Ce sont à nouveau les moins de 35 ans et les classes populaires qui ont le moins voté. Quant aux reports de voix, ils donnent à voir l’effritement du front républicain.
Le scrutin de dimanche a ouvert une période d’incertitude avec une majorité toute relative pour Ensemble ! mais aussi une arrivée en force de la gauche à l’Assemblée et une percée historique du Rassemblement national. La carte politique du territoire s’en trouve bouleversée : si 324 circonscriptions conservent la même étiquette, 148 ont basculé plus à gauche et 105 plus à droite.
Mais le second tour des élections législatives a été marqué par un autre phénomène majeur : l’abstention, à nouveau, de plus de la moitié des citoyens appelés aux urnes (53,77 %, contre 52,49 % le 12 juin). « Ce sont plus de 26 millions d’électeurs qui n’ont pas voté. C’est le premier parti de France », a mesuré dès l’issue du vote sur TF1 le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi. Mais le phénomène continue de frapper différemment les électeurs selon leur profil.
Ce sont les jeunes, comme lors des précédents scrutins, qui sont les plus abstentionnistes, malgré les appels lancés par la Nupes pour les inciter à se déplacer. Selon Ipsos, 71 % des 18-24 ans et 66 % des 25-34 ans ne se seraient pas rendus aux urnes, dimanche. La non-participation reste majoritaire jusque dans la tranche d’âge des 50-59 ans, où elle s’élève à 57 %, pour chuter à 42 % parmi les 60-69 ans et à 34 % parmi les plus de 70 ans. Soit 37 points de différence d’un bout à l’autre de la pyramide des âges. Un écart encore plus important que lors de la présidentielle. À ce second tour-là, il était de 19 points entre les plus jeunes (42 % n’avaient pas voté) et les plus âgés (23 %), signe d’une intermittence du vote particulièrement marquée chez les plus jeunes.
67 % des ouvriers ont boudé les urnes
Le niveau de participation est aussi sensiblement différent selon la catégorie socioprofessionnelle. Les ouvriers se seraient ainsi abstenus, dimanche, à 67 %, contre 54 % des cadres et seulement 35 % des retraités. De même, selon le niveau de revenu : 64 % de ceux ayant moins de 1 250 euros de revenu par mois ne se sont pas déplacés, contre 49 % de ceux qui disposent de plus de 3 000 euros mensuels. Ce sont également – phénomène déjà observé lors du premier tour – 57 % des sondés ne se déclarant « pas satisfaits » de leur vie qui ont boudé les urnes, contre « seulement » 48 % des « satisfaits ».
« La campagne extrêmement dure menée l’un contre l’autre par Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron n’a pas suscité de remobilisation de leur camp respectif », affirme Mathieu Gallard, de l’institut Ipsos. Un constat nuancé par Frédéric Dabi, qui rappelle la moindre démobilisation par rapport à l’entre-deux-tours des législatives de 2017. Cette fois, c’est « 1,5 point de plus par rapport au premier tour, c’était 6 points de plus en 2017 où il y avait eu un record d’abstention avec 57 % », note- t-il. Il y voit l’effet de « la dramatisation de cette campagne » avec la confrontation entre la gauche, le camp présidentiel et le RN.
Avantage tout de même pour la Macronie, qui partait avec de l’avance. Ainsi, on compte 53 % d’abstention parmi les électeurs de Jean-Luc Mélenchon du premier tour de la présidentielle, 52 % parmi ceux de Marine Le Pen et 38 % parmi ceux d’Emmanuel Macron. Elle est également moindre (à 50 %) parmi les Français qui préféraient « qu’Emmanuel Macron obtienne une majorité », que parmi ceux (59 %) qui la souhaitaient pour la gauche : « Globalement, le différentiel de mobilisation entre partisans et opposants de la majorité présidentielle a été d’une dizaine de points », résume Ipsos.
Reste que « le sentiment est très fort que la campagne n’a pas abordé les enjeux qui intéressent les Français, dont le pouvoir d’achat, largement en tête de ceux-ci depuis des mois », note Mathieu Gallard, pointant une médiatisation concentrée d’abord sur la constitution du gouvernement, puis sur l’affrontement Nupes-Ensemble !, mais peu sur le fond.
Aux près de 54 % d’abstentionnistes, « il faut aussi ajouter les 7,7 % d’électeurs qui ont voté blanc et nul, alors qu’ils étaient 2,2 % au premier tour. Dans les différentes configurations de duels, avec la tripolarisation, énormément d’électeurs du camp éliminé ont fait le choix de ne pas choisir », observe le politologue de l’Ipsos.
Pas de report des électeurs de droite contre le RN
Les reports de voix entre les deux tours montrent d’ailleurs à quel point le barrage républicain face à l’extrême droite est affaibli. « Dans les duels entre Ensemble ! et le RN, 7 électeurs de la Nupes sur 10 n’ont pas voté ou voté blanc et nul. Et c’est la même chose dans les duels Nupes-RN pour les électeurs Ensemble ! – environ 7 sur 10, là aussi, ne choisissent pas », relève Mathieu Gallard.
Selon une enquête Harris Interactive, cette proportion serait un peu moindre : 48 % des électeurs d’Ensemble ! ne se seraient pas exprimés en cas de duel Nupes-RN, 34 % auraient choisi un bulletin Nupes et 18 %, RN. Dans les duels RN-Ensemble !, ce serait 45 % des électeurs Nupes qui n’auraient pas choisi ; 31 % auraient glissé un bulletin Ensemble ! dans l’urne, et 24 %, celui du RN. Quant aux électeurs RN du premier tour, en cas de duel Nupes-Ensemble !, 51% n’y auraient pas participé, 24 % auraient choisi le candidat Nupes et 25 %, celui d’Ensemble !.
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