Muté de force, l’enseignant et militant syndical Kaï Terada devra réintégrer son établissement d’origine a tranché le tribunal administratif de Versailles

Le tribunal administratif de Versailles ordonne la réintégration dans son établissement d’origine de ce professeur de mathématiques et militant syndical, muté de force en 2022 sans véritable motif.

 

C’est un camouflet que vient d’essuyer le rectorat de Versailles. Le tribunal administratif de la même ville lui ordonne, dans un jugement rendu ce jeudi 9 janvier, de réintégrer Kaï Terada dans son établissement d’origine – le lycée Joliot-Curie, à Nanterre (Hauts-de-Seine) – où il avait exercé pendant 16 ans.

Ce professeur agrégé de mathématiques et co-animateur départemental du syndicat SUD Éducation avait d’abord été suspendu dès la rentrée de septembre 2022, sans justification. Puis il s’était vu notifier une « mutation dans l’intérêt du service » : tout en écrivant que Kaï Terada participerait « activement » à « la dégradation du climat au sein de la communauté éducative », le rectorat reconnaissait que « le comportement et les propos de Kaï Terada ne sont pas constitutifs d’une faute de nature à justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire ».

Le rectorat incapable d’apporter la preuve de ce qu’il reprochait à Kaï Terada

Malgré un puissant mouvement de soutien au retentissement national interpellant directement le ministre de l’Éducation nationale du moment, Pap Ndiaye, le rectorat avait maintenu la mutation : Kaï Terada était envoyé au lycée Jean-Baptiste Poquelin de Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines, à une heure de Nanterre, où il exerce toujours.

Instrument privilégié de la répression antisyndicale dans l’Éducation nationale depuis les années Blanquer, la mutation « dans l’intérêt du service » présente un double avantage : elle n’est pas officiellement une sanction disciplinaire et à ce titre, s’affranchit du respect du contradictoire. Pour la même raison, elle n’a pas besoin d’être motivée ni de s’appuyer sur des faits démontrés : il s’agit d’une procédure véritablement discrétionnaire.

C’est aussi ce qui a fait sa faiblesse aux yeux des juges du tribunal administratif de Versailles, quand ils ont examiné le recours déposé par l’enseignant. Selon l’hebdomadaire Politis, qui a eu accès au jugement, les juges ont estimé que le rectorat n’avait apporté « aucun compte rendu » des témoignages à charge qu’il évoquait à l’appui de sa décision, ni « aucun élément quant à l’implication éventuelle de M. Terada dans les dysfonctionnements » dont la responsabilité lui était imputée. À l’inverse, soulignent-ils, « M. Terada produit pour sa part de très nombreux témoignages de ses collègues ou anciens collègues (…), louant ses qualités d’écoute et de dialogue et niant toute implication de sa part dans les tensions apparues au sein des équipes pédagogiques ».

Une procédure discrétionnaire toujours pratiquée

Joint par Politis, Kaï Terada juge que l’apport de cette « quantité phénoménale de témoignages » a été « décisif ». Pour lui, « le jugement dit bien que le rectorat ne peut pas raconter ce qu’il veut pour muter ses personnels. Il est obligé de se justifier et ça, c’est très important ».

L’académie de Versailles a donc été condamnée à le réintégrer d’ici six mois. L’enseignant estime probable qu’elle fera appel du jugement, mais peu importe : l’appel n’est pas suspensif.

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En attendant, il souhaite terminer l’année scolaire dans son établissement actuel, pour ne pas « abandonner [ses] élèves en cours de route », et revenir à Nanterre en septembre.

L’issue de cette affaire a en tout cas de quoi donner de l’espoir aux autres enseignants, syndicalistes ou non, victimes de ces procédures arbitraires. Car même si leur fréquence a diminué depuis le départ de Jean-Michel Blanquer de la rue de Grenelle, elles ont toujours cours.


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