Éducation. Pourquoi le Grenelle déçoit les profs

Jean-Michel Blanquer au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, le mercredi 26 mai. Geoffroy Van Der Hasselt/AFP

Jean-Michel Blanquer au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, le mercredi 26 mai. Geoffroy Van Der Hasselt/AFP

 

La « revalorisation historique » des enseignants n’aura pas lieu : c’est la principale leçon des annonces en trompe-l’œil faites par Jean-Michel Blanquer mercredi soir.

Décorum solennel, éclairages soignés, mise en scène « comme à la télé » : mercredi 26 mai en fin de journée, la présentation des résultats du Grenelle de l’éducation par Jean-Michel Blanquer semblait hésiter entre show de variétés pour ménagère de moins de 50 ans et podium du Salon de l’auto – pom-pom girls en moins. Après trois mois d’ateliers et de tables rondes, de claquements de porte (dont ceux de la CGT et de la FSU) et aussi quelques crises de nerfs, le moment devait être « historique », ainsi que le ministre lui-même n’avait cessé de le répéter. Patatras : la montagne de com a accouché d’une souris politique… et semé quelques petits cailloux, comme autant de pièges possibles pour l’avenir du système éducatif français.

« Historique », la revalorisation promise aux personnels ? Comme toujours, Jean-Michel Blanquer prend des libertés avec les chiffres. Celui de 700 millions – qu’il a lancé surtout pour qu’il soit repris – est inexact. Il faut en retirer 200 millions consacrés à la prise en charge partielle d’une complémentaire santé… comme pour tous les fonctionnaires. Il faut aussi soustraire 100 millions, qui devront compléter le financement des mesures – principalement la « prime d’attractivité » – déjà mises en œuvre en 2021. Restent donc 400 millions, soit… le même montant que la « revalorisation » de 2021 ! « Sur un million de personnels, ce n’est pas grand-chose », fait remarquer Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU (premier syndicat du primaire).

Il faudra attendre juin pour y voir plus clair

Versée sous forme de prime, et non par une augmentation générale du point d’indice, cette pseudo-revalorisation ne concernera donc pas tout le monde : en 2021, seuls 30 % des enseignants (les plus jeunes) avaient eu droit à la prime d’attractivité. Les 70 % restants n’ont toujours rien eu, hormis la prime informatique de 150 euros – et celle de 450 euros pour les directeurs d’école, renouvelée pour 2022. Quant aux autres personnels, AESH, AED, contractuels… encore plus précaires et mal payés, nul ne sait s’ils seront concernés. Il faudra attendre juin, et les discussions avec les organisations syndicales censées mettre en musique les annonces de mercredi, pour y voir plus clair. Peut-être. Il reste, souligne Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU (second degré), que « l’abandon de la loi de programmation promise retire toute garantie, tout engagement de long terme ». Surtout à un an de la présidentielle : quand le ministre promet que plus aucun personnel ne sera payé moins de 2 000 euros net d’ici à 2025, en vérité, cela ne l’engage à rien.

Un point suscite beaucoup d’inquiétude : les remplacements

Au-delà des questions de rémunération, reste l’autre versant du Grenelle : celui qui devait dessiner « le professeur du XXIe  siècle ». Il se matérialise sous la forme d’une liste de « douze engagements pour renforcer le service public d’éducation ». On y trouve par exemple « de nouveaux avantages sociaux », matérialisés dans la bouche du ministre par l’annonce de la création d’une association baptisée Préau, qui constituerait l’équivalent d’un comité d’établissement pour l’éducation nationale. Mais « tout dépend de ce que l’employeur versera au budget » de cette nouvelle structure, fait remarquer Frédérique Rolet.

Un point suscite beaucoup plus d’inquiétude : les remplacements. Il s’agirait de les faire assurer soit via les heures supplémentaires – ce qui existe déjà dans le secondaire et ne marche pas –, soit… par des cours virtuels. Jugée « très inquiétante » par le Snes, cette mesure fait bondir Guislaine David : « La crise sanitaire a montré que c’était très compliqué en primaire. Il n’y a pas le choix : on a besoin de moyens humains ! » D’autres aspects inquiétants, comme l’accroissement de l’autonomie des établissements, le renforcement des hiérarchies intermédiaires et la « consolidation des directions d’école », restent encore dans le flou. Ministère et syndicats doivent se retrouver dès juin pour négocier la concrétisation de toutes ces annonces. Sans garantie de résultat.


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