Justice Ce lundi s’ouvre le procès de quatre militantes féministes violemment interpellées le soir du 14 juillet 2020, à Nantes, à proximité d’un de leurs collages. Pour avoir réagi, elles risquent deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Elles sont quatre. Quatre membres du collectif des Colleuses de Nantes, engagées contre les féminicides et les violences faites aux femmes. Ce lundi, s’ouvre leur procès au tribunal judiciaire de Nantes (Loire-Atlantique).
Toutes sont passibles de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour « avoir, sans arme et en réunion, opposé une résistance violente ». Mais l’une d’elles est également poursuivie pour « avoir volontairement commis des violences sur personne dépositaire de l’autorité publique n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail (ITT) ». Pour cela, elle encourt trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Des griefs qu’elles rejettent en bloc. « On attend d’être relaxées. Toutes. On n’est pas coupables », répète Anelya, 25 ans.
« Notre seul tort, résume Cass, l’une des prévenues, c’est d’avoir collé quelques lettres de papier, et ce, sans aucun flagrant délit. » L’affaire remonte au soir du 14 juillet 2020. Elles sont six à s’être donné rendez-vous pour une grosse opération de collage, en réaction à la nomination au poste de ministre de l’Intérieur de Gérald Darmanin, visé par des accusations de viol. « On venait de coller trois mots “liberté, égalité, impunité”, raconte Cass. Quelques instants après, on croise un équipage de la brigade canine. Ils ne nous ont pas vu coller mais nous voient avec les seaux de colle à la main. » Les policiers ne peuvent leur dresser une contravention pour collage sauvage, faute de les avoir surprises en flagrant délit. Mais ils les interpellent pour effectuer un contrôle d’identité. Ils demandent à fouiller les sacs. Elles refusent. Et l’une d’entre elles sort son téléphone pour filmer la scène. L’un des deux policiers se précipite sur elle pour le lui arracher et l’emmène dans un renfoncement de magasin, à l’abri des caméras de surveillance, plaquant son avant-bras sur son cou. « Je suis intervenue, je l’ai tiré en arrière pour qu’il la lâche, mais l’autre policier m’a projetée au sol », raconte Cass. Elle revient à la charge. Mais elle et ses camarades ne feront pas le poids face à la vingtaine de policiers appelés en renfort. « Ils ont dit qu’ils s’étaient sentis en danger de mort, raille la militante. Moi, avec mon 1,50 m pour 35 kg ! C’est moi qui ai eu quatorze jours d’ITT. Eux, aucun ! » S’ensuivent plus de vingt heures de garde à vue humiliante, émaillée de propos sexistes. « Tout est fait pour vous déshumaniser. Je n’ai pu avoir un médecin qu’au bout de dix heures, douze heures pour un avocat », précise Cass. À la sortie, deux membres du groupe sont libres. Les quatre autres sont poursuivies. Petit détail non négligeable : entre-temps, la mention du contrôle a disparu.
« L’affichage militant, ça dérange »
Pour Cass, ce procès est éminemment « politique » : « C’est le procès de la colère des femmes qui s’expriment. On est victimes de violences car on dénonce des violences. J’ai été victime de viol, de violences conjugales. Ce soir-là, je ne me suis pas soumise. » Aujourd’hui encore, Anelya, elle, ne s’explique pas ce déferlement de violences « sorti de nulle part » : « Des violences patriarcales, j’en ai vécu plein. Et ce soir-là, c’était justement ces violences qu’on dénonçait. » À l’approche du procès, la jeune femme avoue « beaucoup d’angoisse ». « Cela fait un an et demi que la GAV (garde à vue – NDLR) a eu lieu. On est fatiguées, on a envie de tourner la page », lâche celle qui, depuis cet événement, souffre de stress post-traumatique. « Cela a changé ma vie. Désormais, j’ai super-peur d’aller en manif. Je ne suis jamais rassurée quand je croise des policiers. » Si Anelya s’est remise à coller assez rapidement après, elle a finalement arrêté. « Je ne suis plus en capacité. Cela me prend trop d’énergie. Avant, j’y allais avec plaisir, je passais de bons moments. Maintenant, c’est synonyme d’angoisse. » Cass reconnaît qu’elle est habituée à se faire agresser verbalement quand elle sort coller : « Au mieux, on nous dit que “c’est sale”. Mais ce qui est sale, c’est ce qui nous arrive tous les jours. Le collage, c’est quelque chose qui est fait pour sauter à la gueule des gens, ce n’est pas fait pour être beau, ce n’est pas de l’art, c’est un moyen d’agit-prop. L’affichage militant, ça dérange. Et ça dérange qu’une femme, féministe, se réapproprie la rue, la nuit. »
« On espère être relaxées toutes les quatre. Sinon, ça risque d’être très compliqué à vivre », s’inquiète Anelya. Cass, elle, reste déterminée à aller « jusqu’au bout, en faisant appel si (elle est) condamnée ». Ce soir-là, elle a dit aux policiers : « Vous avez pissé sur les mauvaises godasses ! »
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