Que restera t-il des relations professeurs – directeurs d’école mercredi soir ? Alors que la loi Rilhac arrive en 2de lecture à l’Assemblée le 29 septembre, on connait déjà les amendements qui seront examinés. Sous l’impulsion du discours d’Emmanuel Macron à Marseille, plusieurs invitent à donner le pouvoir de recrutement aux directeurs d’école partout et dès maintenant. Certains vont encore plus loin en lui reconnaissant aussi le droit de fixer les rythmes, les récréations et même « la façon d’enseigner ». Après Marseille, la loi Rilhac est dépassée par l’élan libéral lancé par le président de la République dans une surenchère dévastatrice.
Le texte issu de la commission
Examinée en commission le 22 septembre, la loi Rilhac a vu la majorité faire bloc pour imposer un directeur d’école ayant autorité fonctionnelle sur les professeurs des écoles. « Il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées », affirme l’article 1 de la loi. En même temps la commission a retiré de la proposition de loi toutes les contraintes pour l’Etat. Les décharges ne sont plus fixées en fonction du nombre de classes mais en fonction de ce nombre et des « spécificités » de l’école, ce qui rebat les cartes. L’obligation de formation du futur directeur imaginée par le Sénat disparait. L’aide administrative assurée par l’Etat est dans la nouvelle rédaction offerte par l’Etat ou les collectivités locales : plus personne n’en est responsable. Toute l’activité de la commission a consisté à garder du texte élaboré par la majorité de droite du Sénat la notion du directeur manager de l’école mais sans réel statut personnel protecteur (c’est l’autorité fonctionnelle) et à en retirer tout ce qui pouvait coûter à l’Etat.
Les propositions d’E Macron
Alors que la proposition de loi arrive en séance à l’Assemblée, les amendements déposés montrent qu’on passe à une seconde étape. L’Assemblée va avoir à décider si elle applique dès maintenant et partout le schéma qu’Emmanuel Macron a dessiné pour 50 écoles marseillaises.
Rappelons les propos d’E Macron le 2 septembre . « Il faut qu’on ait des directeurs d’école à qui on permet d’avoir un peu plus d’encadrement. Il faut que ces directeurs d’école ils puissent choisir l’équipe pédagogique… On pourra donc adapter, repenser les projets d’apprentissage, les rythmes scolaires, les récréations, la durée des cours, les façons d’enseigner, et qu’on puisse commencer dès la rentrée 2022-2023 ».
La gauche et certains LREM contre l’autorité hiérarchique des directeurs
Dans les amendements déposés on retrouve un amendement de M Larive (LFI) demandant la suppression de l’autorité fonctionnelle et de délégation de compétences. « Nous refusons que les directrices et directeurs s’inscrivent dans une nouvelle chaine hiérarchique », écrit -il. D’autant que les compétences déléguées ne sont pas précisées. Michèle Victory (PS) dépose un amendement uniquement contre l’autorité fonctionnelle. « L’ensemble des personnes que nous avions auditionnées indiquaient être opposées à la mise en place d’un pouvoir hiérarchique », rappelle t-elle. M Victory et M Ressigier (LFI) ont déposé à nouveau des amendements ajoutant à l’article 1 que le directeur « n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants de son école ». Lors de la commission, C Reilhac et la majorité avaient écarté deux amendements identiques.
Plus nouveau, deux députés LREM s’opposent aussi à l’autorité hiérarchique des directeurs d’école. Typhaine Degois ajoute la même phrase que M Victory à l’article 1. Et Lionel Causse ajoute que c’est l’IEN qui est le supérieur hiérarchique des enseignants et non le directeur. La question commence à diviser la majorité.
Quand le directeur dicte « la façon d’enseigner »
Mais d’autres amendement vont plus loin pour installer immédiatement et partout le rêve d’Emmanuel Macron. Béatrice Descamps (UDI) demande dans l’amendement 57 que « à compter du 1er juillet 2022 et pour 3 ans l’Etat peut autoriser à titres expérimental dans deux régions déterminée spar le ministre de l’éducation nationale les directeurs d’école à composer leur équipe pédagogique sans tenir compte des contraintes administratives habituelles ». Chaque mot compte : cela veut dire que dans deux régions (pas académies mais régions) un grand mouvement de postes peut être organisé et que pour rester il faudra se soumettre aux idées du directeur.
Il y a pire. Mme Le Grip (LR) s’appuie sur le discours d’E Macron pour que à partir de la rentrée prochaine le directeur d’école choisisse l’équipe pédagogique « dans certaines municipalités dont la liste est fixée par décret ». Cette fois ci il n’y a plus de limite de lieux (amendement 10). Dans l’amendement 11, elle ajoute que dans ces municipalités, le directeur d’école peut « adapter les projets d’apprentissages, les rythmes scolaires, les récréations, la durée des cours et les façons d’enseigner ». Mme Le Grip s’appuie là aussi sur le discours d’E Macron. Son amendement est bien naif dans sa rédaction mais il donne tout pouvoir, à la suédoise, aux directeurs d’école. Même le curriculum n’y résiste pas. L Reiss (LR) demande que le directeur participe au recrutement d’enseignants « qui devront adhérer au projet d’école ». Cette fois ci il n’y a plus de limite de lieux ou de temps (amendement 17). Il profite de cet élan pour proposer de retirer de la loi que le directeur doit être un professeur des écoles. « Une direction commune entre un petit collège et une école doit être possible ». Avec cet amendement 22 la boucle est bouclée : on revient à l’amendement Rilhac de la loi Blanquer confiant la direction des écoles aux principaux de collège. On voit mal C. Rilhac s’opposer à cette mesure que seule la mobilisation des enseignants avait fait retirer.
Macron a ouvert les vannes de la vague libérale sur l’école
A gauche, un amendement socialiste propose de rétablir la formation obligatoire pour les futurs directeurs d’école. La majorité l’avait retiré du texte issu du Sénat ce qui donne une idée de sa considération pour les directeurs d’école. Un amendement LFI remet à la charge de l’Etat l’aide administrative pour les directeurs d’école. Là aussi la majorité l’a confié à l’Etat et aux collectivités locales, une belle façon de noyer le poisson.
Après avoir reculé à deux reprises sur le statut des directeurs d’école, la majorité est dépassée par l’élan créé par le discours d’Emmanuel Macron à Marseille. Celui-ci croyait peut-être préparer des thèmes de campagne en récupérant des idées de droite sur l’Ecole. Il est pris au mot par la droite et on voit mal comment la majorité, qui dans le passé a combattu pour ces idées elle aussi , pourrait contredire le discours du président de la République. Dans un dossier où depuis 3 ans la majorité tergiverse, on arrive au point de rupture. E Macron a ouvert les vannes aux idées les plus folles de la droite. Tout est possible.
François Jarraud
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