Film « les SEGPA » : quand on organise le mépris et le harcèlement + Réactions

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2 réponses

  1. Delphine Samier dit :

    Lettre à l’équipe d’un film qui n’a pas dû assez réfléchir avant de s’engager dans un projet qui risque de blesser, stigmatiser et ostraciser des adolescents qui n’ont pas vraiment besoin de ça.

    Nos élèves se font traiter de SEGPA. Pas tout le temps, mais ça arrive. Pas tous les jours, mais suffisamment pour que ça les blesse. Suffisamment pour qu’en 6ème, ça leur fasse de la peine et qu’ils nous demandent d’intervenir. Suffisamment pour qu’en 5ème, ils s’endurcissent. Suffisamment pour qu’en 4ème, ils s’isolent du reste du collège. Suffisamment pour devoir monter un projet de communication afin de faire comprendre au reste du Collège que SEGPA n’est pas une personne. SEGPA est la dénomination d’une section, l’utiliser pour parler des élèves est réducteur et le plus souvent péjoratif.
    Nos élèves ne sont pas des SEGPA. Ils sont en SEGPA… Ils le sont car leurs familles ont eut le bon sens et le courage d’accepter une orientation, malgré le risque d’être mis en marge d’une société qui prône avant tout les études générales… car encore aujourd’hui les études professionnelles sont sous-estimées et dénigrées.
    Et voilà qu’un film va sortir en pointant du doigt « les SEGPA », en les caricaturant, voire en les ridiculisant. Je passerai sur le contenu des blagues, des réparties et bouffonneries qui ne me font pas rire… chacun ses goûts.
    Je reste bloquée sur les éventuelles conséquences.
    Représenter des élèves de SEGPA par des adultes à la dérive frise le ridicule, mais reste moins cruel et moins violent que l’image qu’ils donnent de leurs parents en montrant un père qui joue aux jeux vidéo jusqu’à 6h du mat avec son gamin et un autre qui ne reconnait pas un de ses fils. Comme chacun le sait dans certains milieux socio-culturels, on ne dort pas et on ne connait pas ses propres enfants. Et oui, je prends ces extraits au premier degré, car c’est ainsi que ce sera entendu, compris et analysé. L’humour se construit sur ce qu’on pense avoir observé ou vécu. Cela confortera l’idée que certains se font d’un monde ou d’un milieu qu’ils ne connaissent pas et qu’ils se contentent de côtoyer de loin via les médias.
    Je ne souhaite pas l’interdiction de ce film. Je suis pour la liberté de parole. Mais je ne le verrai pas et je souhaite très vivement qu’il fasse un flop commercial. D’une part pour montrer que la médiocrité culturelle a ses limites (mais ça encore une fois, c’est relatif… chacun ses goûts) et d’autre part pour faire passer l’intérêt de milliers d’adolescents orientés en SEGPA avant un événement médiatique, quel qu’il soit.
    Les élèves de SEGPA sont avant tout des gamins qui, à un moment de leur vie, se sont retrouvés en souffrance dans leur parcours scolaire… tellement en souffrance qu’ils ont arrêté de suivre, au même rythme que les autres, les apprentissages dispensés à l’école. Ils sont tout aussi intelligents que les autres élèves, mais pour autant ils ont des difficultés à construire leur compétence scolaire et à ce titre, ils sont dénigrés… quand ils ne se dénigrent pas eux mêmes. Ils finissent, alors, par vivre leur scolarité dans la douleur. Et quoiqu’on fasse pour les rassurer, ils doutent toujours un peu plus d’eux et de ce que l’école peut leur apporter. Ils cherchent pour beaucoup, et comme ils peuvent, à échapper à cette douleur et aux angoisses qu’elle leur prodigue. Pour la plupart leurs familles les accompagnent avec énormément de sollicitude. Mais, pour cela, il aura fallu auparavant travailler de nombreuses heures pour faire accepter une orientation mal perçue et pour éviter qu’elle soit mal vécue.
    Ce film met en danger cet équilibre fragile.
    Les familles qui ont déjà peur de l’image que l’orientation en SEGPA va donner de leurs enfants, les familles qui s’étaient déjà construites une vision caricaturale des élèves de SEGPA, les familles qui angoissent que leurs enfants soient stigmatisés et rejetés, vont être encore plus difficile à convaincre.
    Les élèves qui ont déjà une image abîmée d’eux mêmes, qui ont déjà du mal à croire au bien fait de leur orientation, qui ont déjà du mal à retrouver de la confiance dans le système scolaire, vont être encore plus en souffrance et en défiance.
    Les professeurs du général, du banal, du droit commun, du non spécialisé, du hors SEGPA n’ont pas toujours une représentation correcte ou bien pensée de nos élèves. Ils n’ont pas toujours conscience de leur intelligence et ne perçoivent souvent que leurs difficultés.… des difficultés qui vont largement être grossies et déformées.
    Ridicule… voilà comment je comprends ce film! Blessant…ce qu’il va être! Boycotté… comme je l’espère!
    L’humour est comme tout, il a ses limites. S’il ne sert à rien et qu’il fait du tort, alors il les a trouvées. Le second degré n’en est plus quand il s’agit juste de blagues faciles qui se cachent derrière les moyens financiers du cinéma. L’humour potache est l’apanage des collégiens ou des soirées bien arrosées entre copains… il a son lieu, là où il ne fera pas de tort, là où il ne fera pas de victimes.
    On fait tous des blagues de merde, mais on est pas obligé de les raconter aux autres et encore moins d’en faire une « super » production.

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