Il y aura plus d’adultes devant les élèves en septembre, promet le ministre. En réalité, la Rue de Grenelle tire profit d’une politique qui pousse les familles vers le privé. Explications.
Ceci n’est pas un conte pour enfants. Au commencement était Luc Chatel, qui vendait du shampooing chez L’Oréal. Consacré ministre de l’Éducation nationale en 2009, il se voit adjoindre un directeur général de l’enseignement scolaire, véritable n° 2 du ministère, issu du sérail, ancien recteur, oint d’une parfaite connaissance du système : Jean-Michel Blanquer. Ce binôme façon auguste et clown blanc accoucha à la rentrée 2010 d’une « réforme » de la formation des enseignants consistant à jeter devant les élèves, sans autre forme de procès ni – surtout – de formation, des étudiants désormais recrutés à bac + 5 et venant tout juste de franchir l’obstacle des concours. Il y fut mis fin, sans fleurs ni couronnes, après 2012.
Quand l’histoire se répète, dit-on, c’est sous forme de farce. Pas sûr que celle qui se prépare pour la rentrée de septembre 2022 fasse rire grand monde. Comme chaque année à la veille des vacances, le ministère a révélé, le 15 décembre, ses prévisions chiffrées pour la répartition des moyens et les conditions de cette future rentrée. Et malgré les boules et les guirlandes scintillantes, l’œil attentif distingue sans peine… le retour de la réforme de 2010 ! Sous le bolduc, le père Fouettard.
Titulaires, contractuels et étudiants dans le même sac
Pourtant, qu’on se le dise : cette rentrée sera, comme dans les contes, parfaitement parfaite. Dans le primaire, théoriquement prioritaire, le nombre de créations de postes s’élève à… zéro. Mais le ministère compte « une nouvelle augmentation de 1 965 moyens d’enseignement ». Magie de Noël ? Que nenni. La principale explication tient à la baisse importante (et prévue) des effectifs élèves, avec 67 000 enfants de moins. Ce qui rend disponibles quelque 2 500 postes. Ceux-ci seront utilisés, pour environ 1 300 d’entre eux, à améliorer un peu les décharges de service des directeurs et directrices d’école. Les autres, soit 1200, devront parachever les dédoublements des grandes sections en éducation prioritaire, ce qui ne suffira sans doute pas à la tâche et conduira à de nouvelles dégradations dans les autres niveaux, du CE2 au CM2, où l’on sera prié – malgré le Covid – de s’entasser comme des paquets cadeaux au pied du sapin.
Voilà pour la « priorité au primaire ». Le secondaire, lui, a subi 7 900 suppressions de postes depuis 2017, en dépit d’effectifs élèves en hausse. Ils devaient l’être à nouveau en 2022, de 24 000 élèves, selon les prévisions officielles. Oui, mais non : c’est à présent une… baisse de 6 600 élèves qui est attendue. Et malgré 410 postes encore supprimés, « le second degré bénéficiera ainsi de 1 615 équivalents temps plein supplémentaires », triomphe la Rue de Grenelle. Il faut déchirer le papier cadeau pour découvrir l’entourloupe : en ne parlant plus de postes mais de « moyens d’enseignement » et d’ « équivalents temps plein », le ministère met dans le même sac postes titulaires, heures supplémentaires (qui ne sont pas toutes utilisées, faute de personnel), contractuels, et même… les étudiants tout juste issus du concours, qui ne seront plus en formation à mi-temps, mais à plein temps devant les élèves. Comme sous Luc Chatel. La ficelle est aussi grosse qu’une corde de pendu. N’oublions pas, au passage, les assistants d’éducation (AED, ex-surveillants), qui pourront désormais remplacer les enseignants sur des absences courtes.
Il manque 7 000 postes d’infirmières dans l’éducation
Tout au fond de la hotte du père Blanquer, on trouve quand même 300 créations de postes de conseillers principaux d’éducation, mais qui seront prioritairement destinés aux très blanquériens « internats d’excellence », et 50 postes d’infirmiers ou assistants sociaux. Rappelons que le Snics-FSU, syndicat des infirmières de l’Éducation nationale, estime qu’il en manque… 7 000.
Enfin, 60 postes d’inspecteurs dédiés au contrôle de l’instruction en famille et des écoles privées hors contrat seront créés. L’idée n’est pas si mauvaise. Car, quand les syndicats interrogent le ministère sur la stupéfiante baisse des effectifs (im)prévue dans le secondaire, la seule hypothèse timidement avancée, c’est celle d’une fuite de plus en plus massive d’élèves… vers le privé. Ceux qui estiment que l’ensemble de la politique éducative de Jean-Michel Blanquer vise, précisément, à favoriser le privé, n’en seront pas surpris. Et d’autant plus inquiets.
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