemblée nationale. Cette nouvelle union de la gauche permet un dialogue entre mouvements sociaux et forces politiques. Elle permet même des victoires à l’Assemblée nationale.
Vous vous êtes inscrits, avec la CNL, dans la démarche de Nouveau front populaire (NFP) dès le début. Pourquoi ?
Battre la droite n’est pas qu’une affaire de partis politiques, considérions-nous. C’est la raison pour laquelle nous avons adhéré à la démarche, avant même que les accords soient formalisés. Il est important que la gauche soit soutenue par le mouvement social pour que les choses avancent et que la mobilisation continue. En matière de logement, de construction, de régulation des loyers, le programme du NFP nous allait bien.
Toutefois, nous regrettions que notre demande de gel des loyers n’ait pas été reprise. Nous venons d’ailleurs de lancer une campagne de long terme sur ce sujet et la construction massive de logements sociaux.
Nous sommes aujourd’hui inquiets de la tournure prise par les événements, avec un Michel Barnier à la tête du gouvernement, alors que son parti ne représente que 5 ou 6 % des députés. Le non-respect du choix des Français qui ont mis en tête le NFP nous apparaît antidémocratique. C’est très grave.
Quel rôle jouez-vous au sein du NFP ?
Nous continuons d’abreuver la gauche de nos propositions et amendements. Dans le cadre de l’examen du budget, nous avons été auditionnés à plusieurs reprises par la gauche, et non par les autres forces politiques.
Le fait que la CNL ait pris parti dans la campagne des législatives fait que les députés du NFP nous écoutent davantage. Par exemple, François Piquemal (FI) a déposé une proposition de loi très intéressante sur le gel des loyers.
Quel regard portez-vous sur la coalition de gauche ?
Il faut poursuivre l’union. En commission, cette dernière a permis des avancées. Nous souhaitons continuer sur cette dynamique pour gagner. Le NFP doit continuer de travailler sur ce qui rassemble. On attend beaucoup de la gauche car on peut se rend compte que la coalition proposée par l’Élysée est contre-nature. La mayonnaise a du mal à prendre entre une extrême droite et une Macronie qui ne sait plus où elle va.
Quelles sont les victoires législatives déjà engrangées ?
Nous n’avons pas obtenu le gel des loyers mais le retour de la TVA à 5,5 % pour les bailleurs sociaux a été voté. Une conquête qui n’aurait pu être obtenue sans cette union de la gauche. Il s’agit d’une victoire politique importante : 5,5 % de TVA, cela signifie que l’on considère que le logement est un bien de première nécessité. C’est également une victoire technique. Cette évolution permettra de développer le logement social.
Avec un gouvernement NFP, nous serions allés beaucoup plus loin en matière de taxation, pour trouver des ressources. Rappelons que la première mesure d’Emmanuel Macron en matière de logement en 2017 a été de retirer 5 euros d’aide personnelle au logement à tous les allocataires pour supprimer l’ISF. Nous devons combattre l’idée qu’il n’y a pas d’argent. Il y en a, mais il n’est pas là où il devrait être : pour les habitants.
Comment évaluez-vous la politique du gouvernement de Michel Barnier. Les annonces faites concernent essentiellement le logement privé, peu le logement public…
Le budget à la Nation présenté aujourd’hui est une catastrophe concernant le logement. On pense encore que le marché privé va solutionner la crise du logement. C’est une grave erreur. Le prêt à taux zéro (étendu à l’ensemble du territoire, NDLR) est une bêtise, puisqu’il va pousser les ménages les plus modestes à s’endetter.
Mis à disposition des bailleurs sociaux, cet argent aurait pu servir à construire du logement pour le plus grand nombre. Le marché privé est bloqué. Les gens se tournent donc vers le parc public. Mais ce dernier ne peut satisfaire la demande : il y a 2,7 millions de demandes. L’an passé, on a construit 82 000 logements. Le gouvernement Barnier continue de penser que la main invisible du marché va solutionner la crise.
Au Sénat, une droite revancharde veut remettre en cause la loi SRU qui contraint les communes à disposer d’un parc de logement social de 25 % des habitations. Cela vous inquiète-t-il ?
Tout à fait. Le gouvernement va piocher à nouveau dans le projet de loi Kasbarian 2 (du nom du précédent ministre du Logement et actuel ministre de la Fonction publique, NDLR). Le texte élargit le champ de ce qui est considéré comme logement social, en y incluant le logement intermédiaire.
Les maires non-constructeurs vont se satisfaire de prendre des populations à plus haut revenu, sans jouer sur la mixité sociale. On va donner l’attribution des logements sociaux aux maires ; cela va entretenir un clientélisme local. Or, la loi SRU est une loi de la République, avec des mêmes droits pour tous.
Cet article fait partie de la série « Les voix du Nouveau Front populaire (6 épisodes) »
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