Aucun ministre ou ministre délégué n’a été désigné pour cette part de la population. Une absence dénoncée par les associations qui défendent les droits des plus jeunes et par des responsables de gauche.
L’enfance a donc si peu d’importance pour François Bayrou ? Dès la nomination du nouveau gouvernement, les associations qui se battent pour protéger les plus jeunes sont sidérées : le locataire de Matignon n’a pas reconduit le ministère chargé de la question. Ni même un ministre « délégué », déplore Adeline Hazan, la présidente d’Unicef France dans un communiqué. La question de l’enfance ne figure pas non plus dans l’intitulé du « super-ministère » du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles dirigé par Catherine Vautrin.
Pourtant, l’aide sociale à l’enfance traverse une crise sans précédent. Plus de 2 000 élèves vivent sans solution d’hébergement, selon l’Unicef, et 11 % des Français sont touchés par l’inceste, d’après l’association Face à l’inceste. La situation « est déplorable, c’est un mauvais signal pour les droits de l’enfant », assure Corentin Bailleul, porte-parole de l’Unicef, qui regrette que ces questions ne soient pas au centre du débat public. « Certains sujets restent bloqués depuis des mois, et là, rien ? » s’interroge-t-il.
Les droits des enfants, éternels oubliés
Annoncé à l’automne, le pacte des solidarités n’a toujours pas été mis en œuvre, tout comme l’observatoire de la non-scolarisation. Et les droits de l’enfant ne sont pas toujours prioritaires. « Au moment de la loi immigration, les nombreuses violations de ces droits ont très peu intéressé le gouvernement. Il en va de même pour la justice pénale des mineurs délinquants », égrène Corentin Bailleul. Pour lui, les enfants ne peuvent pas attendre un prochain gouvernement : il faut agir en mettant en place des politiques fortes.
« Même s’il penche de plus en plus à droite, un gouvernement devrait s’intéresser à ces questions : les enfants sont l’avenir du pays », souffle Shirley Wirden, responsable nationale des droits des femmes au PCF et adjointe à la mairie de Paris Centre aux affaires sociales, égalité et protection de l’enfance. « Le récent casting des ministres ne tient pas la route, car il n’y a eu aucun respect des urnes, qui appelait un gouvernement de gauche. Leur but est de maintenir un jeu de pouvoir sans projet politique d’ampleur nationale », poursuit-elle.
Un champ d’intervention réduit à peau de chagrin
Ces choix sont assumés par ceux qui n’ont jamais considéré l’enfance comme une priorité. Pour Shirley Wirden, il est essentiel que ces questions soient prises en compte, pour les enfants certes, mais aussi pour le droit des femmes. « Il y a des besoins colossaux pour les mères monoparentales ou pour les familles précaires. Lorsque Élisabeth Borne était première ministre, elle avait promis de s’y atteler, en vain. C’est un véritable mépris. »
Ne pas avoir de ministère dédié était « prévisible », souffle de son côté Lyes Louffok, membre du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Déjà en 2017, lorsque Emmanuel Macron a composé son gouvernement avec l’aide d’Édouard Philippe, il avait « complètement supprimé » ce ministère. Jusqu’en 2019, les associations et militants se sont battus pour le recréer : « nous avons monté des plaidoyers offensifs jusqu’à ce qu’on soit entendus », et cela a payé.
Mais, sous Michel Barnier, « nous sommes passés d’un ministère de l’Enfance et des Familles à celui de la Petite Enfance, ce qui rétrécit considérablement le champ d’intervention ». Ainsi, l’arrivée de François Bayrou se place dans la continuité de ce qui était déjà enclenché.
« Celui qui gifle un mineur ne peut se préoccuper de l’enfance », lance Lyes Louffok. En 2002, François Bayrou, alors candidat à la présidentielle de 2002 avait été filmé en train de frapper un garçon de 11 ans qui avait tenté de lui « faire les poches ».
Même s’il peine à l’avouer, le militant des droits de l’enfant se réjouirait presque de ne voir personne à la tête de ce ministère. « Il vaut mieux l’oubli que des décisions catastrophiques, confie celui qui s’est pourtant battu pour créer ce ministère et le préserver. Lorsque l’on voit les propositions de loi déposées par les différents députés du socle commun, j’ai peur des décisions qui auraient pu être prises. »
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