Consultation citoyenne sur le « temps de l’enfant » : quel est le bon rythme scolaire ?

Après l’évocation d’un référendum à ce sujet, Emmanuel Macron décide de donner la parole aux Français dans le cadre d’une consultation citoyenne sur le « temps de l’enfant », qui débutera dès ce mois de juin.

 

Revenir à la semaine de 5 jours et intégrer au temps d’étude des activités périscolaires permettrait de s’adapter aux besoins des enfants.

Agnès Florin Psychologue de l’enfance

Quel est le bon rythme scolaire ? Celui qui est adapté aux besoins et aux possibilités des enfants, pour leurs apprentissages et leur bien-être. Parmi les facteurs bien connus de l’efficacité et de l’équité des systèmes éducatifs, figure l’organisation de la journée, de la semaine et de l’année scolaire : des journées courtes, des semaines de 5 jours, pas de longues vacances annuelles.

Or, la France est le seul pays de l’OCDE à avoir 4 jours d’école : les enfants ont les journées les plus longues et un temps d’enseignement parmi les plus élevés, avec le plus de vacances annuelles. Un rythme scolaire qui n’a pas été pensé pour les enfants ! Il contribue aux difficultés d’apprentissage et pénalise les plus défavorisés (qui n’ont pas d’activités culturelles ou sportives le mercredi), comme le montrent régulièrement les comparaisons internationales.

Avec 4 jours d’école par semaine, les enfants sont moins vigilants, ont plus de comportements scolaires inadaptés. Et les enseignants effectuent en 4 jours ce qu’ils faisaient avant en 4 jours et 1/2, avec des journées trop chargées et une pression forte pour boucler les programmes. Ces données sont connues depuis plusieurs dizaines d’années. Il faut penser l’alternance des activités au cours d’une demi-journée et intercaler des activités artistiques, sportives, de découverte, entre maths et français, qui sollicitent une forte mobilisation cognitive. Les possibilités de concentration varient avec l’âge des enfants.

Or, du début de la maternelle à la fin du primaire, la durée des demi-journées scolaires est la même : 3 heures le matin, 3 heures l’après-midi, en autorisant la sieste l’après-midi pour les plus petits seulement. Chez les 10-11 ans, on sait que la fin d’après-midi est un moment propice aux apprentissages, mais pas chez les plus jeunes. En maternelle et en début d’élémentaire, on peut poursuivre les apprentissages par des jeux, des activités culturelles ou sportives.

Pour les collégiens, souvent couche-tard, des recherches récentes montrent que décaler le début des cours à 9 heures augmente la durée de sommeil, avec des bienfaits pour leur santé physique et mentale.

Le ministre Darcos a accordé la semaine de 4 jours aux enseignants en 2008 (24 heures de cours). Le ministre Peillon a essayé de revenir à une semaine de 4,5 jours en 2013, soit des apprentissages dits « fondamentaux » sur 5 demi-journées au lieu de 4, afin de réduire la fatigue des enfants et d’organiser pour tous des activités périscolaires quotidiennes, en les laissant à la charge des communes.

Mal négociée, la réforme a été contournée (par exemple des communes ont concentré ces activités sur le vendredi après-midi) et ce sont encore les enfants qui en ont pâti. Le ministre Blanquer a laissé le choix aux écoles : la pression des parents et des enseignants et la volonté des collectivités territoriales de diminuer leurs coûts ont fait que 80 % des communes étaient revenues à la semaine de 4 jours, dès 2018…

Sans toucher à la durée des vacances d’été, le gouvernement doit penser un rythme scolaire moins dense évolutif des enfants et des espaces vécus.

Julien Cahon Historien, spécialiste des politiques éducatives

La réponse à cette question est aussi complexe qu’évidente. Complexe car elle divise une multitude d’acteurs aux intérêts divergents et aux solutions contradictoires. C’est dire la lourde tâche de la convention citoyenne qui commence ce mois-ci. Évidente car le bon rythme est celui qui prend en compte l’intérêt des enfants et des adolescents, trop souvent oublié. Mais, au fond, quelles différences entre un bon et un mauvais rythme ?

Dans son rapport du 20 mai 2025, la Cour des comptes conclut au « rôle néfaste de la semaine de 4 jours » dans le premier degré : « L’organisation (actuelle) du temps scolaire n’apparaît pas conçue prioritairement pour les élèves. » Quelle révélation ! Cela fait des décennies que les spécialistes du sujet l’affirment ! En 2008, l’historien Antoine Prost avait alerté sur les conséquences du passage à la semaine de 4 jours réduite à 24 heures de cours : « Le nombre des élèves incapables de suivre en sixième va augmenter. Je dénie à quiconque ne proteste pas aujourd’hui (…) le droit d’ouvrir demain la bouche pour déplorer cet échec majeur. »

Dix-sept ans après, la Cour des comptes ose pointer un système scolaire en échec alors qu’il a bénéficié de moyens supplémentaires notamment dans le primaire. Mais comment les professeurs des écoles et leurs élèves peuvent-ils faire mieux avec moins ? 20 % de jours de classe en moins depuis 2008, soit l’équivalent d’une année scolaire entre le CP et le CM2 ! Pourtant, le nombre de semaines de cours par an (36) est resté le même ; ainsi que le volume horaire d’enseignement, l’un des plus élevés des pays de l’OCDE.

Le bon rythme scolaire est, en réalité, celui qui permet un étalement et une progressivité des apprentissages dans la semaine (avec plus de journées de classe, mais plus courtes et plus bénéfiques) et dans l’année, avec une alternance 7/2 (7 semaines d’école suivies de 2 semaines de congé) et des vacances d’été de 6 à 8 semaines. À l’échelle de l’Union européenne, la France fait partie des pays où elles sont les plus courtes sans qu’aucune corrélation ne soit établie entre niveau de performance et durée des vacances. L’Estonie, en haut du classement Pisa, a les vacances les plus longues d’Europe quand les Pays-Bas ont celles les plus courtes du continent avec un rang similaire à la France.

Enfin, le bon rythme scolaire serait celui qui tient compte des rythmes biologiques différenciés des élèves (de la maternelle au lycée) et des espaces vécus, qui s’articule avec la vie familiale et les activités extrascolaires en tout genre, s’adapte au changement climatique, sans être influencé par les logiques économiques, corporatistes ou politiciennes.

Tous les ministres, de droite comme de gauche, qui s’y sont employés, s’y sont plus ou moins cassé les dents. Les ingrédients sont connus, il ne reste plus qu’à trouver la recette « magique ». Il faudra une bonne dose de courage politique car il en va de la qualité de la formation de notre jeunesse et du service public d’enseignement.


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