Encore une scène d’effroi. Mercredi 24 septembre, une professeure de musique a été agressée au couteau au collège Robert-Schuman de Benfeld, dans le Bas-Rhin, sa vie n’est pas en danger. Le pronostic vital de l’élève de 14 ans qui a retourné l’arme contre lui est engagé. Le choc est immense.

Une nouvelle attaque au couteau secoue l’école à Benfeld

Cette attaque par un collégien intervient quelques mois après celle contre Mélanie Grapinet, assistante d’éducation assassinée en juin 2025 devant un collège de Nogent. Comme l’agresseur de la lycéenne nantaise en avril, l’élève présente une fascination pour les symboles nazis, illustrée par des tags SS dans son cahier. Elisabeth Borne, ministre de l’Education nationale démissionnaire, s’est rendue sur place. Elle a décrit un élève scolarisé en classe de 3è au « parcours personnel et familial difficile », placé à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), «en situation de handicap ». La ministre a indiqué un « goût pour les armes et Hitler ».

La procureure de Strasbourg a précisé qu’il « n’avait pas d’antécédents pénaux » et « probablement un handicap psychologique ». Selon les DNA, deux enquêtes ont été ouvertes, pour tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique et une autre sur les conditions d’interpellation du suspect.

Une série noire : quatre membres de la communauté éducative assassinés en cinq ans

« Ne jamais s’habituer à tels actes » déclare le Snes-fsu. Cette attaque s’inscrit dans une série tragique. En cinq ans, quatre personnels ont été assassinés : Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie en 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, Agnès Lassalle, enseignante d’espagnol poignardée en cours à Saint-Jean-de-Luz, Dominique Bernard, professeur de français victime d’une attaque terroriste à Arras et Mélanie Grapinet, assistante d’éducation, morte en juin 2025 à Nogent. Le Se-unsa a exprimé « sa consternation face à cette nouvelle agression visant une enseignante qui exerçait ‘simplement’ son métier : faire vivre l’école de la république ».

La prévention : un rôle essentiel de l’Éducation nationale

Des témoignages recueillis par les DNA décrivent le collège de Benfeld comme « assez calme ». Le journal rapporte des propos de la direction sur des cas de radicalisation d’élèves traités l’année précédente : « Des élèves qui tenaient des propos extrémistes, qui avaient des idées néonazies ou des propos antisémites. On a dû faire face à cela, certains élèves ont été changés de classe. »

La fascination de certains élèves pour l’extrême droite est un signal d’alerte. Face à cette situation alarmante, l’École a un rôle crucial à jouer dans la prévention.

Former les enseignants à détecter les signes de radicalisation, accompagner les élèves en difficulté, notamment ceux en situation de handicap ou placés sous protection sociale, sont autant de mesures indispensables pour éviter la bascule dans la violence.

Éduquer pour résister à l’extrémisme

Si la prévention est un enjeu, celui du défi de l’éducation est majeur. La situation des enfants placés et de l’aide à l’enfance est en urgence absolue. Les moyens éducatifs de l’Etat ont baissé. La protection de l’enfance, les enfants sont en danger. L’enfant suspecté avait subi des violences dans sa famille d’accueil, qui ont conduit à une condamnation de l’assistante familiale en 2024.

Le ministère de l’Éducation nationale a renforcé les dispositifs de sécurité avec près de 400 armes saisies depuis mars 2025 lors de 6 200 fouilles inopinées. Mais la prévention va bien au-delà de la sécurité matérielle : il s’agit aussi d’agir et d’éduquer. Aucun portique ne remplacera l’éducation, ni la présence d’adultes, de personnels médico-social en nombre suffisant. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas dans l’école : en moyenne, le taux d’encadrement infirmier par personnel est 1300 élèves, un médecin pour 12 572 élèves, 1 assistant social pour 1512 élèves, un psychologue pour 1500 dans le Premier degré.

Eduquer pour protéger

Et pourtant, que peut l’école ? La lutte contre la radicalisation d’extrême droite passe par des programmes qui sensibilisent les élèves aux dangers des idéologies haineuses et totalitaires, à travers l’enseignement de l’histoire, des droits humains et de la citoyenneté. Des ateliers de débat, des interventions de spécialistes et des partenariats avec des associations permettent d’encourager l’esprit critique et le respect des valeurs républicaines et de prévenir l’endoctrinement. Les tragédies ne doivent pas masquer ce que peut et fait l’école pourtant chaque jour : renforcer le lien social et offrir aux élèves des outils pour résister aux discours extrémistes.

Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des idéologies d’extrême-droite. S’il est donc essentiel que l’école développe des actions de sensibilisation aux dangers de ces influences numériques et forme les élèves à un usage critique et responsable des médias. Seule une action collective, associant enseignants, familles, médias, services médico-sociaux, permettra de contrer l’attraction des discours extrémistes et de protéger les personnels éducatifs comme la jeunesse. Et de l’éduquer.

Djéhanne Gani