La question des alliances revient régulièrement dans le débat politique à gauche, souvent sur un mode polémique : s’allier serait trahir, compromettre l’identité communiste, céder à la collaboration de classe. Cette critique, largement reprise par des courants dogmatiques ou populistes, révèle surtout une incompréhension profonde du marxisme et de l’histoire réelle du mouvement ouvrier.
Soyons clairs : les alliances ne sont pas une option tactique secondaire. Elles sont une nécessité objective de la lutte de classe, à condition qu’elles soient construites dans la clarté, la transparence et au service exclusif des intérêts du prolétariat.
CE QUE DIT LE MARXISME
Marx et Engels, dans le Manifeste du Parti communiste, sont sans ambiguïté : les communistes ne se coupent jamais du mouvement réel. Ils interviennent dans les luttes concrètes, travaillent avec d’autres forces quand cela permet d’affaiblir la domination du capital, tout en conservant leur indépendance politique et idéologique.
Lénine le rappelle dans La maladie infantile du communisme : « Renoncer à tout compromis, ce serait renoncer à la lutte politique sérieuse. »
Les compromis ne sont ni des abandons ni des capitulations. Ce sont des accords temporaires, conditionnels et connus, visant à construire un rapport de force favorable aux travailleurs. Le marxisme ne juge pas à l’intention, mais à l’efficacité révolutionnaire.
L’HISTOIRE CONFIRME, ELLE NE CONTREDIT PAS
L’histoire du mouvement communiste dément tous les procès en renoncement.
Sans alliances dans la Résistance, pas de Libération, pas de Sécurité sociale, pas de nationalisations, pas de droits nouveaux pour les travailleurs. Les grandes conquêtes sociales n’ont jamais été arrachées par les communistes seuls, mais par des alliances construites autour d’objectifs clairs, dans un rapport de force favorable au monde du travail.
Les révolutions elles-mêmes n’ont jamais été des œuvres solitaires : partout, les communistes ont organisé des alliances larges, dirigées politiquement, pour rompre avec l’ordre capitaliste.
L’EXPÉRIENCE MUNICIPALE : DES ALLIANCES UTILES AUX TRAVAILLEURS
Les municipales sont un terrain décisif. Elles ne font pas le socialisme, mais elles peuvent être des points d’appui pour les luttes, pour la création de richesses productives, le combat contre le capitalisme de rente et l’utilisation des collectivités comme leviers au service des travailleurs.
L’expérience l’a montré : des alliances municipales ont permis des avancées concrètes — tarification sociale, services publics renforcés, politiques locales favorables aux classes populaires. Ces résultats n’auraient pas été possibles dans une opposition abstraite et « pure ».
Être communiste, ce n’est pas proclamer, c’est agir.
LA QUESTION DE LA FRANCE INSOUMISE : ANALYSE POLITIQUE, PAS POLÉMIQUE
Lorsque la France insoumise présente des listes contre des listes d’union de la gauche, au risque de faire perdre des villes dirigées par des communistes et de les livrer à la droite ou à l’extrême droite, il est indispensable d’en faire une analyse politique sérieuse, sans invective mais sans naïveté.
Il faut informer clairement les travailleurs des risques très concrets de la division. Non pour polémiquer, mais pour permettre à chacun de mesurer les conséquences politiques de ces choix. La dispersion des voix populaires affaiblit le camp du travail et renforce ses adversaires de classe.
La France insoumise est un mouvement populiste. Dans certaines situations, son comportement électoral révèle une logique opportuniste, privilégiant l’affirmation organisationnelle à court terme plutôt que la construction d’un rapport de force durable contre le capital. Cela doit être expliqué calmement, politiquement, sans dénonciation morale.
Mais passer son temps à reprocher aux réformistes, aux populistes ou aux sociaux-démocrates d’être ce qu’ils sont n’a strictement aucun intérêt. Ces courants intéressent les communistes parce qu’ils sont influents dans le prolétariat. Et c’est précisément parce que l’unité du prolétariat est indispensable sur des objectifs de classe que les communistes recherchent des alliances.
Tant que le prolétariat ne sera pas majoritairement acquis à une orientation de rupture avec le capital, les forces de collaboration continueront à collaborer. Cela ne se dénonce pas, cela se combat politiquement.
La tâche centrale des communistes est donc de peser davantage que les populistes et les sociaux démocrates , dans les entreprises, les quartiers populaires et les luttes. C’est ce rapport de force qui contraindra ces derniers à ne plus diviser, sous peine d’être marginalisés.
ALLIANCES, OUI — DILUTION, JAMAIS
Les alliances ne doivent jamais signifier la négation de l’identité communiste. Elles doivent permettre aux travailleurs, quelles que soient leurs influences politiques, de voir dans les communistes des militants constants, intransigeants avec l’opportunisme et le révisionnisme, fidèles aux intérêts de leur classe.
Cela exige :
• des alliances claires et publiques,
• des compromis connus et assumés,
• une indépendance politique totale,
• une action constamment évaluée par les travailleurs.
Le critère de la vérité reste celui de la pratique.
UN PARTI COMMUNISTE ANCRÉ DANS LE MONDE DU TRAVAIL
Dans une période de crise, d’abstention et de montée de l’extrême droite, l’isolement est une impasse. Une gauche sans communistes devient mécaniquement plus libérale ou plus populiste. À l’inverse, un Parti communiste durablement implanté dans le monde du travail ce qui doit être sa tâche prioritaire et aussi dans les quartiers populaires est une condition décisive pour reconstruire l’unité du prolétariat et ouvrir des perspectives de transformation sociale.
Les alliances sont un moyen, jamais une fin.
Un moyen pour unir les travailleurs, résister au capitalisme et préparer les conditions d’une rupture réelle.
Comme l’écrivait Marx, les communistes ne se séparent jamais du mouvement réel :
ils y interviennent de façon stratégique pour le faire avancer.
Jean-Paul Legrand
25 décembre 2025
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